Il résulte des dispositions de l’article L.1142-1 I du Code de Santé Publique que :

« I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ».

 

Il est admis qu’un suicide ou une tentative d’autolyse engage la responsabilité d’un établissement de santé en cas de défaillance dans la surveillance du patient, dans la mise en place d’un traitement médicamenteux, ou encore en cas de manquement dans l’organisation du service.

Aussi, appartient-il à l’équipe médicale de prescrire les mesures de soins et de surveillance appropriés à l’état du patient.

 

En jurisprudence, il est admis que :

 

« Pour établir l'existence d'une faute dans l'organisation du service hospitalier au titre du défaut de surveillance d'un patient atteint d'une pathologie psychiatrique, le juge doit notamment tenir compte, lorsque l'état de santé de ce patient fait courir le risque qu'il commette un acte agressif à son égard ou à l'égard d'autrui, non seulement de la pathologie en cause et du caractère effectivement prévisible d'un tel passage à l'acte, mais également du régime d'hospitalisation, libre ou sous contrainte, ainsi que des mesures que devait prendre le service, compte tenu de ses caractéristiques et des moyens dont il disposait ».[1] .

 

 

Aussi, le Conseil d’État a-t-il pu juger que :

 

 

« Considérant que, compte tenu des circonstances de son hospitalisation et de la parfaite connaissance qu'avaient les médecins des risques que comportait son état mental, le fait que Mlle Maggie Gourdain ait pu échapper à la vigilance du service où elle était hospitalisée et ait pu mettre fin à ses jours révèle une défaillance dans la surveillance et une faute dans l'organisation du service ; que cette faute est directement à l'origine de l'accident qui a entraîné la mort de Mlle Gourdain ; qu'elle est de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier ».[2]

 

Mais encore que :

 

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que les tendances suicidaires de Mme M., traitée depuis plusieurs années dans l’établissement, étaient connues du personnel soignant, et que Mme M. avait fait une première tentative de suicide quelques minutes après son arrivée dans ce service ; que, dans ces circonstances et bien qu’elle ait subi, une heure environ avant l’accident de fortes injections de calmant, le fait qu’elle ait été laissée dans surveillance dans une chambre dépourvue de tout système de fermeture et qu’elle ait pu se jeter dans la cage d’escalier par une porte de service qui devait normalement rester ouverte pour des raisons de sécurité, relève d’un défaut d’organisation du service de nature à engager la responsabilité de l’établissement »[3].

 

De la même manière, la Cour Administrative d’Appel de Marseille a-t-elle pu retenir que :

 

« Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Pascal D a été admis le 11 janvier 2000 au sein de l'unité d'urgence psychiatrique d'Hyères sur prescription de son médecin psychiatre en raison d'un épisode dépressif sévère accompagné de tendances suicidaires nécessitant une prise en charge avec des rondes fréquentes et un hébergement en chambre double ; que le lendemain de son admission, M. D a tenté de mettre fin à ses jours ; qu'après cette tentative de suicide, le médecin psychiatre a modifié son traitement en vue de réduire l'impulsivité suicidaire et lui ont été retirés le coupe ongle ainsi que la ceinture de son pantalon ; que les examens pratiqués lors de son admission le 11 janvier et le lendemain de son admission, le 12 janvier soit la veille de son geste fatal, avaient confirmé, chez M. D, l'existence d'un état dépressif et d'idées de culpabilité ainsi que la nécessité d'une surveillance particulièrement attentive ; que tant la fiche du suivi infirmier du 11 janvier 2000 que la fiche observation clinique du dossier médical du 12 janvier 2000 de M. D font apparaître les mentions " A surveiller ++ " et " A surveiller +++ " ; que, faute de conclure, dans les deux jours qui ont suivi son admission, à une amélioration notable et durable de l'état du malade, celui-ci appelait des mesures particulières de surveillance destinées à empêcher toute nouvelle tentative de suicide ; que, dans ces circonstances, et quelque soit le motif du déplacement de son voisin de chambre, le fait d'avoir, d'une part, laissé à la disposition de M. D son sac de sport pourvu d'une sangle dans une chambre elle-même pourvue d'une barre de rideau et, d'autre part, laissé seul M. D à partir de 10 heures 30 sans mise en place de mesures de vigilance et de surveillance spécifiques alors que son état psychique pouvait laisser présager au vu des éléments sus-décrits un passage à l'acte, révèlent une faute dans le fonctionnement du service public hospitalier ; que, par suite, les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont écarté la responsabilité du centre hospitalier Henri Guérin à Pierrefeu ».[4]

 


[1] CE 29 septembre 2021 n°432627

[2] CE 9 mars 2009 n°303983

[3] CA 27 février 1985 n°39069 48793

[4] CAA Marseille 12 mars 2012 n°09MA03160