De l’ouverture de la constitution de partie civile.

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Procédure pénale

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Brèves observations sous Crim. 20 mars 2019 n°17-85246

 

Une société X avait passé un contrat avec une société Y cocontractante, aux termes duquel la première devait acheminer des marchandises à la seconde. Il était contractuellement convenu que la société X, par ce contrat de transport, ne devenait pas propriétaires desdites marchandises transportées qui restaient en la propriété de la société Y. 

 

Ces marchandises avaient une valeur. Suffisamment en tout cas pour que le salarié au lieu d’acheminer lesdites marchandises comme convenu à la société Y, se détourne des termes du contrat et alla les vendre ailleurs afin d’en retirer un profit personnel. Ainsi, la société X, par l’infraction de son salarié fut contrainte d’indemniser la société Y. 

 

La matérialité de l’infraction ne laissait guère de place au doute. 

Ces faits tombaient sous la qualification d’abus de confiance en ce que le salarié commetait un détournement d’un bien par défaut intentionnel de restitution au sens de l’article 314-1 du Code pénal. 

 

En revanche, l’aptitude de la société de transport à se constituer partie civile à l’encontre de son propre salarié fit davantage débat. 

 

La juridiction du premier degré rejeta une telle constitution de partie civile au motif que la société chargée des convoyages n’étant jamais devenue propriétaire des marchandises transportées par elle ne pouvait avoir personnellement et directement subi du préjudice causé par l’infraction imputable à son salarié. Pour les premiers juges, le fait que la société de convoyages ne fut pas expressément désignée comme victime de l’abus de confiance dans l’ordonnance de renvoi excluait qu’elle put se constituer partie civile.

L’ouverture de la constitution de partie civile était donc particulièrement stricte et dépendait de l’ordonnance de renvoi qui, semble t’il avait basé son raisonnement sur la dichotomie propriétaire/ détenteur précaire des marchandises transportées, considérant que seul le premier pouvait être victime.

 

La juridiction du second degré en revanche apprécia plus extensivement les conditions d’ouverture de la constitution de partie civile. Elle posa, d’une part, que l’ordonnance de renvoi ne liait pas la juridiction de jugement et, d’autre part, que la société de convoyages justifiait d’un préjudice car elle avait indemnisé la société cocontractante. 

Dans ces conditions l’arrêt d’appel énonça : « l'abus de confiance peut préjudicier et ouvrir droit à réparation, non seulement aux propriétaires, mais encore aux détenteurs et possesseurs des biens détournés, victimes d'un préjudice résultant directement de l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction ». 

Ce raisonnement fut validé en son entier par la Cour de cassation. 

En effet, le préjudice matériel d’indemniser la société cocontractante lui fut bien personnellement et directement causé par les agissements de son salarié. La qualité du titre sur les marchandises, détenteurs, possesseur, propriétaire était indifférente dès lors que le préjudice était prouvé. 

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La solution de la chambre criminelle est à saluer en ce qu’elle satisfait purement aux exigences légales et censure l’ajout d’une condition à la loi malencontreusement réalisé par les premiers juges. 

Christophe D. Fabre