Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, la définition de la nouvelle infraction d’outrage sexiste s’inspire directement de la définition donnée du délit de harcèlement sexuel en supprimant toutefois la condition de répétition des faits poursuivis. Il s’en suivait que faute de répétition, certains faits isolés ne pouvaient être poursuivis sur l’incrimination de harcèlement sexuel alors qu’ils portaient de manière évidente notamment à la dignité de la personne qui en était victime.

 

Le rapport sénatorial précité donne des informations très pertinentes sur ces faits nouvellement incriminés :

 

« Selon l’enquête « CVS de 2016, 2,6 % des personnes interrogées déclarent avoir été victimes d’injures jugées sexistes, au cours de l’année précédente. 49 % des injures sexistes ont lieu dans la rue et 8 % dans les transports en commun.

 

(…)

 

Les injures sexistes de rue ont tendance à viser l’apparence physique (43 % d’entre elles, contre 35 % pour les injures sexistes ayant lieu hors de la voie publique), à être le fait d’un ou plusieurs hommes (90 %) et à se dérouler de nuit ou le week-end. »

 

Cette nouvelle infraction vise donc à sanctionner divers comportements se caractérisant de différentes manières dans l’espace public : sifflements, propos sur l’habillement ou l’apparence physique de la ou des personnes visées, propos et verbes désignant des actes sexuels. Dans cette incrimination, entrent également dans ces comportements sanctionnés ceux relevant de compliments dits astreignants et faussement élogieux (tels les termes de bel, bonne, canon) et qui soumettent la victime à une obligation de répondre, par exemple par un remerciement, un geste, un sourire. L’objectif pour les personnes qui y sont à l’origine est avant tout de placer les victimes dans une situation embarrassante, voire dénigrante, pour elles.

 

Ce type de propos doit être distingué de ce relèverait de ce que l’on dénomme la « drague », celle-ci ou toute forme qui s’y rapprocherait supporte préalablement un échange mutuellement accepté entre deux personnes.

 

L’infraction d’ outrage sexiste sert dorénavant à réprimer ce type de harcèlement dit de rue.

 

L’article 15 de la loi du 3 aout 2018 créé un article 621-1 du code pénal, lequel apporte une définition claire puisqu’il s’agit d’ « imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui, soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

 

L’infraction d’outrage sexiste est punie de l’amende prévue pour les contraventions de 4ème (de 90 € à 750 €) et 5ème classe (jusqu’à 1.500 € ou 3.000 €) s’il y a des circonstances aggravantes (dans les transports en commun, en raison d’une orientation sexuelle, sur un mineur de moins de 15 ans, sur une personne vulnérable, en groupe, par une personne qui abuse de l’autorité conférée par ses fonctions).

Par ailleurs, les personnes coupables de ces contraventions ont l’obligation d’accomplir à leurs frais :

 

  • un stage de lutte contre le sexiste et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes,
  • un stage de citoyenneté,
  • un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels,
  • un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein d’un couple et les violences sexistes,
  • ou un travail d’intérêt général pour une durée de 20 à 120 heures.

 

Il est à noter que le législateur est intervenu dans un champ matériel qui ne relève pas de sa compétence constitutionnelle, à savoir du domaine de la loi défini par l’article 34 de la Constitution. Dans le considérant n° 34 de son avis adopté en assemblée générale le 15 mars 2018, le Conseil d’État a pourtant très clairement rappelé au Gouvernement que « la détermination des contraventions ainsi que des peines qui leur sont applicables relève, en application des articles 34 et 37 de la Constitution, de la compétence du pouvoir règlementaire. » Cependant, nonobstant cet avis fondé et les réserves sur ce point de la commission des lois du Sénat, le Gouvernement a maintenu l’adoption dans la loi d’une disposition contraventionnelle, au risque d’ouvrir une brèche contentieuse fondée sur l’incompétence de l’auteur de l’incrimination nouvelle.

 

L’outrage sexiste risque de poser des problèmes d’application dans certaines situations où il sera difficile pour le juge contraventionnel de déterminer la nature réelle des propositions ou comportements et l’objectif réellement poursuivi par le ou les prévenus.

 

Cependant, un premier cas jugé en septembre 2018 permet d’illustrer cette infraction. Le tribunal correctionnel d’Evry a été amené à prononcer à l’encontre d’un homme une condamnation à une amende de 300 euros pour outrage sexiste. Le prévenu dans un bus avait d’une part, asséné à une femme une claque sur les fesses et d’autre part, outragé celle-ci en proférant des insultes portant notamment sur la dimension de ses seins.

 

Texte de l’article 621-1 du code pénal De l’outrage sexiste créé par l’article 15 de la loi n° 2018-703 du 3 aout 2018 :

 

« I.-Constitue un outrage sexiste le fait, hors les cas prévus aux articles 222-13,222-32,222-33 et 222-33-2-2, d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

II.-L’outrage sexiste est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe.

 

Cette contravention peut faire l’objet des dispositions du code de procédure pénale relatives à l’amende forfaitaire, y compris celles concernant l’amende forfaitaire minorée.

III.-L’outrage sexiste est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe lorsqu’il est commis :

1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

2° Sur un mineur de quinze ans ;

3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;

4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;

5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;

6° Dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;

 

7° En raison de l’orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime.

La récidive de la contravention prévue au présent III est réprimée conformément au premier alinéa de l’article 132-11.

IV.-Les personnes coupables des contraventions prévues aux II et III du présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :

1° L’obligation d’accomplir, le cas échéant à leurs frais, un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes ;

2° L’obligation d’accomplir, le cas échéant à leurs frais, un stage de citoyenneté ;

3° L’obligation d’accomplir, le cas échéant à leurs frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels ;

4° L’obligation d’accomplir, le cas échéant à leurs frais, un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et les violences sexistes ;

5° Dans le cas prévu au III, un travail d’intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures. »

 

 

Pour aller plus loin : voir article de l’auteur Loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes : une avancée notable pour la défense des femmes et des mineurs ?

 

Patrick Lingibé JURISGUYANE

Ancien bâtonnier de Guyane

Membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers

Ancien membre du Conseil National des Barreaux

Spécialiste en droit public

Médiateur Professionnel

Membre du réseau international d\'avocats GESICA

www.jurisguyane.com

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