Le comportement du bailleur qui, pourtant sollicité par son locataire, attend cinq ans pour réclamer la régularisation des charges locatives est considéré comme une faute contractuelle par le Cour de Cassation.

En l’espèce, le bailleur avait réclamé 9000€ au titre de la régularisation des charges locatives des cinq années précédentes. Or, le locataire avait au cours des deux premières années du bail manifesté son inquiétude de n’avoir reçu :

  • Ni le récapitulatif de sa situation,
  • Ni l’état des charges locatives.

Le bailleur n’avait pas donné suite aux sollicitations du locataire. Au bout de cinq ans, il avait adressé à son locataire la régularisation des charges locatives.

La Cour de Cassation retient que la demande adressée au locataire était juridiquement et, du point de vue du calcul, conformes. Toutefois, elle retient également que la loi dispose que la régularisation des charges locatives doit être faite annuellement. Par suite, la soudaine demande de régularisation au bout de cinq ans apparaissait comme de la mauvaise foi de la part du bailleur et devait être qualifiée de faute dans l’exécution du contrat de bail. Le bailleur a donc été condamné au versement de dommages et intérêts au locataire.

Civ. 3ème, 21 mars 2012

« LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 janvier 2011), que, le 27 février 2002, les époux X..., propriétaires d'un appartement, l'ont donné à bail à Mme Y..., M. Z... se portant caution solidaire des engagements de la locataire ; que le 5 mai 2009, le bailleur a demandé à la preneuse paiement d'une somme au titre de la régularisation des charges dues au titre des cinq années écoulées, puis, un commandement de payer délivré le 17 juin 2009 étant demeuré infructueux, l'a assignée, ainsi que la caution, en paiement d'une somme de 9 326,47 euros ; que Mme Y... est décédée en cours d'instance ; que M. Z... a reconventionnellement sollicité l'allocation d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande reconventionnelle alors, selon le moyen :
1°/ que la circonstance que le montant des charges locatives finalement dues par le bailleur soit trois fois plus élevé que celui de la provision pour charge conventionnellement stipulée ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi du bailleur dans l'exécution du contrat ; qu'en jugeant, en l'espèce, que le seul fait de réclamer "une provision sur charges d'un montant mensuel de 77 euros lors de la conclusion du bail et pendant les sept années qui ont suivi pour, en définitive, réclamer plus du triple de la somme provisionnée à l'issue de ce délai, (serait) constitutif d'une faute dans l'exécution du contrat", la cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 3, du code civil ;

2°/ que la circonstance qu'un bailleur ait tardé à solliciter de son locataire le paiement des charges locatives et n'ait pas procédé à une régularisation annuelle de ces charges ne suffit pas à caractériser sa mauvaise foi dans l'exécution du contrat ; qu'en déduisant la mauvaise foi du bailleur du délai dans lequel il avait sollicité de sa locataire, le montant total des charges locatives dues par cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 3, du code civil ;
3°/ qu'en toute hypothèse, si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ; qu'en fixant le préjudice causé par la locataire et la caution, du fait du retard apporté par le bailleur, à leur adresser un décompte de charge, à une somme équivalente aux sommes dues en application du contrat, la cour d'appel en a paralysé la mise en oeuvre, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'en toute hypothèse, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle une perte ou un bénéfice ; qu'en se bornant à allouer à M. Z... la somme de 10 000 euros tendant notamment à la réparation du préjudice résultant du retard apporté par le bailleur à solliciter le paiement des charges, sans justifier l'existence d'un préjudice distinct des conséquences de l'exécution de l'obligation dont la locataire ne pouvait être libérée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que par courrier adressé au bailleur le 30 novembre 2003, la locataire, par l'intermédiaire de sa fille et de son gendre, les époux Z..., s'était inquiétée de n'avoir reçu aucun état des charges et donc aucun récapitulatif débiteur ou créditeur de sa situation, que le 7 février 2004, Mme Z... avait sollicité encore du bailleur la régularisation des charges locatives de sa mère, qu'aucune réponse n'avait été donnée à ces deux lettres, que le 10 septembre 2008, M. X... avait adressé à sa locataire une demande de régularisation du loyer depuis l'année 2003 et réclamé un rappel d'indexation, notant que la provision sur charges était maintenue au montant initial et que le 5 mai 2009, M. X... avait réclamé pour la première fois une somme au titre de la régularisation des charges, sans aucune explication, la cour d'appel a pu retenir, en l'état de l'obligation légale d'une régularisation annuelle des charges pesant sur le bailleur, que la réclamation présentée sur une période écoulée de cinq ans de plus du triple de la somme provisionnée, si elle était juridiquement recevable et exacte dans son calcul était, dans ce cas, déloyale et brutale et constitutive d'une faute dans l'exécution du contrat et en déduire que M. X... avait, par son comportement, engagé sa responsabilité envers la locataire et sa caution solidaire pour le dommage occasionné ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté, par des motifs non critiqués, que l'immeuble loué comprenait une cave qui n'avait jamais été mise à la disposition de la locataire, laquelle avait dû utiliser le garage des époux Z... pour entreposer le surplus de ses affaires et retenu qu'il en était résulté un préjudice pour la locataire et ses enfants, la cour d'appel qui, condamnant M. Z... au paiement des charges réclamées à la locataire n'a pas porté atteinte à la substance des droits et obligations légalement convenus entre les parties, a souverainement apprécié le montant total des différents chefs de préjudice de M. Z..., sans être tenue d'en préciser les éléments ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à M. Z... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille douze
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