Au fur et à mesure de sa jurisprudence, le Conseil d'État élargit le champ d’application des mesures de régularisation en matière d’autorisations d’urbanisme. Dans la lignée des dernières réformes législatives en la matière, la présente affaire illustre parfaitement cette (nouvelle) ligne jurisprudentielle.
Par arrêtés des 18 juillet 2016 et 3 janvier 2017, le maire de La Rochelle a délivré à la société BC Promotion un permis de construire initial et un permis modificatif n°1 pour la création d’une résidence étudiante. Une société tierce, la SCCV Lapeyre, a introduit un recours gracieux à l’encontre de chaque permis, tous deux rejetés et entrainant la saisine du Tribunal administratif de Poitiers.
Par un jugement avant-dire-droit du 5 juillet 2018, le Tribunal a sursis à statuer afin de permettre à la société BC Promotion d'obtenir une mesure de régularisation propre à assurer la conformité de l'implantation de la construction projetée aux dispositions de l'article UC+7 du règlement du PLU de La Rochelle.
Par arrêté du 22 juin 2018, le maire de La Rochelle a délivré un permis modificatif n°2 à la société BC Promotion, dont la SCCV Lapeyre a également contesté la légalité.
Finalement, par arrêté du 16 novembre 2018, le maire de La Rochelle a délivré un permis modificatif n°3 à la société BC Promotion, pris, notamment, sur le fondement des dispositions de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme.
En conséquence, par un jugement final du 28 mars 2019, le Tribunal a rejeté les demandes de la SCCV Lapeyre dirigées contre le permis initial et le permis modificatif n°1 et a prononcé le non-lieu à statuer sur la demande dirigée contre le permis modificatif n°2.
Suite au pourvoi introduit par la SCCV Lapeyre, le Conseil d’Etat devait donc se prononcer sur la question de savoir si une mesure de régularisation pouvait intervenir au titre des dispositions de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme autorisant de déroger ponctuellement aux règles du PLU afin de répondre à des objectifs de mixité sociale :
« La mesure de la régularisation prise au titre de ces dispositions peut, le cas échéant, prendre la forme d'une dérogation aux règles d'urbanisme applicables, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme, à la condition que le pétitionnaire ait formé une demande en ce sens conformément aux dispositions de l'article R. 431-31-2 du code de l'urbanisme. »
Par son arrêt Conseil d'État, 6/5 CR, 17 décembre 2020, n°432561, Aux Tables, le Conseil d'État répond par l’affirmative en retenant que le champ du permis de régularisation permet au bénéficiaire de demander l’application des dérogations listées au code de l’urbanisme.
L’emploi de l’adverbe « notamment » suppose qu’une telle régularisation pourrait intervenir sur l’intégralité du champ des « dérogations » visées à la section intitulée « Dérogations au plan local d'urbanisme » au terme de laquelle figure, notamment, les travaux d’accessibilité aux personnes handicapées (article L. 152-4 du même code), les mesures d’isolation des façades et toitures (article L. 152-5 du même code) et les objectifs de mixité sociale (article L. 152-6 du même code).
A l’avenir, l’extension de cette jurisprudence aux « adaptations mineures », visées par l’article introductif de la section précitée (L. 152-3 du code de l’urbanisme), pourrait également être envisagée. En effet, malgré l’existence d’une discussion doctrinale s’agissant de la distinction entre les notions de « dérogation » et d’« adaptation mineure», la jurisprudence admet déjà qu’un pétitionnaire déçu puisse se prévaloir de la conformité de son projet aux règles d’urbanisme, le cas échéant, assorties d’adaptations mineures : Conseil d'État, 6/1 SSR, 11 février 2015, n°367414, Publié au Recueil Lebon. A condition de remplir les conditions de l’article susvisé, une demande de permis de régularisation pourrait donc intervenir, le cas échéant, au motif de l’adaptation mineure des règles d’urbanisme : voir déjà en ce sens, pour le contrôle d’une demande de substitution de motifs de la part de l’administration : CAA de Marseille, 1ère chambre, 4 avril 2018, n°16MA00549.
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