Comment adresser une lettre recommandée avec accusé de réception en période de confinement ?

 

Ceci est un billet d’actualité. Il est sûrement imparfait. Toute contribution pour corriger, rectifier, est le bienvenu bl@nouveaumonde-avocats.com ou sur https://twitter.com/Bernard_Lamon.

Disclaimer : je ne travaille pour aucune des sociétés dont je cite la solution.

De nombreux textes prévoient la nécessité d’adresser une lettre recommandée avec accusé de réception pour faire valoir ses droits. Et même en l’absence d’un texte spécial, c’est un outil utile pour adresser par exemple une mise en demeure pour faire cesser une contrefaçon ou un dénigrement sur Internet.

En temps normal, on peut utiliser la lettre recommandée avec accusé de réception sous forme papier, ce qui implique l’utilisation d’un bordereau d’envoi d’un maniement qui n’est pas évident, douce litote.

À titre personnel, j’utilise depuis plusieurs mois le site Internet de la poste (https://www.laposte.fr/lettre-recommandee-en-ligne). Son fonctionnement est pris d’assaut et il est ralenti depuis la mise en place des mesures de confinement.

D’autre part, et surtout, dans un esprit de responsabilité, il faut tenter de limiter le nombre de plis adressés de manière physique.

J’ai donc adopté une première méthode : j’ai adressé une lettre recommandée « classique » en utilisant le site de la poste. Et j’ai aussi adressé au destinataire un mail joignant un fichier PDF de la lettre recommandée tout en proposant au destinataire de m’en accuser réception de manière simple, par l’envoi d’un simple mail. De cette manière, ce destinataire pourra éviter un déplacement à la poste.

J’ai posté un tweet suggérant que dans le cadre des mesures d’urgence, l’envoi d’un mail dont le destinataire accuse réception soit considéré temporairement comme une lettre recommandée avec accusé de réception.

Mais j’ai eu plusieurs réponses (je remercie tous les contributeurs) m’indiquant que des solutions purement dématérialisées existent. L’objectif de ce billet est donc de faire le point sur l’état du droit en la matière, de faire un rapide retour d’expérience et de proposer une liste de prestataires agréés.

 

Les textes qui organisent la lettre recommandée purement électronique (c’est-à-dire sans aucune circulation de documents papier) sont l’article L 100 du code des postes et communications électroniques, et cet article a été complété par un décret du 9 mai 2018, qui a créé les articles R 53 et suivants du code des postes et communications électroniques.

 

En synthèse, et évidemment avec un peu de simplification, la lettre recommandée électronique est valable si elle est adressée par courrier électronique à condition que le prestataire qui organise ce service adopte des méthodes strictes en matière d’identification de l’expéditeur et du destinataire. Ces différentes méthodes sont proches de ce qui est exigé en matière de signature électronique de documents.

La lettre recommandée électronique a la même valeur juridique que la lettre recommandée « papier », en application du principe joliment appelé « principe d’équivalence fonctionnelle ». Il existe quelques exceptions assez rares, par exemple concernant la résiliation du contrat d’assurance par l’assureur. Dans ce cas, il faut rester à la lettre recommandée « papier ».

Le système repose sur une distinction : quand le destinataire n’est pas un professionnel, il doit avoir exprimé à l’expéditeur son consentement préalable à recevoir des envois recommandés électroniques.

 

En conséquence, en théorie, quand une lettre recommandée est adressée pour des raisons professionnelles à une personne morale, aucun consentement préalable du destinataire n’est exigé.

 

En pratique, on peut utiliser un système mixte qui va adresser une lettre recommandée « papier » sans avoir besoin de se rendre, en tant qu’expéditeur, au bureau de poste. C’est ce que propose le site Internet de la poste. Le système est relativement simple, mais l’interface est un peu datée. L’intérêt est que le pli recommandé est reçu par votre interlocuteur de manière classique, par le facteur, et que vous recevez un accusé de réception signé manuscritement, très classique lui aussi.

J’ai pu tester un système de lettre recommandée électronique intégrale. L’usage du site AR24 que j’ai pu tester est simple. L’interface est moderne. Le moyen d’identification de l’expéditeur est classique pour les avocats qui utilisent une clef électronique type RPVA. Ce doit être la même chose pour les notaires, je suppose. Pour les professionnels qui n’ont pas de clef d’identification, la société propose d’en livrer une en quelques jours pour une somme modique (25€ env.). Elle promet de le faire en quelques jours, mais évidemment, tous les délais de livraison actuels sont étendus.

L’envoi de la lettre elle-même peut se faire selon trois modalités. La seule qui soit juridiquement équivalente à la lettre recommandée avec accusé de réception « papier » est celle qui est la plus complexe. Je l’ai testée en m’adressant une lettre à moi-même (de mon adresse professionnelle à mon adresse personnes).

Il y a deux solutions : lorsque l’envoi est fait à destination d’un professionnel, le destinataire reçoit un mail contenant un lien. Il peut refuser la consultation de cette lettre recommandée. Comme pour une lettre électronique classique, il ne connaît pas le nom du destinataire ni le contenu de l’envoi avant d’accepter ou de refuser. Pour consulter la lettre recommandée, il faut passer par une phase de vérification d’identité en fournissant une copie de sa pièce d’identité, et en dictant 3 chiffres face à une caméra (de Smartphone ou de PC). Je suis allé jusqu’à cette étape, mais la vérification n’a pas pu intervenir immédiatement car les services techniques étaient fermés pendant le week-end. Je mettrai à jour ce billet pour vous tenir informé de la suite.

Lorsque l’envoi des faits à destination d’un consommateur, le système semble basé sur un consentement préalable reçu par écrit. Et c’est là que le bât blesse. Si vous devez envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception à une personne non professionnelle avec qui vous n’êtes pas en relation habituellement, vous êtes supposés recueillir son accord au préalable. On peut bien comprendre que dans des grandes copropriétés, le syndic fasse signer à chaque propriétaire d’appartement une autorisation papier. Mais en pratique, si vous devez adresser une lettre recommandée ayant la même valeur juridique qu’une lettre recommandée papier à un particulier, il faut au préalable obtenir un accord écrit classique de la part de votre destinataire.

 

On comprend bien que le système n’est pas parfait notamment lorsque, en qualité d’avocat, je dois écrire à un non-professionnel une lettre recommandée avec accusé de réception.

 

Il reste sur le site de cette société deux autres méthodes qui ne sont pas équivalentes à une lettre recommandée « papier », mais dont la sophistication technique permettra de convaincre un juge que le mail a bien été reçu. En d’autres termes, si un avocat doit adresser une lettre recommandée à un particulier mais que la forme sacramentelle de la lettre recommandée avec accusé de réception n’est pas prévue par un texte spécial, il pourra se contenter de ces 2 autres méthodes « moins fortes ».

 

Je n’ai pas testé les autres services qui semblent assez nombreux. Je vous en donne une liste non exhaustive :

  • Clearbus,
  • LreFrance,
  • Neopost,
  • Edilink.

 

Si vous voulez aller plus loin, il y a un excellent article de Thibault Douville au répertoire Defrénois, Defrénois 7 juin 2018 n° 136t1, p. 27. Je le remercie très sincèrement de son aide quand il m’a adressé son article. Toutes les erreurs qui sont contenues dans ce billet sont les miennes. Merci, une nouvelle fois, de contribuer en commentant et en corrigeant.