1. Tout d'abord, nous rappellerons les termes du IV de l’article 199 septvicies du Code Général des Impôts :

 […] Au titre d'une même année d'imposition, le contribuable ne peut bénéficier de la réduction d'impôt qu'à raison de l'acquisition, de la construction ou de la transformation d'un seul logement.

La réduction d'impôt est répartie sur neuf années. Elle est accordée au titre de l'année d'achèvement du logement ou de son acquisition si elle est postérieure et imputée sur l'impôt dû au titre de cette même année puis sur l'impôt dû au titre de chacune des huit années suivantes à raison d'un neuvième de son montant total au titre de chacune de ces années. […] ».

Or, l’Administration Fiscale interprète ces dispositions comme établissant la règle selon laquelle deux investissements réalisés au cours de la même année ne peuvent donner droit à la réduction d’impôt « SCELLIER ».

En ce sens, elle écarte ainsi le bénéfice de ce dispositif (pour une des deux opérations) lorsqu'un même contribuable, au cours d'une même année,

  • acquiert un immeuble neuf d'une part et,
  • d'autre part, dépose un permis de construire au titre d'un second terrain dont il a la propriété (et au titre duquel il sollicitera l'application de la Réduction d'impôt SCELLIER par ailleurs), et ce, quand bien même la réduction d'impôt Scellier n'est applicable qu'à compter de l'année d'achèvement de la construction, soit en N + 1, + 2, + 3 ... en fonction des cas d'espèce.

L'interprétation des dispositions susvisées par l'Administration Fiscale est tout à fait restrictive, et emprunte d’une certaine incohérence dès lors que son analyse revient à exclure le bénéfice de la réduction d’impôt SCELLIER dans l’hypothèse, par exemple, où des contribuables acquéraient deux biens, au titre desquels ils déposaient deux demandes de permis de construire en N, nonobstant le fait que l’achèvement des travaux serait intervenu en N+1 pour l’un et N+3 pour l’autre.

2. Toutefois, si l’on se réfère aux aspects purement sémantiques, il convient de souligner que les dispositions susvisées ne se réfèrent nullement à l’année d’investissement.

Au contraire, ce texte définit l’année au titre de laquelle la réduction d’impôt doit être accordée pour la première fois, à savoir « l’année d’achèvement du logement ou de son acquisition si elle est postérieure ».

En d’autres termes, à la lecture de l’article 199 septvicies du Code Général des Impôts, il apparaît expressément qu’au cours d’une même année d’imposition, un contribuable ne peut bénéficier, pour la première fois, de deux réductions d’impôt « SCELLIER ».

Il faut ainsi comprendre que ce texte fait obstacle à ce que le fait générateur de deux réductions d’impôt « SCELLIER » intervienne au cours d’une même année d’imposition.

Or, il est couramment admis que la date du fait générateur intervient :

  • En cas d’acquisition d’un logement neuf, au cours de l’année d’acquisition dudit logement, à savoir à la date de signature de l’acte authentique d’achat,
  • En cas de construction d’un logement par le contribuable, à la date d’achèvement du logement.

Ainsi, la date du dépôt du permis de construire d'un immeuble est indifférente.

En considérant que le dépôt de la demande du permis de construire par le contribuable constituait la date d’acquisition, de construction et de transformation d’un bien, la DGFiP faisait une totale abstraction de la date d’achèvement des travaux, et donc du fait générateur de la réduction d’impôt.

Une telle analyse est, de toute évidence, contraire à l’esprit du texte dès lors qu’elle crée une distinction entre la date du fait générateur, d’une part, et la date d’acquisition, de construction et de transformation, d’autre part, et ce, alors même que la loi ne distingue pas, méconnaissant parfaitement le principe selon lequel « Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus ».                                                  

Etant d’ailleurs préciser que l’assimilation opérée par le Service Vérificateur entre la date de dépôt de la demande de permis de construire et la date de construction n’est fondée sur aucun texte légal.

C’est donc à tort que le Service assimile l’année « de l’acquisition, de la construction ou de la transformation » à l’année de dépôt de permis de construire.

D'ailleurs, la Cour Administrative de BORDEAUX a d'ores et déjà jugé que :

 1. M. et Mme B...ont déposé deux demandes de permis de construire, les 19 février 2010 et 9 mars 2010, portant chacune sur la construction d'une maison, la première, au 136, allée Catalina à Biscarosse et la seconde, au 181, allée Espourguit, également à Biscarosse. La construction de cette seconde maison ayant été achevée au mois de décembre 2010, les contribuables ont bénéficié de la réduction d'impôt instaurée par l'article 199 septvicies du code général des impôts, dit dispositif " Scellier ", au titre de l'année 2010. La construction de la deuxième de ces maisons a été achevée en mars 2011. Les intéressés ont revendiqué le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 septvicies à raison de ce logement au titre de l'année 2011. L'administration a remis en cause la réduction d'impôt afférente à ce second investissement au motif que deux demandes de permis de construire ayant été déposées pour la construction de deux logements au cours de l'année 2010, une seule de ces opérations pouvait ouvrir droit au bénéfice de l'avantage fiscal. Il en est résulté l'établissement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2011. […] 2. Aux termes de l'article 199 septvicies du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : " […]".

3. Il résulte de ces dispositions que la réduction d'impôt qu'elles prévoient est, s'agissant d'un logement que le contribuable fait construire, accordée au titre de l'année d'achèvement de ce logement, cet achèvement constituant le fait générateur de la réduction. Il s'ensuit que l'année d'imposition à prendre en considération, dans un tel cas, pour apprécier le droit du contribuable à bénéficier de la réduction est, non pas celle au cours de laquelle a été déposé le permis de construire afférent à ce logement, mais celle au cours de laquelle celui-ci a été achevé.  4. Il résulte de l'instruction que la maison située au 181, allée Espourguit a été achevée en 2010 et celle située au 136, allée Catalina en 2011. Par suite, et alors même que ces deux constructions ont fait l'objet d'une autorisation de construire délivrée en 2010, M. et Mme B... pouvaient légalement bénéficier de la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 septvicies du code général des impôts au titre de l'année 2010 en ce qui concerne la première maison et au titre de l'année 2011 en ce qui concerne la seconde.  […] ».

Par suite, la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX décidait expressément que, dans le cadre de la construction d’un immeuble, seule la date d’achèvement des travaux, constituant le fait générateur de la réduction d’impôt, permettait d’apprécier le droit du contribuable à bénéficier de la réduction d’impôt dite « SCELLIER ».

A l'aune de l'économie générale du dispositif et en s'appuyant plus spécifiquement sur le fait générateur de la réduction d'impôt, la Cour juge que l’article 199 septvicies du Code Général des Impôts entend limiter le dispositif à un seul logement achevé ou acquis par année d'imposition.

Ainsi, nonobstant la position de l’Administration Fiscale, un contribuable ayant fait procéder à la construction de deux maisons dont l'une a été achevée au cours de l'année N et l'autre au cours de l'année N + 1 peut bénéficier de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 septvicies du CGI au titre de chacune de ces deux années alors même que ces deux constructions ont fait l'objet d'une autorisation de construction délivrée au cours de la même année.

 

Plus encore, le 18 juillet 2018 par le Conseil d'Etat, tranchait la question de droit posée comme suit :

« 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B... ont entendu bénéficier de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 septvicies du code général des impôts au titre de l'année 2010, à raison de la construction d'une maison à Biscarosse (Landes), pour laquelle une demande de permis de construire avait été déposée le 9 mars 2010, et au titre de l'année 2011, à raison de la construction d'une seconde maison sur le territoire de la même commune, pour laquelle une demande de permis de construire avait été déposée le 19 février 2010. L'administration a remis en cause la réduction d'impôt au titre de cette seconde maison au motif que cet avantage fiscal est réservé à la construction d'un seul logement par année, alors que les demandes de permis de construire des deux maisons avaient été déposées la même année. […]

2. Aux termes de l'article 199 septvicies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " […]  ". Il résulte de ces dispositions que la limitation du nombre de logements pouvant bénéficier de la réduction d'impôt au titre d'une même année d'imposition s'apprécie, en cas de construction, en fonction de la date d'achèvement du logement et non pas de la date de dépôt de la demande de permis de construire.

[…] »

 

La Haute juridiction administrative décide ainsi expressément qu’il résulte de l'article 199 septvicies du CGI que la limitation du nombre de logements pouvant bénéficier de la réduction d'impôt « Scellier » au titre d'une même année d'imposition s'apprécie, en cas de construction, en fonction de la date d'achèvement du logement et non pas de la date de dépôt de la demande de permis de construire.


En conséquence, il échet d'insister sur les divergences pouvant apparaître sur l'interprétation des textes législatifs et sur l'opportunité d'envisager, parfois, l'intervention des juridictions compétentes en vue de préciser le sens des dispositions légales.

Ceci d'autant plus que la remise en cause du bénéfice d'un tel régime de défiscalisation aura un impact financier significatif dès lors qu'il porte sur plusieurs années consécutives.