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Observations sous Cour de cassation Chambre criminelle 28 janvier 2020 Bulletin.

Pollution d’un cours d’eau. Quelles actions entreprendre. Droit pénal de l’environnement

 

Quid ?

 

Était en cause une pollution du cours d’eau « la Brévenne » dans le Rhône à Sainte Foy l’Argentière : des analyses laissaient apparaître une concentration en nitrites, phosphates & ions ammonium supérieurs aux normes réglementaires. En conséquence, la fédération de la pêche et de protection des milieux aquatiques du Rhône en refera au Procureur de la République qui saisit le juge des libertés et de la détention afin de faire cesser sous astreinte les rejets dépassant les seuils autorisés. Ce pour une durée de 6 mois.

 

Appel fut interjeté de cette ordonnance.

 

5 jours plus tard, le Président de la chambre d’instruction suspendit l’exécution de l’ordonnance rendue par le 1èr juge dans l’attente que l’appel fut définitivement tranché au fond.

 

 

Deux moyens attaquèrent alors l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction lyonnaise.

 

1.1.- Le premier Grief

 

Le 1er moyen, pris d’un défaut d’impartialité objective de la juridiction, était intéressant en ce qu’il arguait d’une violation de l’article 216-13 al 6 du Code de l’environnement en raison de la composition de la juridiction d’appel qui avait pour Président précisément le juge qui avait suspendu les effets de la décision du 1er juge 5 jours après celle-ci.

 

Il avait alors, objectivement déjà eu à connaître de la même affaire, même si la question à trancher n’était pas exactement la même dans les deux cas.

 

Le pourvoi ne manqua pas de porter la critique sur une telle composition perçue comme irrégulière comme en deçà des standards imposés par la Cour de Strasbourg.

 

1.2.- Quelle solution ?

 

La réponse fut courte, claire et cinglante :

 

« Attendu que le demandeur qui n’a pas usé de la faculté, offerte par l’article 668 du code de procédure pénale, de demander la récusation du président de la chambre de l’instruction, n’est pas recevable à mettre en cause l’impartialité de ce magistrat à l’occasion d’un pourvoi en cassation ».

 

1.3.- Quel enseignement ?

 

À dire vrai, une telle position du Quai de l’horloge n’est guère nouvelle. En effet, depuis le 9 septembre 2009 n°08-87.312, la Chambre criminelle ne cesse de frapper d’irrecevabilité les moyens pris de défaut d’impartialité sur le fondement 6§1 au motif que l’article 668 alinéa 5 du Code de procédure pénale ne fut pas invoqué devant les juges.

 

Il reste que cette solution est d’une certaine sévérité pour les plaideurs. L’insuffisance du nombre de magistrats dans l’hexagone explique très certainement la rigueur d’une telle solution. Pour autant, une telle solution invite à une prise de position lourde de conséquence du plaideur dans un temps extrêmement contraint.

 

Ainsi, faute d’avoir demandé la récusation du magistrat avec célérité et par conséquent déclenché un séisme judicaire, le plaideur qui aura procédé volontairement devant la juridiction ne saura recevable par la suite à critiquer un défaut d’impartialité.

 

 

2.1.- Le deuxième grief

 

Le second moyen de cassation proposé portait non plus sur la régularité de la procédure qui préside à la décision, mais bien sur le fond du litige. C’est l’argumentation même de l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction qui était en cause.

 

L’exposant critiquait le raisonnement tenu. Pour le pourvoi en effet, il n’était nulle besoin - afin d’ordonner les mesures provisoires de cessation de la pollution – que la responsabilité pénale de l’entité morale puisse être engagée in fine.

L’arrêt de la chambre de l’instruction en revanche avait procédé à une analyse de l’article 216-13 (permettant d’ordonner la cessation) en rapport à son emplacement dans le code de l’environnement.

 

Ce faisant, l’arrêt avait conditionné la possibilité d’ordonner la mesure de cessation à la possibilité d’une faute pénale génératrice de responsabilité pénale de l’entreprise polluante.

 

C’est précisément ce raisonnement que critiquait le pourvoi en cassation, reprochant ainsi au juge d’appel d’avoir ajouté une condition là où l’article 216-13 lui en lui-même ne la prévoyait guère.  

 

Dit autrement, le pourvoi niait farouchement que la plausibilité d’une responsabilité pénale de l’entreprise fut une condition à la mise en œuvre de l’article 216-13 qui permettait de faire cesser la pollution en urgence par la juge des libertés et de la détention.

 

2.2.- Quelle solution ?

 

La chambre criminelle reçoit l’argumentation du pourvoi en son deuxième moyen. Elle pose clairement que : « l’article 216-13 du Code de l’environnement ne subordonne pas à la caractérisation d’une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale le prononcé par le juge des libertés et de la détention, lors d’une enquête pénale, de mesures conservatoires destinées à mettre un terme à une pollution ».

 

2.3.- Quel enseignement ?

 

La chambre criminelle fait une interprétation autonome de l’article 216-13 en dehors de sa situation géographique à l’intérieur dudit code. Il y a là une solution de faveur, et une victoire pour la protection de l’environnement. En outre, le raisonnement qui consiste à lire un texte à la lumière de sa situation géographique, section, sous-section au sein desquels il s’insère peut s’avérer pour le moins hasardeux.

 

Davantage lorsqu’on sait à quelle vitesse les dispositions législatives sans que l’on fut bien certain que l’ordre de celles-ci dût entrainer des conséquences juridiques certaines.

 

C’est peut-être bien plus du côté de la finalité autonome, de la valeur sociale que porte l’article en lui-même qu’il convient de se tourner. En effet, cette mesure provisoire est dictée par l’urgence à faire cesser la pollution et ne saurait dépendre de la possibilité d’engagement de la responsabilité pénale de l’entité morale qui serait décidée, par hypothèse, quelques années plus tard suite à un intense débat sur l’intensité de la faute pénale et son rattachement par le truchement d’un organe ou d’un représentant à l’entité morale.

 

Cette solution mérite alors d’être saluée.