Une proposition de loi visant à faire progresser l’égalité entre les mères et les pères sera débattue le 30 novembre à l’Assemblée nationale.

LE MONDE | 08.11.2017 à 06h43 • Mis à jour le 08.11.2017 à 18h49 | Par Gaëlle Dupont

Cette tentative sera-t-elle la bonne ? Une proposition de loi visant à faire de la résidence alternée des enfants la solution examinée en premier lieu en cas de séparation des parents sera débattue à l’Assemblée nationale le 30 novembre. Jusqu’à présent, toutes les mesures allant dans ce sens ont été rejetées, l’impact de la garde alternée sur les enfants et les couples suscitant de nombreux débats.

L’auteur du texte, le député (MoDem) de la Vendée Philippe Latombe, est cependant confiant. « J’ai rédigé un texte d’apaisement, équilibré, affirme-t-il. C’est un sujet de société qui va dépasser les clivages politiques. » Une quarantaine de membres du groupe MoDem, l’un des piliers de la majorité parlementaire, ont cosigné la proposition.

Alors que le code civil dit aujourd’hui que la résidence de l’enfant « peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux », le texte propose de faire de la résidence alternée le principe général, auquel les parents pourraient déroger s’ils se mettent d’accord entre eux, ou auquel le juge peut également s’opposer, la décision finale appartenant à ce dernier. « La résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun des parents, selon les modalités déterminées par convention d’un commun accord entre les parents ou, à défaut, par le juge », précise ainsi le premier alinéa du texte.

Un mode de garde qui progresse lentement

« L’idée est que, dans les séparations normales, qui se déroulent sans violence ni maltraitance, le juge regarde en premier lieu si la résidence alternée pour les enfants est faisable et dans quelles conditions, toujours dans l’intérêt de l’enfant, explique M. Latombe.Le temps de garde ne serait pas forcément strictement égalitaire en temps passé chez l’un ou l’autre parent. »

L’objectif est de faire entrer la résidence alternée dans la norme, sans contraindre. Ce mode de garde progresse très lentement en France : il ne concerne aujourd’hui que 17 % des enfants de parents séparés (il était de 10 % en 2002), contre 71 % qui résident principalement chez la mère et 12 % chez le père.

Une analyse détaillée, publiée en 2013, a montré que, dans 80 % des cas, les parents sont d’accord sur le futur mode de garde avant d’arriver chez le juge, qui entérine la plupart du temps leur décision. Le plus souvent (70 % des cas), le couple décide que la mère aura la garde principale, entérinant ainsi l’investissement plus important des femmes dans la sphère domestique.

Les situations de désaccord entre les parents sont minoritaires (10 % des cas), mais cristallisent les mécontentements, en particulier de la part des associations de pères. C’est alors la mère qui a le plus souvent gain de cause. Par exemple, si elle demande la garde principale et le père la garde alternée, cette dernière n’est prononcée que dans un quart des cas. Les rejets sont peu motivés par les juges, ce qui peut ajouter à l’incompréhension.

Si la proposition de loi est votée, la résidence alternée sera aussi examinée en premier lieu en cas de désaccord des parents, et un éventuel rejet devra être justifié (indisponibilité des deux parents, éloignement des domiciles, conditions matérielles non réunies…).

Les pédopsychiatres divisés sur la question

Cadre dans la banque avant d’être élu député en juin, Philippe Latombe a lui-même été confronté à cette situation. « J’ai deux filles de 11 et 14 ans ; je me suis battu pour avoir la garde alternée, car mon ex-femme ne le souhaitait pas, et je dois encore parfois me battre aujourd’hui, explique-t-il. Aujourd’hui, ça marche bien, c’est jouable, même quand on est député ! »

Sa proposition « participe au mouvement de la société pour aller vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes », car « la résidence alternée permet à chacun des membres du couple de se reconstruire », estime-t-il.

La résidence alternée divise cependant les pédopsychiatres. Certains estiment que les enfants de moins de 3 ans en particulier doivent résider principalement auprès de leur mère. La fédération nationale Solidarité Femmes, qui agit auprès de femmes victimes de violences conjugales, déclare, dans un communiqué, que la proposition représente « un danger pour les femmes et les enfants » en cas de violences.

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Elle soulève aussi un enjeu financier, car la résidence alternée pourrait aboutir « à la suppression des pensions alimentaires et au partage des allocations familiales ». De son côté, le président de SOS Papa, Jean Latizeau, considère que la proposition de loi « va dans le bon sens en termes d’intention », mais risque de rester « inopérante », car pas assez contraignante.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/11/08/la-residence-alternee-des-enfants-de-parents-separes-revient-en-debat_5211665_3224.html#otAYHMvkzXA1Y3CP.99  

http://www.lemonde.fr/acces-restreint/societe/article/2017/11/08/87d08853b189b9ac21596a51a0a30487_5211665_3224.html