La rédaction de clauses incluant des standards de comportement semble un outil intéressant pour formuler des règles et des concepts spécifiquement internationaux.

Le rôle des standards juridiques dans l’expression de concepts spécifiquement internationaux

Les parties au contrat international contractants peuvent introduire dans leur contrat des clauses faisant référence aux best efforts du débiteur, mais aussi utiliser dans leur contrat les expressions « reasonable care » ou « due diligence ». Les expressions « reasonable care » ou « due diligence » font ainsi  référence au critère anglo¬saxon de l’homme raisonnable  à rapprocher, dans la vision du Code civil français, au critère du bon père de famille.

La question qui se pose, pour les praticiens, est de savoir quelle formule préférer, entre best efforts, due diligence, reasonable care. .

L’examen de la jurisprudence américaine conduit à remarquer que, si les variations sémantiques semblent marquer la volonté des parties au contrat de moduler l’intensité de leurs obligations, ces nuances n’aboutissent pas forcément à des solutions jurisprudentielles différentes. 

Il semble en effet que la doctrine américaine assimile les notions de « best efforts » et de « reasonable efforts ».

Pour l’essentiel, la jurisprudence américaine ne donne pas une interprétation précise de ces notions, car les critères que retiennent les juges pour évaluer la portée des efforts à fournir par le débiteur varient et sont fonctions des circonstances, des époques et des parties.

Ainsi dans l’affaire Bloor v. Falstaff brewing corp., il a été fait une interprétation sévère de l’obligation de meilleure diligence à laquelle était soumise le débiteur. En effet, alors que la brasserie Falstaff devait faire tout son possible pour promouvoir les produits Ballantine, elle a, compte tenu de ses difficultés financières (une procédure collective était d’ailleurs en cours), diminué la promotion des produits Ballantine et fermé les deux tiers des points de vente. Le tribunal n’a pas admis la situation financière de Falstaff comme une cause d’exonération, ni même comme une cause limitative de responsabilité, Falstaff étant tenu de mettre en œuvre la « totalité de ses capacités ». Madame Delphine Caramalli fait d’ailleurs remarquer que le tribunal a interprété la notion de capacité en référence à une personne « moyenne, prudente et comparable. » Cette vision a cependant été édulcorée par la cour d’appel, qui, tout en confirmant le jugement, a néanmoins conclu que « le débiteur d’une obligation de meilleure diligence devait explorer toutes les actions qui auraient pu être engagées en vue de mettre fin ou, du moins, limiter les pertes substantielles à son encontre. »  En outre, l’interprétation de la notion de best efforts peut se faire à la lumière du critère du raisonnable.

Apparaît alors, concernant ces notions dans leur milieu juridique d'origine, une certaine interchangeabilité. L’intérêt de l’usage de ces termes se trouve donc, plus que dans leur intérprétation par les droits nationaux, dans leur autonomie en matière internationale.

Les notions floues comme outils de consensus dans l’ordre international

Le recours aux notions floues nous semble permettre de répondre avec plus de cohérence aux besoins du commerce international. La formulation de règles précises étant parfois compliquée en matière internationale, en raison de la coexistence de plusieurs langues, et de plusieurs droits, le recours aux notions floues, en enfermant moins rigoureusement dans les notions d’un droit national, semble être l’occasion de permettre la désignation de concepts strictement internationaux.

En effet, pour interpréter les clauses de best efforts, due diligence et reasonable care insérées dans des contrats internationaux il faudra tenir compte des spécificités du droit applicable. Ainsi en matière de droit des contrats, le droit français et la Common Law divergent sur certains points.

Le recours, dans les clauses de best efforts, due diligence et reasonable care, à des notions floues et à des standards de comportement permet d’aplanir les divergences entre les systèmes juridiques, mais laisse néanmoins subsister des questions.

Les notions à contenu variable ont de manière générale pour objectif de tenir compte de la variété des circonstances et de l’impossibilité pour les textes, notamment législatifs, de tout prévoir avec précision. Elles sont sources de flexibilité puisqu’elles permettent d’appliquer une règle en tenant compte de la diversité des cas particuliers, et en cherchant à l’adapter à l’évolution des circonstances. Lorsqu’elles sont utilisées dans des contrats internationaux, il s’agira de tenir compte de la variété des circonstances, de leur possible évolution, et même de considérations extra juridiques et notamment socio-économiques.

Pourtant l’utilisation de ces notions à contenu variable, en matière législative comme en matière contractuelle, pose pour le juriste la question de l’arbitraire et de la préservation de la sécurité juridique.

En effet, la notion à contenu variable étant par nature imprécise, il reviendra au juge ou à l’arbitre d’en délimiter le contenu, si le besoin s’en fait sentir. D’où la nécessité de délimiter les critères qui seront utilisés pour délimiter ce contenu. Pour cela, il sera fait appel à des standards de comportement, « c’est à dire à des critères fondés sur ce qui paraît normal et acceptable dans la société au moment où les faits doivent être appréciés. »

Les standards sont des « instruments de mesure en termes de normalité. » Ce ne sont pas des règles mais des « technique[s] de formulation de la règle de droit.» Ainsi selon Roscoe Pound, dont Edouard Lambert rapportait les thèses dans son ouvrage Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux Etats-Unis, paru en France en 1921, les standards de comportement, contrairement aux règles, doivent « permettre la manifestation » des « intérêts sociaux dont [le juge] doit se faire l’interprète. »

Concernant les clauses de best efforts, due diligence et reasonable care, il s’agit tout d’abord de déterminer à quels standards de comportement il devra être fait appel.

En effet, les standards juridiques, difficiles à définir, englobent de nombreuses références à ce que l’on va considérer comme une conduite conforme à ce qui est habituellement admis dans le groupe social concerné : on va ainsi trouver dans cette catégorie des notions aussi variées que la bonne foi, les soins du bon père de famille, le raisonnable, les règles de l’art dans l’exécution d’un travail...

Le juge français, lorsqu’il aura à faire face à des clauses de best efforts, due diligence, et reasonable care insérées dans des contrats internationaux devra donc déterminer à quel standard il devra se référer pour examiner le comportement du débiteur. Ces clauses étant d’origine anglo-saxonne, il apparaît logique d’examiner la solution apportée par la jurisprudence anglo-saxonne à cette question.

  • L’interprétation de ces clauses par les tribunaux nord-américains

La jurisprudence américaine considère que les clauses de best efforts, comme les clauses de reasonable care, font référence au caractère raisonnable dont doit faire preuve le débiteur dans l'exécution de son obligation.

La jurisprudence écarte d’ailleurs l'éventualité du recours à la notion de bonne foi pour délimiter le contenu de la clause de best efforts. L’obligation de bonne foi, comme l’explique notamment Allan E. Farnsworth s’impose en effet à toutes les parties au contrat, tandis que les best efforts ne s’impose qu’à celles ayant accepté de s’y soumettre. Ainsi, la jurisprudence aura tendance à considérer que les parties doivent insérer dans le contrat une obligation de best efforts dès lors qu’elles veulent faire peser sur le débiteur une obligation plus forte que l’habituelle obligation de bonne foi.

Les obligations de best efforts et de reasonable care seront donc précisées en faisant référence au modèle de l’« homme raisonnable » tel que le conçoit la Common Law. Ainsi les tribunaux anglais ont utilisé le critère du raisonnable pour déterminer l’étendue de l’obligation de best efforts.L’obligation de due diligence doit-elle être examinée au regard de ce même critère? Pour Marcel Fontaine, « « diligence », en français comme en anglais, ne paraît pas exprimer autre chose qu’efforts ».Ainsi l’expression due diligence induit ici aussi la référence au comportement attendu d’un homme raisonnable.

Par conséquent, il convient, pour mieux comprendre le sens des clauses de best efforts, due diligence et reasonable care insérées dans les contrats internationaux d’examiner le critère du raisonnable.

Le raisonnable est très utilisé en droit, et plus particulièrement dans les systèmes de Common Law. Cette notion est utilisée dans les contrats, mais aussi par le législateur, qui se dispense alors de préciser la règle qu’il édicte, et laisse le juge, en cas de litige éventuel, délimiter le concept. Ce type d’utilisation législative est très courant, on la retrouve par exemple dans le Uniform Commercial Code américain, dans le Unfair Contract Terms Act anglais de 1977, mais aussi dans la Convention de Vienne de 1980 sur la vente internationale de marchandises ou dans une directive européenne du 25 juillet 1985 . Le critère du raisonnable, à l’image par exemple d’autres notions telles que l’ordre public ou la proportionnalité, a donc retenu l’attention de la doctrine et de la jurisprudence, qui ont tenté « d’élaborer des définitions qui serviraient de directives à des juges ultérieurs. » °

La notion de « reasonable » est ainsi très présente dans la jurisprudence anglo-saxonne. De manière générale, on peut considérer que la notion de raisonnable vise à aménager des évènements dont au moment de la conclusion du contrat on ignore s’ils vont se produire. Il s’agira d’agir de manière raisonnable en cas de survenance de ces événements. Il en ressort que l’appréciation de ce qui est raisonnable varie en fonction des circonstances. Dans les rapports commerciaux, on cherchera plutôt des critères objectifs du raisonnable.

Comme on le voit concernant les clauses de best efforts, due diligence et reasonable care, la notion de raisonnable a pour objet de « contenir des notions trop fluctuantes ou imprévisibles. »  , et d’influer sur le comportement des cocontractants pour l’orienter dans une direction. En effet, les efforts, la diligence, le soin sont des éléments qui, bien qu’ils soient mentionnés dans le texte, par exemple dans la formulation des clauses de best efforts, de due diligence, ou de reasonable care, demeurent pourtant indéfinis au moment de la conclusion du contrat.

Ce qui est raisonnable ne sera d’ailleurs pas forcément, en matière contractuelle, ce qui est rationnel ou logique, mais plutôt ce qui est conforme à la raison pratique, et à ce qui est communément admis. L’une des exigences du raisonnable dans le droit anglo-saxon semble être que les solutions auxquelles conduit le recours à ce critère soient en harmonie avec le système juridique dans lequel elles s’insèrent, qu’elles « parviennent à s’intégrer harmonieusement dans le système auquel elles appartiennent. » En effet, « la raison- ou, plus précisément, la « loi de la raison », c’est à dire la « loi naturelle »- a constitué, à l’origine, le fondement de la Common Law. Cependant celle-ci a un caractère lacunaire, et, pour combler ses lacunes, appel est toujours fait à la raison. La raison est ainsi une véritable source du droit anglais et, malgré toutes les précautions avec lesquelles elle doit être prise, cette observation doit aussi être faite à propos du droit américain. » La raison qui « doit présider à l’élaboration de la Common Law est celle qui conduit au raisonnable, non celle qui a pour instrument le raisonnement logique. »  Pour le droit anglo-saxon par conséquent, le raisonnable se confond avec le droit.

Cependant le raisonnable comprend par nature une part de subjectivité. Sa détermination fait appel à l’intuition du juge, au sentiment de la justice. Il apparaît donc d’autant plus crucial de parvenir à éviter l’arbitraire, à dégager des solutions cohérentes. La Common Law y parvient en faisant référence aux précédents, à la doctrine, aux décisions judiciaires, voire même, s’agissant plutôt du juge américain, à des considérations pratiques, sociales et politiques. Car la souplesse induite par le raisonnable ne doit pas être source d’incohérence. Il faut donc assurer la régulation du raisonnable au sein du système juridique. « Le système [juridique] éclaire le sens à donner dans chaque cas au raisonnable. » , et réciproquement, le raisonnable vient compléter le système. Ainsi, en ce qui concerne la loi, le législateur en ayant recours au raisonnable a laissé des « lacunes intra legem » que le juge devra combler. Il s’agit d’un phénomène commun à toutes les notions « cadre », à tous les standards. En ce sens, « le raisonnable, comme tout standard, facilite l’adhésion. », en raison même de son imprécision.

La Common Law a développé le concept de « reasonable man », dont le comportement, comme celui du bon père de famille en droit français, sert de référence pour apprécier la manière dont une partie s’est exécutée. Cette notion d’homme raisonnable servira à interpréter le contenu de la clause de reasonable care. Pourtant si la notion de « raisonnable » est depuis longtemps admise et connue par la jurisprudence américaine notamment, et même définie précisément par certains arrêts , on ne trouve pas réellement, dans la pratique des tribunaux, de définition précise de la « reasonable diligence ». La jurisprudence se contente en général de rattacher la due diligence à quelques critères généraux, comme la poursuite du but de l’opération, l’intérêt des parties... Ainsi, un arrêt Stanolind Oil and Gas Co. v. Sellers du 22 juillet 1949866, dispose que « lessee will exercice reasonable diligence in developpement of leasehold, and in prospection of it from undue drainage through wells on adjacent lands. Reasonable diligence is what an experienced operator of ordinary prudence would do having due regard for the interest of both lessor and lessee.”

La diligence raisonnable est donc ce qu’un opérateur expérimenté, d’une prudence ordinaire, devrait avoir fait eu égard aux intérêts de deux cocontractants. On peut relever la même solution, cette fois-ci à propos du sens de l’expression « reasonable care » dans un arrêt du 7 juin 1940.    

  • La notion de« raisonnable » en droit français

En France, on remarque une certaine désaffection à l’égard du raisonnable, peu présent dans le Code civil. Pour Monsieur Georges Khairallah, le raisonnable est « mesure normale. »  qui induit une idée de modération, d’adaptation et de proportionnalité, mais aussi normalité, adéquation avec un modèle avec lequel on effectue une comparaison. Il y a autant de modèles de la personne raisonnable qu’il y a d’activités, puisque « le standard de l’homme raisonnable doit être adapté à la nature de l’activité visée. »  Pour chaque modèle on trouvera un comportement, des connaissances généralement répandues chez ceux se livrant à ce type d’activités. En outre, ce modèle de référence devra être confronté aux circonstances extérieures qui affectent celui dont le comportement est examiné. Pour Monsieur George Khairallah, « on ne saurait donc exiger d’une personne une réaction ou une action qui soit supérieure à ce à quoi on peut s’attendre de la part d’une personne moyenne placée dans les mêmes conditions. »

Il va donc s’agir d’« assurer la conformité des droits et des obligations des parties à un modèle qui engloberait les caractères d’une prestation» , de porter un jugement sur un événement futur, par exemple concernant la sécurité à laquelle on peut « raisonnablement » s’attendre. Ce type de démarche se retrouve aussi chez le législateur qui va par exemple prévoir dans l’article 238 du Code civil qu’un époux peut demander le divorce lorsque les facultés mentales de son conjoint se trouvent si gravement altérées qu’aucune communauté de vie ne subsiste plus « et ne pourra, selon les prévisions les plus raisonnables, se reconstituer dans l’avenir. » Il faudra donc déterminer un modèle de référence pour fixer les critères de ce qui est raisonnable.

Cette tâche incombe au juge ou à l’arbitre. Lorsque le droit français sera applicable, il sera possible se référer à la conception française du critère du raisonnable pour interpréter les clauses de best efforts, due diligence et reasonable care. Dans les contrats internationaux, le raisonnable, mis en œuvre au travers des clauses de best efforts, due diligence et reasonable care apparaîtra donc comme un test auquel on soumet un cocontractant pour juger de sa conduite, par rapport au modèle de la personne raisonnable, placée dans la même situation et de même qualité que le contractant concerné. Le raisonnable peut aussi être « une qualité très précisément exigée du cocontractant en certaines occasions. »

  • Les points communs en matière internationale

La comparaison des notions en Common Law et en droit français fait ainsi apparaitre une proximité dans les critères et les solutions. Le droit du commerce international va s’appuyer sur ces convergences pour donner à ces termes un sens propre .

Une convergence des notions

Ainsi la NASA prévoit, dans certains contrats, que « les parties reconnaissent que le terme best efforts, tel qu’utilisé dans le contrat, signifie que la NASA fournira tous ses efforts raisonnables pour exécuter le lancement et les services associés»  et qu’elle s’engage à une diligence maximale, qui va au-delà de la diligence moyenne du débiteur. On met ici en pratique l’idée de la différenciation du raisonnable, que l’on retrouve, comme nous l’avons vu précédemment, tant en Common Law qu’en droit français. Ainsi dans ce cas, la délimitation de l’étendue des best efforts ne devra pas se réduire « à l’examen de la conduite de l’homme raisonnable, car les sociétés de lancement sont douées d’une habileté particulière. Le standard du « bon professionnel » est mieux adapté. » L’appréciation de la notion de best efforts semble donc, selon la volonté des parties, devoir s’effectuer à la lumière des caractéristiques du débiteur de l’obligation : ses capacités, ses moyens, les attentes des autres parties.

L’insertion dans le contrat international de clauses de best efforts, due diligence et reasonable care peut alors être source d’incertitudes. Mais c’est alors le recours à des standards de comportements, plus que les divergences de conception entre Civil Law et Common Law, et l’incertitude quant à l’interprétation de ces clauses, sera à la source d’une certaine imprévision.

Malgré les apparences, cette incertitude ne sera que peu augmentée lors de leur examen par le juge français, car cette incertitude n’est qu’en proportion négligeable issue de divergences entre les systèmes de droit civil et le système de Common Law d’où sont issues ces clauses. Elle est simplement similaire à celle qui naîtra, dans chacun de ces systèmes, dès lors que de façon purement interne, on fera appel à des notions à contenu variable.

Car il ressort des développements précédents que les clauses de best efforts, due diligence et reasonable care, d’origine anglo-saxonne, ne sont finalement pas si éloignées des concepts du droit français et peuvent notamment être rapprochées des obligations de moyens. Les clauses de best efforts, due diligence et reasonable care constituent finalement un dénominateur commun entre des ordres juridiques différents. Le problème ne se posera pas, pour le contrat international, au niveau du droit applicable au contrat. Que le contrat soit régi par la loi française ou par la loi anglaise ou américaine, les clauses de best efforts, due diligence et reasonable care ne seront pas remises en cause. L’incertitude tient donc à l’appréciation de son contenu par le juge.

En effet la délimitation de l’étendue de l’obligation se fera notamment grâce au standard du raisonnable, connu des deux systèmes juridiques, quoique plus utilisé en Common Law. L’incertitude inhérente aux clauses de best efforts trouve donc sa source dans la personne du juge, en ce qu’elle est liée à l’appréciation des circonstances auxquelles celui-ci doit nécessairement procéder. L’incertitude ne relève donc pas du droit, mais des faits, comme l’explique Madame Christine Chappuis   .

La méthode d’interprétation de ces notions

La méthode à adopter pour interpréter les clauses de best efforts, due diligence et reasonable care doit ainsi être précisée. Ces clauses s’inscrivent, comme nous venons de le voir, dans la problématique générale des notions à contenu variable, des « open terms »875 du contrat. Leur application nécessite souvent une intervention du juge ou de l’arbitre pour apprécier les circonstances, remédier aux incertitudes quant à la définition du standard de comportement et déterminer comment le débiteur a rempli son obligation. La. jurisprudence anglo- américaine peut permettre de mieux comprendre le sens des clauses de best efforts, due diligence et reasonable care insérées dans les contrats internationaux. En effet, les tribunaux anglo- américains ont déjà eu à connaître de certains aspects de l’interprétation des clauses de best efforts, due diligence et reasonable care conduisent à un certain nombre d’interrogations. Ainsi, la question s’est posée de savoir s’il fallait apprécier ces clauses de manière objective ou subjective. Une décision américaine de 1987 a choisi de distinguer entre les contrats qui se réfèrent à un critère subjectif d’appréciation et ceux qui font appel à un standard objectif fondé sur ce qui est raisonnable et juste. En l’espèce, le contrat en cause prévoyant que l’une des parties devait « work « reasonably hard and smart » », la cour a considéré que cela suggérait un standard objectif : « courtsgenerallyprefer a reasonable man standard over a subjective standard when it is unclear whether subjective satisfaction is reserved».

Pourtant cette solution peut être supplantée par celle développée par Monsieur Allan E. Farnsworth qui propose, dans un premier temps, de chercher à déterminer quels seraient les efforts déployés par un tiers dans la situation du débiteur.

Cette solution semble particulièrement adéquate dans les transactions commerciales courantes, pour lesquelles on peut en se référant à la pratique parvenir à délimiter le comportement d’un tiers raisonnable. Si on ne peut avoir de groupe de comparaison, Monsieur Allan E. Farnsworth suggère de faire référence au comportement qu’auraient adopté le débiteur et le créancier s’ils avaient été réunis dans une seule personne. On cherchera à mesurer la diligence qu’une telle personne aurait raisonnablement employée dans une situation donnée. Cette solution semble plutôt adaptée aux contrats commercialement atypiques.

Néanmoins, il subsistera le problème de la détermination des circonstances concrètes, relatives à la situation de chaque partie, dont il faut tenir compte pour établir le modèle de référence du tiers raisonnable. Il s’agit alors notamment de déterminer comment apprécier dans le temps les efforts dus par le débiteur. En cas d’exécution du contrat sur une longue période, l’évolution de l’état des connaissances est en effet possible. Dans ce cas, la fixation de l’obligation de best efforts sera-t-elle effectuée au moment de la conclusion du contrat, ou bien pourra-t-elle varier au gré de l’évolution des connaissances ? Le juge anglais a établi, dans l’affaire Midland878, que les best endeavours évoluent avec la situation et les connaissances du moment, et ce d’autant plus que le contrat s’exécute sur une longue période.   

Le problème quant à la délimitation de la clause du contrat international est finalement proche de ce que l’on observe en droit interne. La jurisprudence américaine peut par exemple déclarer inopérante (« unenforceable ») la clause de best efforts, due diligence et reasonable care pour « défaut de cadre directeur. »  Ainsi un acheteur avait signé un compromis portant sur la vente d’un bien immobilier appartenant à une société faisant l’objet d’une procédure collective, celle-ci devant, selon le compromis, faire son possible pour obtenir l’autorisation de la Bankruptcy Court, tribunal compétent. En effet, la loi sur la faillite interdit aux sociétés faisant l’objet d’une procédure collective de céder leurs actifs immobiliers sans autorisation judiciaire. Le tribunal  a conclu que « la clause de « meilleure diligence » ne pouvait être applicable car l’obligation correspondante n’était pas définie dans le contrat. » En effet, « la clause de meilleure diligence doit indiquer des critères objectifs permettant de mesurer les efforts que le débiteur doit fournir. »

En outre, en raison de l’absence dans le contrat d’éléments de référence ou d’indications, le caractère abstrait de l’obligation de best efforts persiste. L’appréciation de ce qui est raisonnable, et donc l’étendue de l’obligation, varie selon les circonstances et les activités concernées. Pour éviter une variation trop importante ou trop imprévisible, les parties auront intérêt à préciser dans le contrat leur conception des meilleurs efforts. En tout état de cause, cette définition ne doit pas être trop générale. Elle doit au contraire, pour aider le juge à se prononcer, lui offrir des références concrètes, par exemple en précisant les démarches que le débiteur sera tenu d’effectuer, le nombre de salariés qu’il devra affecter à sa mission... On peut ainsi préciser que « meilleure diligence signifie que la Commune fournira les ressources financières et humaines nécessaires et appropriées pour honorer les obligations stipulées. »  On remarque alors que comme l’explique le professeur Murray, « il y a dans la notion de « best efforts » un niveau d’industrie et de créativité raisonnable qu’il n’est pas nécessaire de décrire dans l’obligation de bonne foi(...). Par conséquent, les parties peuvent avoir intérêt à renoncer à une obligation de « best efforts ». »

Au-delà de cet encouragement par la pratique américaine à rédiger précisément les clauses, le rédacteur du contrat international doit tenir compte du fait que la formule utilisée dans la clause pourra moduler l’intensité de l’engagement du débiteur à remplir son obligation. Il doit donc être pleinement conscient des implications de la formulation choisie, notamment quant à l’utilisation du standard de comportement qui servira à apprécier le comportement du débiteur. Il faudra ainsi prendre en compte, comme l’explique Marcel Fontaine, « le comportement habituel du débiteur lui-même, son comportement dans ses meilleurs jours, celui d’un professionnel de très haut niveau, ou encore celui d’un homme raisonnable ou diligent en général ? » En donnant l’occasion de pendre précisément en compte les besoins et les réalités du commerce international, la formulation de l’engagement des parties via le recours à des notions à contenu variable participe ainsi à l’émergence d’un droit uniforme en matière de commerce international.

La pratique du droit du commerce international est souvent marquée par une incertitude quant au sens des termes exprimant la règle de droit. Il est en effet difficile d’exprimer un droit uniforme commun avec un vocabulaire juridique créé en premier lieu dans les différents idiomes pour un droit national. Pour parvenir à donner un sens autonome, transnational, à des termes juridiques préexistants, l’opération d’interprétation revêt en droit du commerce international une importance cruciale. Elle est ainsi l’occasion de donner un contenu transnational aux notions floues auxquelles font références de nombreuses formules contractuelles.


Quelques références bibliographiques:

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  • Chaïm Perelman, « Les notions à contenu variable en droit. Essai de synthèse », Les notions à contenu variable en droit, édité par Chaïm Perelman et Raymond Vander Elst, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 368
  • Stéphane Rials, « Les standards, notions critiques du droit », « Les notions à contenu variable en droit international privé », Les notions à contenu variable en droit, op. cit. p. 42
  • Pips (Leisure Productions) ltd v. Walton, 43 P&CR 415, 420, 260 EG 601, [1981] EGD 1003 ; Terrell v. Mabie Todd & Coy, 69 RPC 234, 237 [1952] WN 434.
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