À la faveur d’un scrutin présidentiel historique, des candidats ont fustigé une déconnexion accrue dans les rapports gouvernants et gouvernés. Le remède du mandat impératif fut proposé, soit la faculté pour les électeurs d’une circonscription de donner des instructions de vote à peine de révocation de l’élu en cas d’irrespect. Cependant les enseignements des régimes antérieurs, à l’exception de l’épisode de 1793, furent tirés : la Constitution de la Vème République proscrit le contrôle de tous les instants du représentant par ses électeurs. Son article 27 consacre le mandat représentatif par prohibition de sa figure inverse : « Tout mandat impératif est nul ». De même, l’allemande détaille « Les députés sont les représentants de l'ensemble du peuple, ne sont liés ni par des mandats ni par des instructions et ne sont soumis qu'à leur conscience. »

I. Un choix justifié

Guy Carcassonne rappelait que « le mandat est général, ce qui signifie que chacun de ses détenteurs représente la Nation ». Ainsi, le représentant agit pour une entité une et indivisible. La sémantique importe, celui-ci est élu dans une circonscription et non par une circonscription. En conséquence, en 1871, les députés d’Alsace-Moselle virent leur démission refusée au nom de l’indivisibilité de la Nation. Par contraste, le droit de révocation des élus en cas d’irrespect des consignes de vote d’une majorité marquerait l’abandon irrémédiable de la souveraineté nationale pour la souveraineté populaire. En effet, si le mandat devient impératif le représentant est subordonné ; la Nation perd sa souveraineté ; la tutelle s’exerce par une la majorité dans chaque circonscription, censurant l’irrespect de ses commandements. 

À priori séduisant, ce mode de représentation fut pourtant doublement condamné. 

-      Le mandat impératif disqualifié

Quels écueils ? La révocation, possible pendant tout le mandat, consisterait en la sanction de la non-conformité à un ordre donné. Le numérique permettrait les consignes de vote. Mais chacun s’interrogera sur la désirabilité du dispositif, au quotidien dans chaque circonscription, sur des sujets aussi complexes que le temps d’information sera limité ? Quels degrés d’implication et de précision pour jauger la majorité ? En outre, les périls du populisme, des groupes d’influence, de décisions inspirées par le court terme, électoralement plus porteur, déterminèrent les constituants à préférer un mandat libre car indépendant. Un raisonnement proche permet aux règlements des assemblées d’interdire la création de groupes d’intérêts locaux, professionnels par les parlementaires pour diminuer le risque d’une souveraineté confisquée par des réseaux d’influences méthodiques. De fait, la menace de déchéance de l’élu signerait l’abolition du vote libre. 

-      Le mandat représentatif privilégié

Quelle justification ? Il permettrait par un vote indépendant d’atteindre le bien commun même lorsqu’il se confronte à l’intérêt particulier de territoires ou groupes influents. Pour autant, la nécessaire responsabilité politique serait garantie par le nouveau scrutin, au terme du mandat, par sanction ou approbation de l’action menée. Dans cette perspective, la représentation est davantage que la simple traduction d’une volonté majoritaire d’une circonscription à un moment et des conditions données. Si la majorité délégante est sujette à la versatilité de l’opinion, l’élu, par hauteur de vue, doit se départir des passions et œuvrer selon sa conscience au bien national. Ainsi, seul le modèle représentatif permettrait d’éviter la dénaturation en démocratie d’opinion par opposition à une démocratie « pure » continuelle.   

II. Apories et réformes

Quel dilemme ? Si l’insuffisance du contrôle des gouvernés doit être corrigé tant il sape les fondements démocratiques, la cure suggérée ne doit pas s’avérer pire que le mal. En effet, l’élu par « myopie démocratique », soit l’inaptitude à déceler les intérêts supérieur et une vue à long terme, risquerait de privilégier l’intérêt particulier, immédiat de la majorité la mieux organisée. Sous le masque de la démocratisation, c’est en vérité le visage de l’exacerbation des antagonismes, constamment réactivé, et ainsi l’inaptitude à gouverner qui se dessinerait. 

Quelles solutions ? Depuis juillet 2017, tout député, sénateur, député européen ne peut plus être maire, adjoint, président, vice-président d’intercommunalité, de conseil général, régional. Le progrès initié est à achever par l’interdit du cumul dans le temps, des conflits d’intérêts, de la réserve parlementaire. Le 7 mai nous apprit que l’abstention et le vote blanc montent encore. La victoire sur la dépolitisation, le clientélisme est à ce prix. Ainsi, les périls opposés de la représentation (démagogie, faible représentativité) s’amenuiseraient. Le bien commun serait atteignable sans que l’élu ne devienne l’otage de jeux d’influence continuels. L’irréductibilité de la représentation à un métier serait assurée, la confiance des gouvernés regagnée.