La liberté d’association du franchisé face au devoir de loyauté de son franchiseur.

Note sous Cour de cassation, chambre commerciale

28 novembre 2018 n°17-18.619

 

Que des rapports de loyauté, de confiance mutuelle s’inscrivent nécessairement entre le franchisé et le franchiseur dans leur entreprise mutuelle est une réalité. Il convient pourtant d’en délimiter l’intensité dès lors qu’est en jeu une liberté fondamentale au profit du franchisé.

 

Peut-on tolérer qu’un franchisé créé et anime une association de défense des intérêts des franchisés exerçant sous une même enseigne ? Autrement, le franchisé ne brise t-il pas son devoir de loyauté envers le franchiseur dès lors que l’association créée a pour objet explicite de « se défendre de son cocontractant ». Étymologiquement, la défense du latin defendere, (repousser) implique l’existence d’une menace de la part du franchiseur. N’y a-t-il pas alors atteinte à l’image de marque du réseau du franchiseur et déloyauté à fédérer les franchisés pour se défendre contre le cocontractant commun ?

La Cour d’appel avait répondu par la positive en jugeant :

« (...) Qu’une association dont l'objet manifeste une défiance certaine à l'égard du franchiseur, constitue un manquement à une obligation essentielle au contrat de franchise, qui a été conclu intuitu personae ; qu'il considère que cet objet révèle en effet une attitude déloyale à l'égard du franchiseur, qui caractérise une « atteinte du franchisé à l'image de marque du réseau ou (un) manquement affectant gravement les intérêts du franchiseur »

La Cour de cassation censure pour défaut de base légale :

« Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir en quoi le seul fait de créer et participer à une association de défense des intérêts des franchisés, constitutif d'une liberté fondamentale, caractérisait une atteinte du franchisé à l'image de marque du réseau ou un manquement affectant gravement les intérêts du franchiseur, au sens de l'article 12.1 du contrat de franchise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; »

Il semble bien que l’importance de la liberté d’association relativise le poids du devoir de loyauté du franchisé en l’endroit de son franchiseur.

La Cour régulatrice casse pour manque de base légale, incitant ainsi les juges du fait à pousser davantage les contrôles de nécessité et de proportionnalité dès lors que la liberté d’association de la partie faible au contrat est en jeu.

Une telle décision s’inscrit dans les pas d’une précédente occurrence où la protection dévolue à la liberté d’association commandât d’invalider une clause du contrat entravant la liberté d’association.

Cour de cassation 3ème chambre civile, 11 octobre 2018, n°1723211, Bulletin.

En effet, la Cour de cassation approuve l’arrêt d’avoir retenu que :

« le preneur restait tenu de régler à l'association sa participation financière aux dépenses engagées pour l'animation du centre commercial, de sorte que cette clause, qui entravait la liberté de ne pas adhérer à une association ou de s'en retirer en tout temps, était entachée de nullité absolue ».

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Dès lors, le rédacteur de contrat veillera à ne pas méconnaître les potentialités des libertés fondamentales, notamment celle d’association dans l’opération de rédaction de clauses sous peine d’encourir quelques déconvenues.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000037787150&fastReqId=175804554&fastPos=1