Pour une fois, je commente un arrêt que j'ai obtenu (CA Nîmes, 29/10/2020, RG n°20/00473) : en voici l'histoire.

Mes clients ont des dettes, mais ne reçoivent rien avant l'assignation à l'audience d'orientation qui leur apprend que leur maison est saisie...

A l'étude des pièces du dossier je leur explique qu'ils ont été condamnés par le Tribunal plusieurs mois auparavant et que leur créancier a engagé une procédure de saisie immobilière.

Ils m'expliquent alors le problème : leur rue change de nom à quelques mètres de chez eux, et la maison qui porte le même numéro qu'eux, mais dans l'autre partie de la rue, est à 200 m de chez eux ce qui donne souvent lieu à quiproquo... et comme ils ne s'entendent pas avec les habitants de cette maison ils ne reçoivent pas leur courrier, car le facteur se trompe souvent, et il est probable que l'Huissier en ait fait de même.

La lecture des PV de signification montre qu'en effet, en l'absence de nom sur la boîte aux lettres et après "confirmation par le voisinage" lors de la signification du premier acte, l'Huissier a systématiquement mentionné "connu de l'étude", alors qu'il n'a jamais rencontré les débiteurs.

Devant la Cour, nous soutenons donc l'irrégularité de la signification du Jugement de condamnation, qui fonde la saisie.

La Cour retient que l’huissier n’a pas signifié le jugement à personne, mais en l’étude d’huissier, et si les vérifications dans le voisinage ne peuvent être mises en doute jusqu'à inscription de faux, le juge doit
s'assurer que ces vérifications sont suffisantes et partant conformes aux exigences légales.

En l’espèce, la localisation du domicile des débiteurs étant difficile à cerner en l'absence de signalétique suffisamment claire, cela nécessitait de la part de l’huissier de justice des vérifications approfondies
et des investigations concrètes pour obtenir la certitude que le lieu où il s’était rendu pour signifier était bien le domicile des destinataires de l’acte, d'autant plus qu’il n’a pas vu leur nom sur la boîte aux lettres.

Ainsi, dans ces circonstances, la seule mention dans l’acte de signification de la confirmation du domicile par le voisinage est insuffisante à caractériser les vérifications imposées à l’huissier de justice.

Par voie de conséquence, la cour considère que l’acte de signification du titre fondant les poursuites n’est pas régulier, et en application des dispositions de l’article 468 du code de procédure civile, le jugement de condamnation est non-avenu, faute d’avoir été signifié dans le délai de 6 mois.

En l'absence de titre exécutoire, le commandement de payer valant saisie et toute la procédure de saisie sont entachés de nullité.

Cet arrêt rappelle en réalité que l'Huissier doit mener de réelles investigations pour retrouver les destinataires de l'acte, et en rendre compte... et notamment quand la configuration des lieux est trop incertaine.

La conséquence pourra en être fâcheuse puisqu'ici c'est le jugement de condamnation lui-même qui est déclaré non-avenu : le créancier devra tout recommencer... s'il le peut encore.