Combien de propriétaires ont eu un doute sur la limite de leur propriété, qui parfois dégénère en un différend soit larvé (source de rancoeurs), soit qui va durer des années ?

Rappelons que tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës, et que le bornage se fait à frais communs. (article 646 du code civil).

Mais le bornage est avant tout amiable, fait par un géomètre-expert, et donne lieu à un plan signé (et donc accepté) par les propriétaires du moment, et l'implantation de bornes sur le terrain.

Mais voilà, si les propriétaires successifs sont en principe tenus par ces plans et bornes... ils n'en ont pas toujours connaissance soit par négligence des vendeurs, soit par la mauvaise foi de l'un d'entre eux à un moment donné (le plan est perdu ou non transmis, les bornes sont arrachées).

Il est fréquent, lors des expertises judiciaires, que l'on doive pallier soit l'absence de borne, soit une borne manifestement arrachée qui gît sur le sol à proximité de son emplacement d'origine... et la détermination de son emplacement précis est toujours compliqué lorsqu'on n'a pas le plan d'origine.

Car si le "procès-verbal de bornage", même ancien, est retrouvé, alors on peut demander au géomètre de réimplanter les bornes.

Mais à défaut, le principe reste qu'on ne peut reborner un terrain qui l'a déjà été, ce qui suppose que le précédent procès-verbal de bornage soit retrouvé ou du moins que la limite soit suffisamment certaine.

Récemment (Cass. civ. 3, 6 juillet 2022, n° 21-17.217), la Cour de cassation a été confrontée à cette situation imparfaite, dans laquelle une seule borne a été retrouvée, et confrontée à un plan (qui n'est semble-t-il pas un PV de bornage), les Juges du fond avaient estimé qu'elle était suffisante pour retrouver la limite parcellaire et rendait irrecevable l'action en bornage.

En réalité, la présence de cette borne démontre bien qu'il y a eu un jour un bornage... mais selon quel plan ? Etait-il conforme au plan produit ? Et où sont les autres bornes ?

Face à ces interrogations, la Haute juridiction a estimé que "la présence d'une seule borne ne rendait plus effective la matérialisation de la ligne séparative fixée lors d'un précédent bornage amiable, ce dont il résultait que la demande de bornage judiciaire était recevable".

Donc, pour qu'un bornage antérieur soit opposable au propriétaire actuel, il faut bien que la ligne séparative soit suffisamment matérialisée.

Le déplacement (ou l'arrachage, ou la construction au-dessus) de la borne étant possible, il faut donc bien que des éléments concordants permettent de matérialiser la limite séparative.

Sinon, un nouveau bornage est possible, et rappelons qu'aujourdhui un recours préalable au conciliateur de justice est obligatoire.