Lorsqu’il procède à l’achat en ligne d’un bien ou d’un service, le consommateur bénéficie d’un droit de rétractation (C. conso., art. L. 221-18). Ce droit peut s’exercer pendant 14 jours (minimum) à compter de la réception du bien ou à compter de la conclusion du contrat pour les prestations de services (C. conso., art. L. 221-19). 

Seulement, dans certains cas, le consommateur pourra être exposé à la difficulté d’identifier correctement le professionnel qui doit respecter ce droit de rétractation. C’est le cas notamment lorsqu’il achète un produit sur le site d’un franchiseur, et que celui-ci livré est ensuite dans les locaux d’un franchisé, faisant office de point de retrait. Telle était la difficulté tranchée par la Cour de cassation, dans un arrêt rendu par sa chambre commerciale le 17 février 2021

En l’espèce, un consommateur commande un congélateur de voiture sur le site internet de la société Feu vert (franchiseur). Le produit est retiré chez l’un des membres franchisé du réseau, un Centre auto Feu vert. Revenant sur sa décision d’achat, le consommateur tente sans succès d’exercer son droit de rétractation. Se tournant vers un tribunal d’instance, il obtient gain de cause :  le franchiseur et le franchisé sont condamnés à lui rembourser le prix du produit. Le franchiseur mécontent se tourne alors vers la Cour de cassation, estimant de ne pas être tenu par cette obligation, mais son pourvoi est rejeté. 

Avant d’analyser plus précisément cette décision, revenons quelques instants sur le régime juridique du droit de rétractation.

Intérêts et effets du droit de rétractation

Cette règle permet au consommateur qui n’a pas pu se faire une idée véritable du produit depuis son ordinateur, de l’essayer et de vérifier s’il est conforme à ses attentes (comme il le ferait en magasin). Il peut ensuite décider de le retourner au vendeur. Il doit alors utiliser le formulaire fourni par le professionnel ou disponible en ligne (C. conso., art. L. 221-21). Il peut aussi utiliser tout autre document exprimant clairement sa volonté. 

La décision de se rétracter est totalement discrétionnaire : le consommateur n’a pas besoin de se justifier auprès du professionnel. Il doit alors retourner le produit dans les 14 jours et en assumer le coût. Le professionnel doit le rembourser intégralement (frais de livraison inclus : C. conso., art. L. 221-25) dans le même délai (éventuellement à compter du jour de la récupération des biens).

Des sanctions lourdes en cas de violation du droit de rétractation

Pour assurer l’efficacité de cette règle, des contraintes juridiques fortes pèsent sur le professionnel. Il doit notamment informer le préalablement le consommateur de l’existence de ce droit (C. conso., art. L. 221-5), indiquer les conditions et les modalités de son exercice, fournir le formulaire type de rétractation, etc. 

Des sanctions plutôt lourdes sont encourues en cas de violation. Ainsi, à défaut d’avoir été informé de l’existence de ce droit, le consommateur profite d’un délai allongé à 12 mois à compter de l’expiration du délai initial (C. conso., art. L. 221-20). De même, le professionnel qui ne respecte pas son obligation d’information peut voir prononcer à son encontre une amende administrative (jusqu’à 3000€ pour les personnes physiques 15 000 pour les personnes morales : C. conso., art. L. 242-10). Lorsque le professionnel ne respecte pas les règles encadrant l’exercice du droit de rétractation, ainsi que ses effets, les amendes encourues sont de 15 000€ pour une personne physique et 75 000€ pour une personne morale (C. conso., art. L. 242-13). Encore, en l’absence de formulaire de rétractation ou en cas de remise d’un formulaire non conforme, le professionnel encourt une peine de 2 ans d’emprisonnement et 150 000€ d’amende (C. conso., art. L. 242-6).

Enfin, lorsque le professionnel refuse de rembourser le consommateur exerçant ce droit ou y procède avec du retard, il s’expose à une majoration du prix, qui augmente à mesure qu’il prend du retard dans le remboursement (C. conso., art. L. 242-4).

On comprend aisément pourquoi le franchiseur souhaitait ne pas être considéré comme débiteur de ce droit de rétractation… 

Les arguments du franchiseur balayés par la Cour de cassation

Dans son pourvoi, le franchiseur s’appuie sur plusieurs règles du droit des contrats. Il considère en premier lieu que le seul contrat qui existe est celui conclu entre le client et le franchisé. Ainsi, le franchiseur se présente comme un intermédiaire. Il ne peut donc pas être tenu par ce contrat, puisqu’il est un tiers. Il estime en second lieu que les conditions générales de vente (CGV) disponibles sur son site internet prévoient expressément que les franchisés sont responsables de ventes conclues avec des tiers, dans leur établissement et en ligne, sans solidarité avec le franchiseur. Il faudrait donc appliquer ces CGV. 

La Cour de cassation balaie très simplement ces arguments, à l’aide d’une application assez souple du code de la consommation. Ce qui importe, selon elle, est que le tribunal de première instance ait observé que la commande avait été passée sur le site internet du franchiseur, et que celui-ci n’avait pas respecté le droit de rétractation, ni ses propres CGV. Ces seules constatations lui permettent de considérer que le tribunal en avait valablement déduit la responsabilité solidaire du franchiseur et du franchisé. 

Quels enseignements pour les réseaux de franchise et les rédacteurs de CGV ? 

Cette décision est très interessante. Elle permet de comprendre que le franchiseur, qui met en place un site internet permettant aux consommateurs d’acquérir des produits distribués ensuite dans le réseau et livrés chez les franchisés, doit respecter le droit de rétractation offert au consommateur. 

Certes, il n’est pas vendeur, dans cette opération, mais seulement un intermédiaire. Pour autant, il semble bien être considéré par les juges comme le « professionnel » visé par le code de la consommation qui doit respecter et mettre en place le droit de rétractation. Cette analyse est protectrice des intérêts du consommateur qui se trouve, dans cette configuration, face à deux « professionnels » redevables solidairement du droit de rétractation. Ainsi, il n’a pas à chercher lequel des membres du réseau de franchise doit le rembourser et à qui il doit retourner le produit : le franchiseur, comme le franchisé qui fait office de point de retrait, doivent accueillir sa demande. 

En définitive, les conditions générales de vente publiées sur le site du franchiseur ne peuvent pas aménager cette règle impérative, quand bien même celui-ci ne serait qu’un intermédiaire dans la conclusion d’un contrat à distance.

La rédaction de CGV dans le cadre d’une activité de e-commerce peut être un exercice assez délicat. N’hésitez pas à solliciter les conseils d’un avocat qui pourra identifier les difficultés juridiques dans votre projet et vous aider à les résoudre. Contactez-nous !