Faut-il recourir à l’amendement 25 et/ou à l’impeachment après les événements du 6 janvier 2021 à DC ?

Les événements du 6 janvier 2021 furent observés dans le monde avec effroi : une foule galvanisée par un Président en exercice marcha sur le temple de la démocratie et l’investit par la force. 

A ce jour, 5 morts et plusieurs blessés sont à déplorer.

Historiquement, ces évènements n’ont pas de précédents connus.  

-       Depuis John Adams, le candidat éconduit à l’élection présidentielle avait respecté la règle démocratique selon laquelle le perdant concède sa défaite pour préserver l’édifice démocratique, quitte à entrer dans l’opposition afin, peut-être, de proposer une approche différente aux élections suivantes. 

-       Jamais, la capitale fédérale n’avait été prise par la force de l’intérieur du pays. Il convient remonter à la guerre anglo-américaine et août 1814 afin de se remémorer la puissance anglaise qui avait incendié de nombreux bâtiments de la capitale, dont le US Capitol. 

-       Qu’un président en exercice fasse pression directe sur les responsables de la bonne tenue du processus électoral (notamment Brad Raffensperger pour la Géorgie) est également, sauf erreur, sans précédent.

-       Jamais un Président ne fit pression sur son vice-président, dans son rôle de Président du Senat, -publiquement devant une foule acquise- afin que ce dernier refuse de compter et de certifier les votes du collège électoral. 

Dès lors, se pose la question des remèdes tant à court qu’à long terme afin d’éviter de nouvelles attaques sur la démocratie américaine ? 

I.- Les remèdes à court terme

Dans la suite immédiate des événements, 17 membres du Congrès écrivirent au Vice-Président M. PENCE pour demander le déclenchement du 25 amendement.  Les ministre des transports (E. Choa) et de l’éducation B.DeVos démissionnèrent suite à cette attaque sur la démocratie américaine.

La Présidente de la chambre basse (N. Pelosi) fit savoir que si l’amendement 25 n’était pas déclenché, elle procéderait à la procédure d’impeachment.  

Deux points à envisager tour à tour.

I.1- Le 25ème amendement

Le 25ème amendement à la Constitution américaine fut voté et ratifié en 1967, quatre ans après l’assassinat du Président Kennedy. 

Initialement, il s’agissait d’organiser la succession du Président en cas de mort, destitution ou démission. Il s’agissait également de remplacer le vice-président dès lors que son poste devenait vacant. En effet, quand le Président décède ou est empêché, le vice-président lui succède et, par définition, la vice-présidence devient inoccupée. 

La procédure fut utilisée deux fois. Dans les deux cas avec Gerald Ford, dans des fonctions différentes. 

En 1973, G. Ford devint vice-président après la démission de S.Agnew de ce poste. 

En 1974, R. Nixon démissionna suite au scandale du Watergate ; G.Ford fut promu Président et N.Rockfeller Vice-président. 

Plus fondamentalement, l’actualité nous ramène sur la section 4 de l’amendement 25. 

Or, cette section, qui traite de la démission provoquée, ne fut jamais utilisée. 

·       L’intérêt majeur de recourir à cet amendement est la rapidité d’exécution. 

La 4ème section prévoit que le vice-président avec la majorité du Cabinet (15 membres selon les services de recherche du Congrès) peut saisir la chambre des représentants et le Sénat d’une déclaration écrite attestant de « l’inaptitude du Président à assumer les pouvoirs et devoirs de sa charge. »

L’inaptitude n’est pas définie. A dessein afin de laisser une certaine marge d’appréciation. D’abord prévue pour l’incapacité physique, elle pourrait être mobilisée pour une incapacité mentale. 

Au moment même où cette 1ère étape est réalisée, immédiatement le vice-président devient Président. 

Oui mais le Président démis temporairement peut contester son inaptitude ; après quoi son pouvoir lui est restauré sauf si le vice-président et la majorité du Cabinet confirment l’inaptitude du Président.

Ainsi, le vice-président et la majorité de son cabinet sont en désaccord avec le Président sur la question de l’aptitude de ce dernier à exercer les plus hautes fonctions.  

L’intérêt d’une telle procédure, préconisé par d’aucuns suite aux événements du 6 janvier 2021, réside dans la rapidité du transfert du pouvoir au vice-président avant même que la question de l’aptitude soit tranchée. 

Qui alors tranche ?  Comme bien souvent le Congrès.

Pourquoi ? car sa légitimé est incontestable à la faveur de son élection directe.  

Sous quel délai ? Dans les 21 jours si le Congrès est en session après que le président ait notifié par écrit au Congrès son aptitude. Le vice-président et son Cabinet ont alors 4 jours pour contester la déclaration d'aptitude écrite par le Président. Ce n’est qu’en l’absence de contestation de la lettre du Président au Congrès que celui-ci garde ses pouvoirs. 

Comment ? A une majorité qualifiée des 2/3. Autrement dit, 66% des membres de chaque assemblée doit dire que le Président est inapte. Si ce seuil n’est pas atteint, le Président contesté reste en fonction. 

·       L’inconvénient réside dans la difficulté politique. Il faudrait que le Vice-président et la majorité du Cabinet fassent preuve d’une déloyauté manifeste envers D. Trump afin d’envoyer cette lettre aux assemblées. 

C’est déjà une première difficulté. En effet, jusqu'à présent, le vice-président Pence n’a pas fait montre d’une grande indépendance envers à D. Trump. Mais les évènements du 6 janvier l’ont peut-être fait changer d’avis….

Deuxième difficulté : il est plus que probable que D. Trump s’opposerait à son inaptitude. 

Il faudrait alors que notamment que 2/3 des sénateurs, soit 67 d’entre eux, s’accordent pour déclarer l’inaptitude. Cela paraît peu probable vu la composition actuelle du Sénat. Sauf encore une fois à ce que les événements d’hier aient radicalement changé la donne. 

 

I.2- Impeachment

 

Ce serait le 2ème à l’encontre de D. Trump. Quel en serait l’intérêt alors qu’il reste 13 jours de présidence ?

En réalité, la finalité serait celle d’établir un précédent historique d’une part, et potentiellement, d’autre part, d’empêcher D. Trump d’occuper à l’avenir toute fonction fédérale, ce qui est possible aux termes de la Constitution (art Icl3§7)  

Schématiquement, deux phases seraient à envisager.  

1ère phase. La chambre des représentants vote les articles d’impeachment à la majorité de ses membres. Cela a déjà eu lieu il y a un an et peut être renouvelé rapidement. L’accusation d’incitation de la foule par le Président à marcher sur le Congrès serait au nombre des actes ouvrant la voie à une destitution. Le fondement d'incitation à l'insurrection pourrait être envisagé bien que nombre d’experts inclinent à penser que les actes sujets à impeachment n’ont guère besoin de recouvrir une qualification pénale. 

2ème phase. Le procès et le jugement devant le Sénat. Il faudrait que 67 sénateurs (dont 17 sénateurs Républicains) votent pour condamner et démettre le Président de ses fonctions. L’année précédente un tel chiffre fut loin d’être atteint avec le seul sénateur M.Romney (Républicain) qui vota la destitution. Toutefois, le comportement du 6 janvier, peut-être plus haut dans l’échelle de gravité, aurait pu faire changer d’avis nombre de sénateurs Républicains.

  • Quel en serait l’inconvénient ? La temporalité.

C’est normalement un processus plus long que l’amendement 25 avec un rituel presque judiciaire (une accusation, une défense, des audiences présidées par le Président de la Cour suprême). Il faudrait se conformer aux règles de procédure, conduire un procès équitable.  

Pour autant, le délai est très court. Pourtant, dès le 7 janvier la Présidente N.Pelosi a annoncé vouloir lancer une procédure d’impeachment, une deuxième, si D. Trump n'était pas démis de ses fonctions en vertu du 25ème amendement. 

La question de la temporalité de cette procédure se pose alors légitimement. 

Techniquement, il serait possible de modifier les règles de procédure des deux chambres afin d’accélérer le processus.  

La rédaction des articles d’impeachment pourrait débuter prompter devant la chambre des représentants, en contournant même l'étape du comité judiciaire de la chambre des représentants.  

La seconde phase serait plus longue, en ce qu’elle s’analyse en un procès devant le Sénat présidé par le Chief Justice J. Roberts. 

Ainsi, la question devient celle de savoir si un processus en impeachment commencé avant le terme des fonctions de D. Trump pourrait se continuer après ?

La question est difficile. En présence d’un texte évasif, les canons d’interprétation sont la Constitution, ses possibles interprétations -notamment l’intention des pères fondateurs- et si besoin une approche complète (de structure) du document en rapport à sa finalité générale.  

Le consensus dominant est qu’une procédure d’impeachment lancée avant le terme des fonctions pourrait se prolonger postérieurement car elle aurait pour finalité d’interdire à D. Trump d’occuper une quelconque fonction fédérale à l’avenir. 

Au soutien de cette thèse, le guide des règles précédents, procédures de la chambre des représentants dans son article 27(10) précise que le Senat a jugé qu’une question de destitution et de disqualification étaient divisibles ‘3 hinds sec 2397 ; 6 canons Sec.512.

Davantage, en mars 1876, la chambre basse avait procédé à l'impeachment du secrétaire d'Etat à la guerre W. Belknap peu de temps après sa démission. En avril et Mai de la même année, le Sénat se déclara compétent, procéda à la phase de jugement mais ne condamna pas car le seuil des 2/3 ne fut pas atteint. 

  • Quel en serait l’avantage ?  La pérennité des effets. 

Vu le nombre de jours restant, ce processus n’a pas d’utilité à court terme.

Il aurait pourtant une utilité historique afin d’établir le précédent selon lequel l’incitation à l'insurrection par le Président en exercice atteint une gravité telle qu’elle conduire à impeachment.  

Il en aurait une autre, pratique, car le Sénat pourrait user de la faculté de priver D. Trump de toute possibilité d’occuper des fonctions fédérales à l’avenir. Cela permettrait également de faire échec à son droit de grâce. 

Justifiée dans son principe, cette procédure d'impeachment, dans l’urgence, présente toutefois quelques périls.  

D’une part, politiquement, cela constituerait une manière peu amène de commencer le nouveau mandat. Il est en effet une problématique de politique intérieure encore plus urgente à traiter :  le covid-19

D’autre part, un échec du processus accréditerait la posture victimaire et antisystème du candidat Trump, ce qui pourrait conduire à renforcer sa base. 

***

Nous reprendrons ces lignes afin d’envisager de possibles remèdes à long terme.