L’un des enjeux majeurs pour le développement du commerce en général et du e-commerce en particulier est la lutte contre la contrefaçon. On le sait, avec la mondialisation et le commerce en ligne, les contrefaçons de marques, de brevets, de dessins et modèles explosent : on dénombre pour 2020 près de 5,6 millions de produits contrefaits saisis par les services douaniers (source UNIFAB). La contrefaçon représente 3,3% du commerce mondial.  

A l’occasion de la journée mondiale de la propriété intellectuelle, le 26 avril dernier, l’UNIFAB et l’INPI se sont félicitées de la prise de conscience des entreprises françaises, dans la lutte contre la contrefaçon ou dans le recours aux moyens juridiques permettant de protéger leurs innovations et leurs signes distinctifs. Pour ne prendre qu’un exemple : les dépôts de marque ont augmenté en France de 33% au 1er semestre.

A ce sujet, il est interessant d’observer qu’assez fréquemment, des entreprises associent à leurs marques ou à leurs logos l’un des fameux petits symboles ™, ® ou ©, pensant qu’ils se ménagent ainsi une protection juridique. Qu’en est-il vraiment ?

 

- Que signifient les symboles ™, ® ou © ?

 

Ces symboles sont principalement utilisés dans des pays dits de « common-law » dont notamment (mais pas seulement) les USA.

™ signifie « trademark ». Il fait référence à une « marque de commerce » non enregistrée. Il y a deux utilisations possibles de ce symbole. En premier lieu, il peut être associé à une marque qui ne peut pas faire l’objet d’un dépôt (parce qu’elle n’est pas suffisamment distinctive par exemple). Son propriétaire souhaite néanmoins revendiquer un usage commercial. En second lieu, il peut être associé à une marque qui a fait l’objet d’un dépôt et qui est en cours d’enregistrement. De cette façon, le déposant indique aux tiers et aux concurrents de la protection à venir.

® signifie « registered ». Il fait référence à une marque effectivement enregistrée par un office de propriété intellectuelle. La protection est obtenue. 

Enfin, le © signifie « copyright », et correspond pour sa part à quelque chose qui pourrait se rapprocher du droit d’auteur tel qu’on le connaît en droit français. L’une des différences notables est néanmoins que le « copyright » est obtenu par la voie d’un enregistrement auprès d’un office habilité. Cette procédure d’enregistrement ne s’applique pas dans notre système juridique. 

 

- Des symboles sans effet juridique en droit français et européen

 

La Convention de l’Union de Paris, qui harmonise le droit de la propriété intellectuelle à l’échelle internationale prévoit très clairement qu’« Aucun signe ou mention du brevet, du modèle d’utilité, de l’enregistrement de la marque de fabrique ou de commerce, ou du dépôt du dessin ou modèle industriel ne sera exigé sur le produit pour la reconnaissance du droit » (art. 5 D).

Ainsi, en droit français (de même qu’à l’échelle européenne), disons-le tout net : aucun de ces symboles n’est nécessaire pour protéger juridiquement les créations et signes distinctifs. En effet, que ce soit pour une marque, un dessin ou un modèle, ou encore un brevet, seul l’enregistrement auprès d’un office habilité permet au créateur de se voir reconnaître la propriété sur sa création, et le droit exclusif qui s’y rattache. 

En France, par exemple, on obtient la protection d’une marque, d’un dessin ou modèle ou d’un brevet en respectant une procédure de dépôt devant l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Il est également possible d’obtenir une protection à l’échelle européenne en procédant à un enregistrement devant l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (OUEPI) pour les marques de l’UE et des dessins et modèles communautaires ou devant l’Office européen des brevet (OEB), pour les brevets européens. 

L’utilisation des symboles ™, ® et © n’est donc d’aucune utilité juridique pour protéger vos créations ou signes distinctifs. L’action en contrefaçon ne sera pas ouverte en cas de copie ou reproduction d’une marque par un concurrent au seul prétexte de l’utilisation de ces symboles. Ils ne permettent en aucune façon de se prévaloir d’une antériorité sur son signe distinctif. Dans le cadre d’un litige, les juges, comme l’INPI, en feront abstraction, pour s’intéresser aux seules conditions fixées par la loi. 

 

- Faut-il pour autant s’interdire d’utiliser ces symboles ?

 

Il faut néanmoins reconnaître que ces symboles disposent d’une certaine renommée internationale. Ils sont assez évocateurs pour un grand nombre de personnes. Leur apposition à côté d’un signe distinctif peut alors constituer une méthode efficace pour informer les tiers (consommateurs, concurrents) de l’intérêt que l’on porte à la protection de sa marque, de son dessin ou modèle. Cela peut constituer ainsi un outil de communication et de dissuasion. 

Parmi tous ses symboles, seul le symbole ® nous paraît pouvoir véritablement être transposé à nos marques en France ou en Europe, en l’associant à une marque effectivement enregistrée. On peut aussi choisir le registre purement français et indiquer « marque enregistrée ». 

™ paraît un peu moins adapté car il fait référence à un régime juridique que nous ne connaissons pas vraiment. A la rigueur, si l’on veut communiquer sur le fait que la marque a fait l’objet d’un dépôt et qu’un enregistrement devrait arriver, il est parfaitement possible d’utiliser une formule comme « marque déposée ». 

De son côté, le © de « copyright » est très souvent utilisé en pratique, suivi de l’année de publication et de l’auteur de l’oeuvre. On y associe généralement la formule « tous droits réservés, reproduction interdite ». C’est également très parlant pour les tiers. Mais il faut rappeler qu’en droit français, seule la qualification d’oeuvre originale en sens du code de la propriété intellectuelle offrira la protection revendiquée, avec ou sans le ©. La protection est reconnue à l’oeuvre du seul fait de sa création (CPI, art. L. 111-1). 

 

 - Quels points de vigilance devant ces symboles ? 


En premier lieu, il est très important de garder à l’esprit qu’ils ne doivent pas tromper le consommateur. Ils doivent donc refléter une situation réelle. On ne peut, par exemple, pas apposer le symbole ® ou la formule « marque enregistrée », en laissant croire à l’existence d'un droit exclusif sur la marque si celle-ci n’est pas enregistrée à l’INPI. On risquerait la qualification de pratique commerciale trompeuse (C. conso., art. L. 121-2) en raison de l’utilisation d’ « allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ».

En deuxième lieu, l’observation de ces symboles à côté de marques ne doit pas davantage laisser supposer par principe que les marques sont protégées conformément à notre droit. Il est toujours raisonnable de procéder à une recherche pour vérifier la disponibilité de la marque en question. Il n’est pas exclu par exemple que la marque visée soit en fait enregistrée sur un territoire étranger dont la législation entraîne l’utilisation d’un de ces symboles, mais que les démarches de protection n’ont pas encore été faites sur notre territoire. Or, le principe de territorialité implique que la marque en question doit avoir été déposée en France ou en Europe pour y être protégée et devenir indisponible. 

En troisième lieu, si l’on fait le choix d’utiliser l’un des symboles sur notre territoire, il faudra être attentif si jamais l’activité se développe et que les produits s’exportent à l’étranger. En effet, à l’étranger, l’utilisation de ces symboles sans avoir réalisé les démarches correspondantes peut être sanctionnée. Il conviendra donc, avant d’utiliser les symboles, d’avoir respecté les règles de dépôt et d’enregistrement applicables localement. 

Enfin, il paraît prudent de bien distinguer le symbole de la marque elle même. Il ne faut donc pas enregistrer sa marque avec le symbole. Cela pourrait occasionner des difficultés, pour défendre la marque, notamment lorsqu’elle est finalement utilisée dans le commerce sans le symbole. 

Vous vous posez des questions sur la façon de protéger efficacement vos signes distinctifs et vos créations ? Vous voulez en savoir davantage sur le droit des marques ? N’hésitez pas à nous contacter !