Dernière étape dans l’application du mariage gay : le Conseil d’Etat rejette les recours à l’encontre des textes d’application de la loi Taubira instaurant le mariage pour tous ; estimant que la liberté de conscience n’est pas de nature à permettre aux officiers d’état civil de refuser de prononcer un mariage homosexuel.

C’est le dernier épisode d’un long feuilleton qui s’achève ici. Lorsque la loi sur le mariage pour tous a été votée, de nombreuses voix se sont élevées, parmi lesquelles un certain nombre d’officiers d’état civil qui faisaient entendre que la loi ne pouvait pas, au nom de la liberté de conscience, de pensée et de religion, leur imposer de prononcer des mariages homosexuels. Plusieurs recours avaient alors été formés par ces officiers contre les textes d’application de la loi en question.

Toutefois, les officiers d’état civil ont l’obligation de célébrer les mariages homosexuels. Cette obligation se justifie par l’intérêt général. A cet égard, le Conseil d’Etat décide, dans la droite ligne du Conseil Constitutionnel (décision QP du 18 octobre 2013), que la liberté de conscience, de pensée et de religion ne peuvent justifier de se soustraire à cette obligation, pour plusieurs raisons :

  • Nulle obligation ne leur est faite d’approuver les choix faits par les couples qu’ils unissent,
  • Les engagements internationaux de la France ne prohibent pas le mariage et l’adoption pour les couples gays.

CE 18 décembre 2015, n° 369834

« Le Conseil d'Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies) sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux
Séance du 23 novembre 2015 - Lecture du 18 décembre 2015

Vu la procédure suivante :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 juillet 2013 et 2 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F... C..., M. B...-G...A..., M. N...P..., M. H...J..., M. B...-Q...E..., Mme K...M...et M. G... O...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du ministre de l'intérieur du 13 juin 2013 relative aux conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d'un officier d'état civil ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 035 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- le code civil ;
- le code pénal ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi de finances du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ;
- la décision n° 369834 du 18 septembre 2013 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérants ; 
- la décision n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérants ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Iljic, auditeur, 
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. F...C..., de M. B...-michelA..., de M. N...P..., de B...-yvesE..., de XavierJ..., de ClotildeM..., de Michel O...et de M. L... I...et autres ;

1. Considérant qu’à la suite de l’adoption de loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, le ministre de l’intérieur a édicté la circulaire attaquée, par laquelle il a rappelé aux préfets les conditions dans lesquelles les autorités compétentes peuvent célébrer un mariage et les conséquences auxquelles elles s’exposent en cas de refus illégal de procéder à une telle célébration ; que le ministre a également prescrit aux préfets de faire preuve d’une vigilance particulière à l’égard des officiers de l’état-civil dont le comportement aurait pour objet d’empêcher le mariage de deux personnes de même sexe sur le territoire d’une commune et de le tenir informé de ces situations ;

Sur les interventions :
2. Considérant qu’en leur qualité de maire, adjoint au maire ou conseiller municipal, les intervenants justifient d’un intérêt de nature à rendre recevables leurs interventions au soutien de la requête présentée par M. C...et autres ; que leurs interventions doivent, par suite, être admises ;

Sur le moyen tiré de la liberté de conscience :
3. Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que la circulaire attaquée est contraire à la liberté de conscience garantie par la Constitution au motif qu’elle ne rappelle pas l’existence d’une « clause de conscience » permettant aux officiers d’état-civil de refuser de procéder à un mariage entre personnes de même sexe ; que, toutefois, le Conseil constitutionnel a jugé, par sa décision n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013 par laquelle il a statué sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. C... et autres, qu’en ne permettant pas aux officiers de l’état-civil de se prévaloir de leur désaccord avec la loi du 17 mai 2013 pour se soustraire à l’accomplissement des attributions qui leur sont conférées par la loi, le législateur a entendu assurer le bon fonctionnement et la neutralité du service public de l’état-civil et n’a, ce faisant, pas porté atteinte à la liberté de conscience des officiers de l’état-civil ; que les requérants ne sauraient, par suite et en tout état de cause, utilement soutenir que la circulaire qu’ils attaquent méconnaîtrait la liberté de conscience constitutionnellement garantie ;

4. Considérant, en second lieu, qu’il résulte des stipulations de l’article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 18 du pacte international relatif aux droits civils et politiques que le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion prévu par ces textes peut faire l’objet des restrictions, prévues par la loi, qui sont nécessaires à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ; qu’aucun texte ni aucun principe ne fait obligation aux officiers d’état-civil d’approuver les choix de vie des personnes dont ils célèbrent le mariage et auxquelles ils délivrent des actes d’état-civil, et notamment le mariage entre personnes de même sexe ; qu’eu égard à l’intérêt général qui s’attache, ainsi qu’il a été dit, au bon fonctionnement et à la neutralité du service public de l’état-civil au regard de l’orientation sexuelle des époux, la circulaire attaquée ne méconnaît pas, contrairement à ce qui est soutenu, la liberté de conscience garantie par ces stipulations ; que ce moyen doit, par suite, être écarté ; 

Sur les autres moyens :
5. Considérant, en premier lieu, que la circulaire attaquée n’a pas pour objet de créer un traitement de données à caractère personnel ; que les requérants ne peuvent, par suite, utilement soutenir que le signalement par les préfets des situations dans lesquelles des officiers de l’état-civil feraient obstacle à la célébration de mariage entre personnes de même sexe aurait pour conséquence la création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dans des conditions contraires aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, qui impliquent seulement qu’un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne soit mise à même de demander la communication de son dossier préalablement à cette mesure, ne sont pas relatives aux mentions pouvant ou non figurer dans ce dossier ; que le moyen tiré de ce que le signalement par le préfet des situations dans lesquelles un officier de l’état-civil refuserait de célébrer un mariage entre personnes de même sexe méconnaîtrait les dispositions de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 est, par suite, inopérant ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la circulaire attaquée rappelle que l’officier de l’état-civil ne peut refuser de célébrer un mariage en dehors des cas légalement prévus ; que, ce faisant, elle n’énonce aucune règle de nature à faire obstacle à ce qu’un officier de l’état-civil s’abstienne de célébrer un mariage en lieu et place d’un autre officier de l’état-civil de la commune ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu’en se bornant à rappeler que le refus illégal de célébrer un mariage par un officier de l’état-civil est susceptible d’entraîner l’application des articles 432-1 et 432-7 du code pénal, relatifs respectivement aux cas dans lesquels une personne dépositaire de l’autorité publique fait obstacle à l’application de la loi ou commet des discriminations, la circulaire attaquée, qui ne qualifie pas les actes sanctionnés par ces articles, n’a pas fait une interprétation erronée de ces dispositions ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales : « Dans le cas où le maire, en tant qu’agent de l’Etat, refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi, le représentant de l’Etat dans le département peut, après l’en avoir requis, y procéder d’office par lui-même ou par un délégué spécial » ; que l’article 34-1 du code civil, créé par la loi du 17 mai 2013, prévoit que : « Les actes de l'état civil sont établis par les officiers de l'état civil. Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République » ; qu’il résulte de ces dispositions, à moins qu’un texte particulier n’en dispose autrement, que le pouvoir de substitution conféré au préfet par les dispositions l’article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales ne s’applique que dans la limite des compétences des maires qui s’exercent dans le domaine administratif sous l’autorité ou le contrôle du préfet, et ne s’étend pas, alors même que les maires agissent au nom de l’Etat, aux actes résultant de l’exercice des fonctions d’officier d’état-civil, qui sont placés sous le contrôle du procureur de la République ; qu’il suit de là que la circulaire attaquée n’a pas méconnu les dispositions de l’article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales en rappelant qu’elles n’autorisaient pas le préfet à se substituer au maire pour procéder à la célébration d’un mariage ;

10. Considérant, enfin, qu’une circulaire ne peut jamais être contestée par le moyen tiré de ce qu’elle ne prévoirait pas certaines dispositions ; qu’il suit de là que les moyens tirés de ce que la circulaire attaquée serait illégale au motif qu’elle ne rappellerait pas les dispositions relatives à la protection fonctionnelle des agents publics ainsi que le droit de ces derniers à la communication de leur dossier avant le prononcé de toute mesure prise en considération de leur personne sont inopérants ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. C...et autres doit être rejetée ; que leurs conclusions tendant à l’application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ;

D E C I D E :
Article 1er : Les interventions de M. D...et autres sont admises. 
Article 2 : La requête de M. F...C...et autres est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. F...C..., M. B...-G...A..., M. N... P..., M. H...J..., M. B...-Q...E..., Mme K...M..., M. G... O...et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée à la garde des sceaux, ministre de la justice, au Premier ministre et à M. L... I..., premier intervenant dénommé. Les autres intervenants seront informés de la présente décision par la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d’Etat. Les intervenants n’étant pas représentés par le ministère d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation pourront prendre connaissance de la présente décision sur le site Internet du Conseil d’Etat
. »

CE 18 décembre 2015, n° 370459, n°370468, n°370583 et n°370697

« Le Conseil d'Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies) sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux
Séance du 23 novembre 2015 - Lecture du 18 décembre 2015

Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 370459, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 juillet et 21 octobre 2013 ainsi que le 22 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Union départementale des associations familiales des Hauts-de-Seine (UDAF 92) demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-429 du 24 mai 2013 portant application de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe et modifiant diverses dispositions relatives à l’état civil et du code de procédure civile, l’arrêté du 24 mai 2013 modifiant l’arrêté du 29 juillet 2011 modifiant l’arrêté du 1er juin 2006 fixant le modèle de livret de famille (rectificatif) et la circulaire du 29 mai 2013 de présentation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 535 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 370468, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 juillet, 8 octobre et 26 décembre 2013, M. D...C..., M. O...-E...A..., M. K... M..., M. F...G..., Mme H...J..., M. E...L...et l’association des amis des maires pour l’enfance demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-429 du 24 mai 2013 portant application de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe et modifiant diverses dispositions relatives à l’état civil et du code de procédure civile, l’arrêté du 24 mai 2013 modifiant l’arrêté du 29 juillet 2011 modifiant l’arrêté du 1er juin 2006 fixant le modèle de livret de famille (rectificatif) et la circulaire du 29 mai 2013 de présentation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 535 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

3° Sous le n° 370583, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 21 octobre 2013, la confédération nationale des associations familiales catholiques demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-429 du 24 mai 2013 portant application de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe et modifiant diverses dispositions relatives à l’état civil et du code de procédure civile, l’arrêté du 24 mai 2013 modifiant l’arrêté du 29 juillet 2011 modifiant l’arrêté du 1er juin 2006 fixant le modèle de livret de famille (rectificatif) et la circulaire du 29 mai 2013 de présentation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 535 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

4° Sous le n° 370697, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 juillet et 28 octobre 2013 ainsi que le 20 novembre 2015, l’Union des familles en Europe et M. et Mme O...-Q... B...demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-429 du 24 mai 2013 portant application de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe et modifiant diverses dispositions relatives à l’état civil et du code de procédure civile, l’arrêté du 24 mai 2013 modifiant l’arrêté du 29 juillet 2011 modifiant l’arrêté du 1er juin 2006 fixant le modèle de livret de famille (rectificatif) et la circulaire du 29 mai 2013 de présentation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 535 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- la convention du 26 messidor an IX et ses articles organiques ;
- la charte des Nations-Unies signée à San Francisco le 26 juin 1945 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New-York du 7 novembre 1962 sur le consentement au mariage ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;
- la convention de la Haye du 14 mars 1978 sur les régimes matrimoniaux ;
- la convention internationale des droits de l’enfant du 26 janvier 1990 ;
- le traité sur l’Union européenne ;  
- la convention de La Haye du 29 mai 1993 relative à la protection des enfants et à la coopération en matière d'adoption internationale ;
- la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi du 18 germinal an X ;
- la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative ;                                          

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Iljic, auditeur, 
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Corlay, avocat de l'association des amis des maires pour l'enfance, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la Confédération nationale des associations familiales catholiques et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de l'Union des familles en Europe et de M. et Mme B...;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre les mêmes textes ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant que, pour l’application de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, le décret du 24 mai 2013, l’arrêté du 24 mai 2013 et la circulaire de la garde des sceaux du 29 mai 2013 ont respectivement modifié diverses dispositions relatives notamment au livret de famille, aux droits des conjoints survivants et des enfants adultérins et aux noms de famille, modifié le modèle de livret de famille et procédé à l’interprétation et au rappel des diverses modifications législatives et réglementaires consécutives à l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe ; que les requérants demandent l’annulation pour excès de pouvoir de ce décret, de cet arrêté et de cette circulaire ;

Sur les interventions :
3. Considérant que l’association Cosette et Gavroche, l’Union des familles en Europe et l’association Collectif familles 94, qui ont pour objet la défense de la famille fondée sur l’union entre deux personnes de sexe opposé, justifient d’un intérêt de nature à rendre recevables leurs interventions au soutien de la requête présentée par la confédération nationale des associations familiales catholiques ; que leurs interventions, présentées sous le n° 370583, doivent, par suite, être admises ;

4. Considérant que l’agence européenne des adoptés, l’association juristes pour l’enfance et l’association parti du monde, qui ont pour objet la défense des intérêt des enfants ainsi que l’application des conventions internationales relatives aux droits des enfants et à l’adoption, ne justifient pas d’un intérêt les rendant recevables à intervenir à l’appui d’une requête tendant à l’annulation du décret, de la circulaire et de l’arrêté attaqués ; que tel n’est pas non plus le cas du reste des intervenants sous le n° 370583, qui se bornent à se prévaloir de leur qualité de parents d’enfants nés ou à naître, de parents adoptifs ou d’enfants adoptés, pas plus que de l’ensemble des intervenants sous le n° 370697, qui se prévalent de leur seule qualité de couple fiancé ou marié ; que leurs interventions sont, par suite, irrecevables ;

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité :
5. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

6. Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que l’article 165 du code civil, rappelé par la circulaire attaquée, méconnaîtrait la liberté de conscience constitutionnellement garantie ainsi que les articles 4, 5 et 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en tant qu’il énonce le caractère républicain du mariage ; que, toutefois, le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013 a, dans ses motifs et dans son dispositif, déclarées conformes à la Constitution les dispositions de l’article 165 du code civil dans leur rédaction issue de la loi du 17 mai 2013 ; qu’aucun changement de circonstances survenu depuis cette décision n’est de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ;

7. Considérant, en second lieu, qu’au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité qu’ils soulèvent à l’encontre de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, l’Union des familles en Europe et M. et Mme B...soutiennent que ces dispositions seraient contraires au régime concordataire et ne pourraient, par suite, pas s’appliquer dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, créant ainsi une rupture d’égalité entre les personnes domiciliées dans ces départements et celles qui sont domiciliées sur le reste du territoire ; que, toutefois, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions de la loi du 17 mai 2013 s’appliquent sur l’ensemble du territoire national et sont sans incidence sur le maintien dans certains départements du régime concordataire ; qu’il suit de là que la question posée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées, les moyens tirés de ce que les dispositions de l’article 165 du code civil ainsi que de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit doivent être écartés ;

Sur la légalité externe des textes attaqués :
9. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 22 de la Constitution : « Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution » ; que les ministres chargés de l’exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l’exécution des actes en cause ; qu’en l’espèce, aucune disposition du décret attaqué du 24 mai 2013 n’appelle de mesure d’exécution que la ministre des affaires sociales et de la santé serait compétente pour signer ou contresigner ; qu’il suit de là que le moyen tiré du défaut de contreseing de ce ministre sur le décret attaqué ne peut qu’être écarté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte des dispositions de l’article 1erdu décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que les directeurs d’administration centrale et les chefs de service peuvent signer, au nom du ministre et par délégation, l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux services placés sous leur autorité ; qu’il suit de là que la chef de service, adjointe à la directrice des affaires civiles et du sceau, et le directeur général des collectivités territoriales avaient qualité pour signer l’arrêté du 24 mai 2013 modifiant les arrêtés fixant le modèle de livret de famille au nom respectivement de la garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre de l’intérieur ; que le moyen tiré de l’incompétence des signataires de l’arrêté attaqué doit être écarté ;

11. Considérant, en troisième lieu, que, par la circulaire attaquée du 29 mai 2013, la garde des sceaux, ministre de la justice, s’est bornée, contrairement à ce qui est soutenu, à prescrire aux services placés sous son autorité l’interprétation qu’il convenait de faire des dispositions en vigueur sans énoncer aucune règle nouvelle ; qu’en particulier, contrairement à ce qui est soutenu, la garde des sceaux était compétente, dans le cadre de son pouvoir d’organisation du service, pour demander aux procureurs de la République d’inviter les officiers d’état civil à porter à la connaissance des époux de même sexe les possibilités de non-reconnaissance de leur mariage et les risques qu’ils courent au regard de la législation de certains Etats ; qu’il suit de là que les moyen tirés de ce que la garde des sceaux n’était pas compétente pour édicter la circulaire attaquée doivent, par suite, être écartés ;

12. Considérant, enfin, que les dispositions de l’article L. 1211-4-2 du code général des collectivités territoriales, dans leur version applicable en l’espèce, prévoient que la commission consultative d’évaluation des normes « est consultée préalablement à leur adoption sur l'impact financier, qu'il soit positif, négatif ou neutre, des mesures règlementaires créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics » ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la commission consultative d’évaluation des normes a bien été consultée sur le décret et sur l’arrêté attaqués ; qu’il suit de là que le moyen tiré du défaut de consultation de la commission consultative d’évaluation des normes sur ces textes manque en fait;

Sur la légalité interne des textes attaqués :
13. Considérant, en premier lieu, que les conventions internationales d’état civil numéros 3, 15, 16 et 26, qui sont relatives aux obligations qui s’imposent aux Etats parties à ces conventions pour favoriser l’échange d’informations entre officiers de l’état civil, ont pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et sont dépourvues d’effets à l’égard des particuliers ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ces stipulations ; qu’au demeurant elles n’ont ni pour effet ni pour objet de limiter la liberté des Etats contractants de déterminer les personnes aptes à s’unir par mariage ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ni les stipulations de l’article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, aux termes desquelles : « Le droit de se marier est reconnu à l’homme et à la femme à partir de l’âge nubile », ni les articles 21 et 22 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant n’imposent que le mariage et l’adoption soient réservés aux couples de personnes de sexe opposé ; qu’il en va de même, en tout état de cause, de la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale ;

15. Considérant, en troisième lieu, que la convention sur le consentement au mariage signée à New-York en 1962, qui a pour seul objet de garantir le consentement des époux à l’acte de mariage, et la convention sur les régimes matrimoniaux signée à La Haye en 1978, qui a pour seul objet de déterminer la législation nationale applicable en cas de mariage, n’ont pas pour objet de déterminer les personnes aptes à s’unir par mariage ; qu’il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance, par les textes attaqués, des stipulations de ces deux conventions sont inopérants ;

16. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions de l’article 165 du code civil sont dépourvues de portée normative en tant qu’elles énoncent le caractère républicain du mariage ; qu’il suit de là que les moyens tirés de ce qu’en rappelant ces dispositions, la circulaire attaquée méconnaîtrait la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les articles 2 et 6 du traité sur l’Union européenne et les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

17. Considérant, en cinquième lieu, qu’en prescrivant aux officiers de l’état civil, par le point 2.1.3. de la circulaire attaquée, d’informer les époux de même sexe sur la possibilité que leur mariage ne soit pas reconnu dans certains Etats étrangers ainsi que sur les risques qu’ils courent au regard de la législation de certains de ces Etats, la garde des sceaux n’a pas méconnu le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats parties de l’Organisation des Nations-Unies prévu aux articles 1-2 et 2 de la charte des Nations-Unies signée à San Francisco le 26 juin 1945, qui, étant dépourvues d’effets à l’égard des particuliers, ne peuvent d’ailleurs être utilement invoquées ; qu’il suit de là que ce moyen doit être écarté ;

18. Considérant, enfin, que le moyen tiré de la méconnaissance, par les textes attaqués, du régime concordataire en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ainsi que de l’article 433-21 du code pénal, qui prévoit seulement la subordination de la célébration du mariage religieux à la production d’un acte de mariage civil, doit être écarté pour les motifs énoncés au point 7 de la présente décision ;

19. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation des textes qu’ils attaquent ; que leur conclusions tendant à l’application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ;

D E C I D E :
Article 1er : Les interventions de l’association Cosette et Gavroche, de l’Union des familles en Europe et de l’association Collectif familles 94 sont admises.
Article 2 : Les autres interventions ne sont pas admises.
Article 3 : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par l’Union des familles d’Europe et autres.
Article 4 : Les requêtes de l’Union départementale des associations familiales des Hauts-de-Seine, de M. C...et autres, de la confédération nationale des associations familiales catholiques et de l’Union des familles en Europe et autres sont rejetées. 
Article 5: La présente décision sera notifiée à l’Union départementale des associations familiales des Hauts-de-Seine, M. D...C..., M. O...-E...A..., M. K...M..., M. F...G..., Mme H...J..., M. E... L..., l’association des amis des maires pour l’enfance, la confédération nationale des associations familiales catholiques, l’Union des familles en Europe, M. et Mme O...-Q... B...ainsi qu’à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l’intérieur. Les intervenants pourront prendre connaissance de la présente décision sur le site Internet du Conseil d’Etat.
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