Sous certaines conditions, la collectivité peut opposer à une demande d'autorisation d'urbanisme (permis de construire, permis d'aménager) un sursis à statuer.

Tel est notamment le cas lorsqu'un document d'urbanisme (plan local d'urbanisme)est en cours d'élaboration. Pour ne pas compromettre l'exécution du futur PLU, l'autorité compétente va suspendre l'instruction de la demande d'autorisation jusqu'à l'approbation de ce document.

Le sursis ne peut excéder deux ans. L'autorité compétente ne peut, à l'expiration du délai de validité du sursis ordonné, opposer à une même demande d'autorisation un nouveau sursis fondé sur le même motif que le sursis initial. Si un nouveau sursis peut être opposé pour un autre motif que celui du premier sursis, la durée totale des deux sursis à statuer ne peut dépasser trois ans.

Pour opposer un sursis à statuer , la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme doit être suffisamment avancée et le projet doit compromettre l'exécution du futur plan.

 

A. Etat d'avancement suffisant de l'élaboration du plan local d'urbanisme

En application de l’ancien article L. 123-6 du code de l’urbanisme il pouvait être sursis à statuer dès la publication de la délibération prescrivant l'élaboration ou la révision du plan local d'urbanisme (Cour administrative d'appel de Marseille, 21 février 2007, n° 05MA00617).

Désormais, selon le nouvel article L. 153-11, le sursis à statuer peut être opposé dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement.

Le sursis à statuer ne peut donc plus être opposé dès la délibération prescrivant l’élaboration du plan. Il doit y avoir eu au minimum un débat sur les orientations générales du projet d’aménagement.

 

La faculté de surseoir à statuer n'est ouverte que si l'avancement du futur plan est suffisant à la date où l'autorité de délivrance statue sur la demande.

 

Tel est le cas lorsque le zonage, le rapport de présentation et le règlement de zone sont établis (Conseil d'Etat, 22 mars 1991, n° 110338).

A l'inverse, la commune ne peut opposer de sursis à statuer lorsque l'état d'avancement de l'élaboration du PLU ne permet pas d'apprécier la portée exacte des modifications projetées.

Tel est le cas lorsque l'état d'avancement de l'élaboration du nouveau document d'urbanisme ne permet pas de localiser les zones du territoire communal concernées par les modifications envisagées et donc ne permet pas de connaitre le zonage du terrain d'assiette du projet (Conseil d'Etat, 8 septembre 1995, n° 119227).

Par exemple, le projet de plan n'est pas suffisamment avancé en l'absence de découpage du futur plan et de localisation des différentes servitudes (Cour administrative d'appel de Lyon, 15 février 2005, n° 02LY00167).

De même, la commune ne peut opposer un sursis à statuer sur le seul fondement de la délibération prescrivant le PLU alors qu'aucun règlement n'a encore été fourni, dès lors que l'état d'avancement des travaux d'élaboration du nouveau PLU ne permettaient pas, à la date du sursis, de préciser la portée exacte des modifications projetées dans la zone concernée (Cour administrative d'appel de Douai, 14 février 2013, n° 12DA00762).

Le sursis à statuer ne peut se fonder sur une délibération du conseil municipal qui avait envisagé d'instituer une servitude d'espace boisé sans prévoir celle-ci de manière précise (Conseil d'Etat, 4 octobre 1995, n° 103338).

Le sursis à statuer est illégal si l'ensemble des orientations du PADD dépourvues, à la date de la décision, de toute indication propre au secteur concerné, ne traduisent pas un état suffisamment avancé du futur PLU et si les perspectives d'évolution du zonage invoquées dans la décision, seulement ébauchées dans leurs grandes lignes, n'augurent encore aucun changement pour le terrain litigieux. Dans ce cas d'espèce, le sursis faisait référence aux seules thématiques développées dans le PADD qui visaient à accompagner le développement de la commune vers le statut de petite ville en créant les conditions d'un meilleur fonctionnement urbain en matière de transports, de déplacement et de stationnement et en garantissant les qualités urbains et naturelles du cadre vie. De telles thématiques ne sont pas suffisamment précises pour justifier un sursis à statuer (Cour administrative d’appel de Lyon, 4 décembre 2012, n° 12LY01445).

Il peut ainsi être sursis à statuer lorsque au regard des orientations du projet d'aménagement et de développement durable (PADD), le projet envisagé est de nature à compromettre l'exécution du futur plan et l'objectif du PADD (Conseil d'Etat, 1er décembre 2006, n° 296543).

Le PADD doit être suffisamment avancé pour permettre d'apprécier que le projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan (CAA de Marseille, 9 octobre 2009, n° 07MA02764).

Tel est par exemple le cas lorsque le PADD a pour objectif de maintenir la qualité des milieux naturels et de stopper le processus de mitage des espaces naturels et agricoles. Un sursis à statuer peut être valablement opposé à un projet de construction, alors même que d'autres constructions existeraient à proximité du terrain d'assiette du projet. Dans ce cas d'espèce, le projet de règlement ainsi que des cartes détaillées du zonage à venir avait été élaborés, permettant de préciser la portée exacte des modifications projetées (Conseil d'Etat, 30 mai 2011, n° 327769).

 

L'élaboration du plan local d'urbanisme est suffisamment avancée si le projet de plan :

  • permet de localiser les zones du territoire communal affecté par les modifications envisagées
  • contient des précisions suffisantes sur la nature des modifications envisagé

Il est donc nécessaire qu'un projet de plan avec une identification des nouvelles règles applicables ait été élaboré.

Il n'est cependant pas nécessaire que ce projet de zonage ait été soumis au conseil municipal (CE, 22 mars 1991, n° 110338).

Un PADD contenant des orientations générales et peu précises et ne contenant aucune cartographie permettant de démontrer que le projet s'implantera dans un secteur concerné par ces modifications sera insuffisamment avancé.

 

B. Projet susceptible de compromettre l'exécution du futur plan

Le sursis à statuer est justifié par la circonstance que le terrain d'assiette du projet est susceptible d'être compris dans une zone naturelle à protéger et dans laquelle les constructions nouvelles ne sont pas autorisées (Conseil d'Etat, 12 mars 1986, Lebon T. 760; Conseil d'Etat, 25 juillet 1986, n° 64514; Cour administrative d'appel de Marseille, 15 mai 2014, n° 12MA00584; Cour administrative d'appel de Lyon, 27 septembre 2011, n° 10LY00374).

 

Un sursis à statuer peut être opposé à une déclaration préalable de division, dès lors que le projet est de nature à compromettre l'exécution du futur plan (Conseil d'Etat, 3 avril 2014, n° 362735; Conseil d'Etat, 29 janvier 2014, n° 352808).

 

Le peu d'importance des travaux peut ne pas justifier le sursis (CE, 10 octobre 1990, Lebon 272) Le juge va donc apprécier si, au regard de leur importance le projet est susceptible de compromettre le futur plan (CE, 25 avril 2003, n°208398).

Ainsi un sursis à statuer a-t-il pu être valablement opposé à une déclaration préalable pour une extension de 17 m² car cela représentait une extension de 42% alors que les futures dispositions du plan n'autorisaient que 20% (CAA Paris, 12 novembre 1998, n° 96PA04627).

L'absence d'opposition d'un sursis à statuer est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour un projet qui ne réserve que 7% de la surface du terrain aux espaces verts alors que le projet de plan impose une surface d'au moins 40% (CAA de Paris, 20 décembre 2002, n° 00PA03427).

La décision de sursis à statuer fondée sur le projet de classement du terrain en cause dans une zone soumise à l'aléa de feux de forêt très fort est légale dès lors que le projet de construction rend plus onéreuse l'importance des moyens de lutte contre l'incendie (CAA de Marseille, 25 novembre 2010, n°09MA00197).

A l'inverse, le fait que manquent trois places de parking par rapport aux dispositions futures ne compromet pas ou ne rend pas plus onéreuse l'exécution du futur plan (TA Nice, 5 avril 2001n° 00-5129 et 005130).

 

C. Motivation

Le sursis à statuer doit être motivé. L'autorité compétente ne peut se borner à reproduire le texte applicable sans préciser les dispositions du plan de l'urbanisme dont l'exécution a été rendue plus difficile (Conseil d’Etat, 13 février 1970, Min. équip. log. c/ Sté Neuilly-Ancelle : Rec. CE 1970, p. 114.; Conseil d’Etat, 1er juillet 1974, Cne Piscop : Rec. CE 1974, p. 385; Conseil d’Etat, 7 juin 1985, A. Serpette : Gaz. Pal. 1985, 2, pan. dr. adm. p. 410).

La motivation doit être explicite, et se référer à des circonstances tirées du projet à peine de nullité (Conseil d’Etat, 5 novembre 1993, n°146570).

Elle doit être fondée sur des éléments de fait et ne pas se borner à indiquer que le document est prescrit et qu'il convient de ne pas le compromettre.

La décision de sursis doit comporter une "suffisante justification" (Conseil d’Etat, 9 octobre 2002, n°244783).

 

D.  Certificat d'urbanisme

Le certificat d’urbanisme peut mentionner la possibilité d’opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis.

Il n'existe alors pas de cristallisation des droits indiqués dans le certificat d'urbanisme.

"Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées qu'elles ont pour objet d'informer le pétitionnaire des règles d'urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété applicables au terrain et de permettre à ce pétitionnaire de savoir qu'à compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, le sursis à statuer prévu par l'article R. 410-16 du même code est susceptible de lui être opposé ; que la mention du sursis à statuer dans un certificat d'urbanisme complète ainsi l'information du pétitionnaire tout en pouvant lui faire grief dès lors qu'en cas de modification des documents d'urbanisme, le pétitionnaire est susceptible de perdre le bénéfice des règles applicables qu'est censé assurer le certificat d'urbanisme" (Conseil d'Etat, 21 mai 2012, n° 323882).

 

L’omission d’une telle mention dans le certificat d’urbanisme peut être de nature à constituer un motif d’illégalité du certificat.

Mais même en l’absence de mention de la possibilité d’opposer un sursis dans le certificat d’urbanisme, l’autorité administrative peut opposer un tel sursis (CE, 3 avril 2014, n° 362735).

 

Dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat a rappelé qu’il n’existait pas de cristallisation des droits mentionnés dans le certificat d’urbanisme lorsqu’un sursis à statuer est opposé à la demande d’autorisation d’urbanisme.

Lorsqu’un certificat d’urbanisme a été délivré et qu’un sursis à statuer est opposé à la demande de permis de construire, l’autorité administrative peut appliquer le nouveau plan local d’urbanisme si, à l’expiration du délai de sursis à statuer, le plan local d’urbanisme est entré en vigueur.

Ce principe s’applique même si le certificat d’urbanisme ne mentionnait pas la possibilité d’opposer un sursis à statuer (CE, 11 octobre 2017, n° 401878).

 

Le Conseil d'Etat a jugé que lorsque le certificat d'urbanisme indique qu'un sursis à statuer pouvait être opposé suite à la décision d'élaboration du document d'urbanisme, lorsque ce document est approuvé dans le délai de validité de ce certificat d'urbanisme, un refus doit être opposé aux demandes d'autorisation d'occupation des sols:

"Considérant que dans le cas où, d'une part, le certificat d'urbanisme mentionne, conformément à l'article R. 410-16, que l'établissement d'un plan d'occupation des sols ayant été prescrit un sursis à statuer pourra, sur le fondement de l'article L. 123-5 être opposé à une demande de permis de construire et où, d'autre part, ce plan a été rendu public à la date où l'autorité administrative statue sur une telle demande, il appartient à cette autorité de rejeter cette demande, même si elle a été présentée dans le délai de six mois prévu à l'article L. 410-1, dès lors qu'elle ne respecte pas les dispositions du plan d'occupation des sols, qui sont au nombre des dispositions d'urbanisme mentionnées dans le certificat d'urbanisme" (Conseil d'Etat, 10 juillet 1987, n° 63010)

Cela a été confirmé de manière explicite par la Cour administrative d'appel de Lyon (Cour administrative d'appel de Lyon, 10 mars 1998, n° 95LY00019).

 

E. Fin de validité du sursis à statuer

Le sursis à statuer a un délai de validité qui ne peut excéder deux ans.

A l'expiration de ce délai de validité le pétitionnaire dispose d'un délai de deux mois pour confirmer sa demande.

L'autorité administrative dispose alors d'un délai de deux mois, à compter de cette confirmation, pour prendre une décision sur la demande.

A défaut de notification dans ce délai de deux mois d'une décision, le pétitionnaire bénéficie d'une autorisation tacite.

 

L'approbation du plan local d'urbanisme peut intervenir avant l'expiration du délai de validité.

Dans ce cas, le sursis à statuer cesse de produire ses effets à la date où le plan local d'urbanisme est adopté. 

Le pétitionnaire dispose alors, pour confirmer sa demande, d'un délai qui court à compter de la date d'adoption du plan local d'urbanisme et jusqu'à expiration d'un délai de deux mois après la fin du délai de validité initialement fixé.

 

Pour exemple, un sursis à statuer, opposé le 20 mars 2006, avait un délai de validité de deux ans, soit jusqu'au 20 mars 2008. Mais le plan local d'urbanisme a été approuvé dans ce délai, le 20 avril 2007.

A compter du 20 avril 2007, le sursis à statuer ne produisait plus d'effet.

Le pétitionnaire disposait donc d'un délai allant du 20 avril 2007 jusqu'au 20 mai 2008 (c’est-à-dire jusqu’au 20 mars 2008, fin du délai initial, + 2 mois) pour confirmer sa demande, ce qu'il a fait le 15 octobre 2007.

La commune devait répondre dans les deux mois suivant cette confirmation, soit avant le 15 décembre 2007.

Deux mois après la confirmation de sa demande et en l'absence de réponse de la mairie dans ce délai, le pétitionnaire était bénéficiaire d'un permis tacite.

La décision de refus de permis de construire, intervenue le 21 décembre 2007 constitue un retrait du permis de construire tacite obtenu le 15 décembre 2007 et est donc illégale (Conseil d'Etat, 11 février 2015, n° 361433).