Délimitation de la réciprocité d'incrimination dans la convention d'extradition franco-canadienne.

Brefs commentaires sur Cass crim 19 juin 2019 (19-80.182)

À la différence du mandat d’arrêt européen, l’extradition combine une procédure longue avec une phase judiciaire et politique.

Il s’agissait en l’espèce d’une demande d’extradition adressée par le Canada (État requérant) à la France (État requis), conformément à la convention applicable qui exige une réciprocité d’incrimination dans les deux pays.

Au canada, plusieurs chefs de poursuites fondaient cette requête : tentative de meurtre, (crime dans la législation des deux États), et harcèlement et de violences commises sur un conjoint (en droit français article (délit dans les deux États). Ainsi la condition de réciprocité d’incrimination était-elle satisfaite conformément aux conditions posées à l’article 2 du traité d’extradition du 17 novembre 1988.

Pourtant l’arrêt d’appel est cassé partiellement en raison d’une autre infraction reprochée au suspect en territoire français : le délit d’omission de se conformer à une condition d’une promesse ou d’un engagement contracté devant un juge, passible de 5 ans d’emprisonnement en droit canadien. En effet, si ladite infraction est autonome en droit canadien, il n’en va pas de même en droit français car la sanction encourue n’est alors pas une peine strico sensu mais une levée du contrôle judiciaire.

De fait, il y aura bien extradition mais seulement du chef des infractions les plus sérieuses pour lesquelles la réciprocité d’incrimination est incontestable, non pour le délit d’omission de se conformer à promesse faite à un juge. En effet, la Cour régulatrice use de son pouvoir de cassation sans renvoi pour mettre fin au litige car les faits souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permirent d'appliquer la règle de droit appropriée.

Quels enseignements ?

 

1.- Par cette cassation partielle, la Cour de cassation exerce un contrôle par la Cour d’appel de la bonne lecture de la convention d’extradition.

En effet, la Cour d’appel fit une appréciation trop extensivement l’article 2.2. du traité  :

« si la demande d’extradition vise plusieurs faits distincts punis chacun par les lois des deux États mais dont certains ne remplissent pas les conditions fixées au paragraphe 2.1 », c’est-à-dire les infractions punies dans les deux droits par au moins une peine encourue de deux ans d’emprisonnement.

L’arrêt attaqué avait en effet assimilé la sanction de révocation de contrôle judiciaire comme équivalent à la peine de 5 ans d’emprisonnement prévue en droit canadien.

 

2.- La Cour régulatrice invite à une plus grande rigueur dans la délimitation. Elle rappelle la grille de lecture préconisée par la convention elle-même, en son article 2.2 in fine :

« que cette disposition ne saurait être interprétée comme ayant pour effet d’autoriser l’extradition pour un fait qui ne constitue pas une infraction pénale dans la loi de l’un des deux États ».

À bien lire, on comprend que la Cour d’appel avait interprété extensivement la réserve de l’article 2.2 de la convention comme impliquant qu’une sanction de révocation de contrôle judiciaire pouvait être vue comme équivalent à l’infraction autonome en droit canadien.

C’est ici que réside l’erreur. La Cour d’appel avait en effet donné une portée trop large à l’exception.

Elle donnait accroire que l’article 2.2 permettait également l’extradition même si les conditions légales relatives « à la peine encourue ou de celle portant sur la qualification des faits en crime ou en délit » n’étaient pas réunies.

 

3.- Dès lors, cette censure partielle de la Cour régulatrice invite à saisir que l’article 2.2 de la convention permet exceptionnellement d’autoriser l’extradition en raison d’une infraction punie d’’une peine encourue inférieure à deux d’emprisonnement mais à la condition toutefois qu’il s’agisse pourtant d’une peine en droit français.

Or tel n’était pas le cas en l’espèce car la révocation du contrôle judiciaire en cas d’irrespect des conditions de celui-ci n’est point une peine au sens précis que ce terme revêt. 

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Gageons que la publication prestigieuse de l’arrêt de cassation aura une visée didactique dans l’interprétation rigoureuse qu’il convient d’opérer des conventions d’extradition quant à la condition de réciprocité d’incrimination et ses exceptions.

 

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/1250_19_42792.html