Je suis systématiquement interrogé sur une telle problématique au moment du divorce en présence d’un bien relevant de la communauté ou de l’indivision.

Lorsque les époux ne se sont pas mis d’accord sur le choix d’une procédure amiable et donc, notamment, sur l’ensemble des conséquences de leur divorce, l’époux le plus diligent prendra l’initiative et déposera une requête en divorce dans laquelle il va demander, notamment, au Juge aux Affaires Familiales (JAF) de se prononcer sur l’attribution de la jouissance du domicile conjugal tout au long de la procédure.

En cas de séparation, lorsque la cohabitation sous le même toit devient impossible, la question de l’occupation du logement familial fait surface de sorte que le 1er différend entre les époux porte le plus souvent sur la résidence séparée et, par voie de conséquence, sur le maintien au domicile conjugal de l’un d’entre eux.

Depuis la loi du 26 mai 2004, en vigueur depuis le 1er janvier 2005, le contentieux lié au caractère gratuit ou onéreux de la jouissance est réglé par le JAF qui se voit contraint de statuer sur cet aspect.

L'article 255 4° du Code civil dispose que :

"le JAF pourra attribuer à l'un des époux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l'accord des époux sur le montant d'une indemnité d'occupation" 

Si les époux sont propriétaires dudit bien, le JAF devra alors indiquer dans son Ordonnance de Non Conciliation (ONC) si cette jouissance se fera à titre gratuit ou onéreux étant, ici précisé que s’il ne le précise pas, la jouissance sera présumée être onéreuse.

Les différents cas :

1- la jouissance est stipulée onéreuse :  

Dans ce cas de figure, le Juge aux Affaires Familiales se contente d’indiquer dans son ONC que la jouissance du domicile conjugal sera onéreuse durant la procédure de divorce.

Il n’est pas obligé d’en préciser le montant sauf si les parties s’entendent sur ce point, ce qui est assez rarement le cas car cela pourrait avoir une incidence au moment du partage.

Le caractère onéreux étant retenu l’époux n’a toutefois strictement rien à régler à son conjoint durant la procédure.

En effet, ce n’est qu’au moment où le divorce sera reconnu comme définitif que l’indemnité d’occupation sera défini par le notaire à l’occasion des opérations de liquidation du régime matrimonial des ex-époux.

Cette indemnité d’occupation sera alors fixée en fonction de la valeur locative du bien avec, en général, une décote de 20 % pouvant aller jusqu’à 30% dans certains cas.

Il en résultera que l’époux qui aura bénéficié de cette occupation verra sa part liquidative grevée de l’indemnité d’occupation au moment du partage.

Si sa quote-part de propriété (50% si le bien est entré dans la communauté ou  à (X) % si le bien est en indivision) le montant de l’indemnité d’occupation sera en fonction de cette quote-part affecté de la décote applicable. 2 - la jouissance est gratuite :

Dans cette hypothèse, le JAF prendra en considération les situations financières respectives des époux de sorte que si l’époux qui bénéficie de la jouissance du domicile conjugal se trouve dans un "état de besoin", cette jouissance lui sera attribuée gratuitement au titre du devoir de secours.

Il en résultera que l’époux bénéficiaire ne sera redevable d’aucune somme à son conjoint au titre de l’indemnité d’occupation durant la procédure de divorce.

Toutefois, la durée de la gratuité peut être limitée à (X) mois à la demande de l’époux non bénéficiaire et ce, afin de vaincre l’éventuelle inertie de son conjoint quant à la vente du bien commun.

Attention cependant, car cette jouissance n’est en réalité pas totalement gratuite pour deux raisons :

a) – la gratuité cesse avec le prononcé définitif du divorce :

Lorsque le divorce est prononcé de manière définitive, l’époux qui se trouvera toujours dans les locaux de l’ancien domicile conjugal, devra régler une indemnité d’occupation à compter de cette date.

b)- la jouissance gratuite est soumise à une imposition :

En effet, l’attribution du domicile conjugal à titre gratuit durant la durée de la procédure de divorce – au titre du devoir de secours - est considérée par l’Administration fiscale comme un avantage en nature qui s’analyse en une pension alimentaire.

La jouissance à titre gratuit du logement indivis équivaut, en vertu de l’article 156 du Code général des impôts (CGI), au versement d’une pension alimentaire déductible du revenu imposable de l’ex-conjoint qui abandonne la jouissance du logement.

Corrélativement, en application de l’article 79 du CGI, la somme admise en déduction constitue, pour celui des ex-conjoints qui occupe le logement, un revenu imposable dans la catégorie des pensions.

Il en résulte que la somme correspondant à cette jouissance gratuite devra être mentionnée dans la déclaration de revenus : elle sera ainsi déductible pour l’époux non bénéficiaire de la gratuité et imposable pour l’autre.

A défaut de déclaration, un redressement fiscal serait envisageable.

3 – la prescription en matière de recouvrement de l’indemnité d’occupation

Elle est de 5 ans