Lorsqu’un litige porte sur des points techniques, le Juge peut solliciter les éclairages d’un technicien.

C’est là que l’expertise judiciaire intervient et il faut savoir que dans la grande majorité des litiges d’immobilier-construction, une expertise judiciaire sera nécessaire afin qu’un technicien se penche sur la question de la consistance des désordres, de leurs causes et des responsabilités envisageables.

En résumé, l’expertise judiciaire est une mesure d'instruction confiée par le juge à un expert qui doit procéder à des investigations complexes, en vue de lui fournir, sur des questions de fait, des informations de nature technique lui permettant de trancher le litige.

Mais, concrètement, comment se déroule une expertise judiciaire ?

L’objectif de cet article est de vous apporter quelques éclaircissements relatifs au déroulement d’une expertise judiciaire.


La demande d'expertise judiciaire

En vertu de l'article 232 du code de procédure civile, « le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ».

La demande d’expertise judiciaire peut également se faire par une partie avant toute procédure au fond, l’article 145 du code de procédure civile prévoyant : « S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Une fois l’expert désigné par le Juge et une fois la consignation réglée (les frais provisionnels de l’expert), les opérations d’expertise pourront débuter.

La convocation à la réunion d’expertise

Après désignation de l’expert par le Juge, la première étape de l’expertise judiciaire est celle de la convocation à l’expertise par l’expert.

L’expert adresse ainsi par courrier recommandé avec accusé de réception aux parties et à leurs avocats éventuels la convocation à la première réunion d’expertise comprenant le lieu de la réunion ainsi que sa date.

En matière de litiges « immobilier-construction », le lieu sera très souvent et fort logiquement le lieu des désordres (par exemple, la maison de la partie qui souhaite faire constater les désordres du bien qu’elle a acheté pour envisager ensuite une procédure à l’encontre du vendeur).

La constatation des désordres et les observations orales des parties

Lors de la première réunion d’expertise, l’expert va réunir les parties autour d’une table afin d’exposer les informations dont il dispose sur le dossier.

Il rappellera ensuite sa mission et posera diverses questions aux parties qui sont susceptibles de l’éclairer sur les faits et les désordres dont il est question. Il sollicitera des documents tels que les devis, les factures, les procès-verbaux de réception etc…

S’en suivra les constatations des désordres.

Dès ses premières constations, il pourra donner oralement ses impressions sur les causes des désordres.

Il sera à ce stade important pour les parties de ne pas hésiter à discuter avec l’expert de ses premières constatations étant précisé que cette discussion doit avoir lieu au contradictoire de toutes les parties (c’est-à-dire devant toutes les parties présentes).

Enfin, l’expert indiquera les suites qu’il envisage de donner à l’expertise.

Une seule réunion d’expertise peut suffire et dans d’autres, plusieurs réunions d’expertises seront nécessaires.

Il fixera le calendrier de l’expertise notamment s’agissant de l’envoi de l’éventuel pré-rapport aux parties, de la communication de pièces et des dires ainsi que du dépôt du rapport définitif.

Les « dires »

Une fois le « rapport de synthèse » ou « pré-rapport d’expertise » ou  encore « note de synthèse » rendu par l’expert, les parties devront adresser leurs observations à l’expert, via ce que l’on appelle des « dires ».

L’objectif de ces dires sera de conforter la position de l’expert lorsque le pré-rapport convient à la partie qui rédige le dire ou, au contraire, de tenter de faire infléchir la position de l’expert par des observations juridiques ou techniques lorsque le pré-rapport ne va dans le sens de la partie qui rédige le dire.

Les éventuelles mises en cause complémentaires

Les parties auxquelles on veut opposer les conclusions de l'expert doivent être appelées ou représentées aux opérations d'expertise.

A défaut, l'expertise leur est inopposable.

En conséquence, si une partie (par exemple, une entreprise étant intervenue sur le chantier litigeux) n’a pas été convoquée initialement à l’expertise et que lors des opérations d’expertise, il se révèle qu’elle pourrait être mise en cause dans le cadre des désordres, il sera nécessaire de la « mettre dans la cause » afin de lui rendre communes et opposables les opérations d’expertise.

Cela passera par une assignation aux fins d’ordonnance commune à l’encontre de la partie visée.

Si le Juge accorde la mise en cause, une nouvelle réunion d’expertise pourra se dérouler en présence de toutes les parties dont la nouvelle partie afin que l’expert puisse recueillir ses observations.

Le dépôt du rapport d’expertise

Une fois les réunions d’expertises et les communications de dires terminées, l’expert déposera son rapport.

Ce rapport portera sur les causes des désordres, les responsabilités et le montant des travaux de reprise nécessaires.

Après le dépôt du rapport, les parties ne peuvent plus lui faire part de leurs observations ni contester son avis.

Reste que les parties pourront toujours critiquer le rapport d’expertise devant la juridiction saisie lors de l’action au fond (action en responsabilité et en indemnisation).

Le Juge lié par le rapport d’expertise ?

Il faut savoir que le rapport d’expertise influencera nécessairement le Juge même si selon l’article 238 du Code de procédure civile, l’expert ne doit jamais porter d’appréciations d’ordre juridique.

En réalité, le Juge n’est pas obligé de suivre les conclusions de l’expert mais il les suivra le plus souvent.

Aussi, il est fondamental de se faire représenter par un avocat lors de la procédure d’expertise afin qu’il vous assiste lors des réunions d’expertise et qu’il vous conseille pour les mises en cause de nouvelles parties ainsi que dans le cadre de la rédaction des dires.

En effet, si l’avocat peut toujours - ensuite du rapport rendu - le contester devant la Juridiction, la tâche sera bien plus délicate si le rapport d’expertise est défavorable pour son client.

Si vous avez des questions en lien avec mon article ou que vous souhaitez que je vous conseille ou vous défende dans un dossier d'immobilier-construction, vous pouvez me contacter.