Le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé, paru au Journal Officiel du 11 juillet 2020, a mis en place des règles de transport aérien qui n’ont pas été correctement comprises. Cet article a pour objet de répondre aux questions beaucoup de personnes se posent sur le transport aérien en outre-mer.  

Quels sont les motifs permettant de se déplacer pour certains territoires d’outre-mer ? Aux termes de l’article 10 du décret du 10 juillet 2020, sont en principe interdits tous les déplacements de personnes par transport public aérien entre, d'une part, la Guyane, Mayotte, la Polynésie Française, la Nouvelle-Calédonie ou Wallis et Futuna et, d'autre part, tout point du territoire de la République. En conséquence, un passager provenant de l’un de ces cinq territoires d’outre-mer ne pourrait prendre l’avion, sauf s’il démontre que son voyage est fondé sur un motif relevant de l’un des trois cas ci-dessous : 1er cas : motif impérieux d’ordre personnel ou familial. Cela devrait évacuer donc par essence tous les séjours de simple agrément au regard d’une lecture stricte de ce que recouvre la notion de motif impérieux dans un contexte sanitaire particulièrement dégradé. 2ème cas : motif de santé relevant de l’urgence. Ce qui exclut d’emblée tous les actes médicaux qui ne sont pas urgents et peuvent dès lors être différés. 3ème motif : motif professionnel ne pouvant être différé. Cette situation suppose que la présence du passager soit indispensable sur le plan professionnel sur le lieu de destination et que l’absence de cette dernière serait préjudiciable pour l’entreprise ou la collectivité pour laquelle elle intervient. Cependant, dans un communiqué pris le 13 juillet 2020 par le ministre des outre-mer Sébastien Lecornu a précisé que l’application du motif impérieux concernait les seuls territoires de Guyane et de Mayotte alors que le texte littéral de l’article 10 en l’état du décret du 10 juillet 2020 précité vise d’autres régions que ces deux territoires. Ainsi, aux termes de ce communiqué, il n’est donc nécessaire pour les voyageurs provenant des territoires ultramarins, autre que guyanais et mahorais, de justifier d’un motif impérieux pour voyager à destination de l’hexagone. Il faut relever que l’article 10 du décret prévoit une dérogation particulière pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie qui rappelons le disposent de statuts dérogatoires de large autonomie. En effet, pour les vols au départ ou à destination de ces deux territoires, en fonction des circonstances locales, le haut-commissaire est habilité à compléter la liste des trois motifs de nature à justifier les déplacements précités. Le représentant de l’Etat dispose donc d’un pouvoir réglementaire large qui lui permet d’ajouter des motifs supplémentaires au déplacement de passagers par voie aérienne, en plus des trois motifs mentionnés par l’article 10 du décret du 10 juillet 2020. Une telle dérogatoire est toutefois exclue au profit du représentant de l’Etat pour les autres collectivités ultramarines. Quels sont les documents administratifs indispensables pour valider son embarquement ? Une fois que les personnes réunissent l'un des trois motifs leur permettant de voyager, aux termes de l’article 11 du décret, deux documents doivent être présenter impérativement à la compagnie de transport aérien, lors de leur embarquement :  

  • une déclaration sur l'honneur du motif de leur déplacement accompagnée d'un ou plusieurs documents permettant de justifier de ce motif. Cette déclaration doit être obligatoirement accompagnée du justificatif du motif pour être valable et recevable.

 

  • une déclaration sur l'honneur attestant qu'il ne présente pas de symptôme d'infection au covid-19 et qu'il n'a pas connaissance d'avoir été en contact avec un cas confirmé de covid-19 dans les quatorze jours précédant le vol.

Un troisième document s’ajoutera à ces deux document, à avoir le résultat du test Covid quand celui-ci est requis pour embarquer. Dans quel cas un passager doit se soumettre à un test de contrôle Covid-19 avant de partir ? Le décret prévoit que les personnes de 11 ans ou plus souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution (il s’agit des collectivités ultramarines : d’une part, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte relevant de l’article 73 et d’autre part, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française régis par l'article 74 de la Constitution. Il convient d’ajouter la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII de la Constitution), doivent présenter le résultat d'un examen biologique de dépistage virologique réalisé moins de 72 heures avant le vol ne concluant pas à une contamination par le Covid-19, ce à compter du samedi 18 juillet 2020. Attention, cet examen biologique n’est exigé que pour les passagers qui voyagent d’un territoire d’outre-mer à un autre ou de l’hexagone vers un territoire d’outre-mer. Autrement dit, un voyageur de Guyane se rendant dans l’hexagone n’a aucun test préalable à faire pour prendre l’avion. En revanche, à son retour en Guyane, ce même passager sera soumis à un examen Covid-19 qu’il devra effectuer moins de 72 heures avant le vol pour l’aéroport Félix Eboué. Par contre, la restriction des déplacements aériens liée aux motifs ne s’applique pas aux déplacements par transport public aérien en provenance de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution ou d'un pays étranger lorsque cette collectivité ou ce pays n'est pas mentionné dans la liste des zones de circulation de l'infection mentionnée fixée par arrêté du ministre de la santé. Ainsi, il ne peut être exigé de déclaration avec le motif du déplacement aérien pour un passager de Martinique ou de Guadeloupe se rendant dans l’hexagone. Le port du masque : obligation ou simple option ? Le décret précise que toute personne de 11 ans ou plus qui accède ou demeure dans les espaces accessibles aux passagers des aérogares ou les véhicules réservés aux transferts des passagers porte obligatoirement un masque de protection. De même, toute personne de 11 ans ou plus porte, à bord d’un avion effectuant du transport public à destination, en provenance ou à l'intérieur du territoire national, dès l'embarquement, un masque de type chirurgical à usage unique. Attention, l'obligation du port du masque pesant sur le passager ne fait pas obstacle à ce qu'il lui soit demandé de le retirer pour la stricte nécessité du contrôle de son identité. Ce qui sera naturellement le cas lors de contrôle de l’identité du passager par les services de police de l’air et des frontières. Le port du masque devrait être rendu obligatoire dans les touches prochaines semaines dans tous les lieux publics clos, suivant la déclaration faite par le président de la République Emmanuel Macro lors de son interview donnée à l’occasion de la célébration de la fête du 14 juillet 2020. Quelles informations et obligations sont mises à la charge des acteurs du secteur aérien ? Aux termes de l’article 12 du décret, l'exploitant d'aéroport et l'entreprise de transport aérien doivent informer les passagers des mesures d'hygiène et des règles de distanciation par des annonces sonores, ainsi que par un affichage en aérogare et une information à bord des avions. L'exploitant d'aéroport et l'entreprise de transport aérien doivent également permettre l'accès à un point d'eau et de savon ou à du gel hydroalcoolique pour les passagers. L'entreprise de transport aérien veille, dans la mesure du possible, à la distanciation physique à bord de chaque aéronef de sorte que les passagers qui y sont embarqués soient le moins possible assis les uns à côté des autres. Le décret prévoit une obligation non impérative à laquelle une compagnie aérienne pourra difficilement satisfaire, sauf à effectuer des vols avec un nombre limité de passagers et une perte économique conséquente. En réalité, les distances de sécurité anti covid-19 dans l’avion ne pourront pas être respectées. On peut dès lors s’interroger sur la responsabilité qui pourrait incomber au transporteur aérien qui ne pratiquerait la distanciation physique à bord de son avion aurait permis la contamination de passagers qui se trouveraient à côté d’une personne infectée, faute d’avoir appliqué ladite mesure de distanciation. Enfin, l'entreprise de transport aérien doit assurer la distribution et le recueil des fiches de traçabilité et vérifier qu'elles sont remplies par l'ensemble de ses passagers avant le débarquement. Ce dispositif permet un traçabilité des passagers pouvant avoir été en contact avec une personne contaminée dans l’avion. Le contrôle de température : une formalité obligatoire ? L'exploitant d'aéroport et l'entreprise de transport aérien sont autorisés à soumettre les passagers à des contrôles de température. S’il l’exploitant de l’aéroport ou la compagnie aérienne exigent un tel contrôle de température, cela devient une obligation à laquelle les passagers doivent se soumettre. En cas, en cas de refus de se soumettre à un contrôle de température, l'entreprise de transport aérien est fondée à refuser l'embarquement des passagers concernés. Le contrôle de température est donc devenu une formalité obligatoire, en sus des documents administratifs requis (déclaration et motif et test le cas échéant). Nul doute qu’aucune compagnie aérienne ni aucun gestionnaire d’aéroport ne prendront le risque de ne pas utiliser cette disposition par principe de précaution. Des possibilités de restrictions plus fortes dans les aérogares sur décision préfectorale ? Aux termes de l’article 13 du décret, le préfet territorialement compétent est habilité, lorsque les circonstances locales l'exigent, à limiter l'accès à l'aérogare des personnes accompagnant les passagers, à l'exception des personnes accompagnant des personnes mineures, des personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite ou des personnes vulnérables. Cette disposition permet ainsi aux autorités préfectorales d’interdire l’accès des accompagnants des passagers adultes et non handicapés.   Quelles sont les sanctions prévues ? Outre les sanctions pénales de nature contraventionnelle de 4ème ou de 5 classe ou délictuelle suivant la nature des faits prévues par l’article L. 3136-1 du code de la santé publique, l’absence de présentation des documents précités entraîne un refus d’embarquement. De même, outre les mêmes sanctions pénales précitées, la personne qui refuse de porter un masque est reconduite à l'extérieur des espaces, véhicules et aéronefs concernés, tout accès auxdits espaces, véhicules et aéronefs lui étant refusé. Il convient de préciser que dorénavant les passagers à destination de la Guyane, de la Guadeloupe, de la Martinique, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de La Réunion et de Mayotte ne sont plus soumis à une mesure obligatoire de quarantaine systématique à leur arrivée.  

Patrick Lingibé Vice-Président de la Conférence des Bâtonniers de France Ancien membre du Conseil national des barreaux Bâtonnier Avocat associé Cabinet JURISGUYANE Spécialiste en droit public Diplômé en droit routier Médiateur Professionnel Membre du réseau d'avocats EUROJURIS Membre de l'Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM)