Le Décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, entré en vigueur le 1er août 2016, est venu modifier profondément la procédure d'appel en matière prud'homale.

Ainsi, d'une procédure souple sans représentation obligatoire, gouvernée par le principe de l'oralité, nous sommes passés à une procédure d'appel écrite, avec représentation obligatoire (article R.1461-2 du Code du travail).

Ce bouleversement procédural s'est alors nécessairement accompagné d'une multitude de questions, qui s'expliquaient d'autant plus que le Décret du 20 mai 2016 n'a pas fait que soumettre l'appel prud'homal aux règles de droit commun de l'appel : le texte a par ailleurs prévu des dérogations, compliquant ainsi l'interprétation et l'application dans les faits, des nouvelles règles posées.

Postulation? Pas de postulation? Droits à régler? Ou non? Communication des actes par voie électronique? Ou pas? Autant de questionnements, sur lesquels l'on peut malheureusement lire une chose puis son contraire.

En application du Décret du 20 mai 2016 donc, la représentation devient obligatoire devant la Chambre sociale de la Cour d'appel.

Cela étant, l'avocat n'a pas le monopole de cette représentation obligatoire puisque, de façon surprenante et dérogatoire à la procédure commune de l'appel, les termes du Décret prévoient que la partie peut être représentée soit par un avocat, soit par un défenseur syndical (article R. 1461-1 du Code du travail, renvoyant à l'article R.1453-2) ..., doté dans ce cas d'un pouvoir spécial.

Sur ce point, le Décret n° 2016-975 du 18 juillet 2016 précise les modalités d'établissement des listes, l'exercice et la formation des défenseurs syndicaux intervenant ainsi en matière prud'homale.

Cette dérogation n'est toutefois pas sans poser quelques soucis pratiques quand l'on sait que les avocats procèdent par exemple désormais par la voie électronique en matière d'appel, pour la signification de leurs actes.

Le Décret prévoit alors à ce sujet, créant une rupture d'égalité entre les avocats et les défenseurs syndicaux, que ces derniers ne sont pas soumis à l'obligation de remettre les actes de la procédure par voie électronique au Greffe de la juridiction d'appel.

Ce principe dérogatoire a été retranscrit aux termes d'un nouvel article 930-2 du Code de procédure civile (lequel d'ailleurs ne parle que de la déclaration d'appel, mais s'applique naturellement à tout acte de la procédure de second degré).

Mais quid alors des obligations de l'avocat ayant pour contradicteur un défenseur syndical ?

Doit il alors revenir, à l'égard de celui-ci, à la "bonne vieille" procédure des huissiers de justice, avec l'obligation ensuite de retransmettre ses actes par la voie du RPVA pour se conformer strictement aux dispositions des articles 908 à 910 du Code de procédure civile?

L'avocat qui intervient devant la Cour d'appel du ressort dans lequel il est établi doit avoir recours à la voie électronique dans les conditions fixées par l'[article 930-1 du Code de procédure civile, mais lorsqu'il a pour contradicteur un défenseur syndical, le recours à la voie électronique ne concerne dans ce cas que les actes de procédure remis à la juridiction.

S'est posée également la question de la postulation suite à l'entrée en vigueur du Décret du 20 mai 2016 : la représentation étant désormais obligatoire devant la Chambre sociale de la Cour d'appel, les avocats ont-ils l'obligation de recourir à la postulation lorsque la juridiction ne relève pas du ressort géographique de son Barreau d'appartenance ?

La transposition des principes communs de la procédure d'appel à la matière prud'homale conduirait à appliquer la postulation.

Pourtant, le Ministère de la Justice est venu préciser que le régime de la postulation territoriale n'était pas applicable devant les Cours d'appel statuant en matière prud'homale dans la mesure où il échappe au monopole général d'assistance et de représentation par avocat puisque "le défenseur syndical peut exercer des fonctions d'assistance ou de représentation devant les Conseils de Prud'hommes et les Cours d'appel en matière prud'homale".

Ainsi, selon le Ministère, le Décret du 20 mai 2016 ayant instauré "une procédure spécifique de représentation obligatoire propre à la matière prud'homale", "la représentation devant la Cour d'appel statuant en matière prud'homale demeure ouverte, à partir du 1er août prochain, à tout avocat, sans postulation" (Dépêche ministérielle du 27 juillet 2016).

Toutefois, dans les faits, les choses ne sont pas si simples, et se sont posées nécessairement des questions d'ordre pratique ... En effet, la procédure d'appel en matière prud'homale, puisqu'elle est désormais soumise aux règles posées par les articles 900 à 930 du Code de procédure civile, impose donc aux avocats (et seulement aux avocats, tel que précisé supra), de se constituer puis d'échanger leurs écritures par voie électronique via le RPVA.

Or, un avocat ne peut communiquer via le réseau RPVA qu'auprès de la Cour dont dépend son barreau (hors l'exception des barreaux limitrophes à celui de Paris).

Aussi, même si le Ministère déclare que les règles de la postulation n'ont pas vocation à s'appliquer en matière prud'homale, il n'en demeure pas moins que l'avocat dont le cabinet n'est pas situé dans le ressort de la juridiction devant laquelle se présente son affaire ne pourra ni se constituer ni échanger ses écritures avec ses Confrères, sauf ... à recourir aux services d'un Confrère postulant.

Que doit faire alors l'avocat? Comment doit-il procéder?

Le Ministère là encore est venu préciser que l'avocat qui interviendra devant une Cour d'appel autre que celle du ressort dans lequel est établi son domicile professionnel devra alors, en l'état des paramétrages du RPVA, faire appel au dispositif prévu à l'article 930-1 alinéa 2 du Code de procédure civile : "Lorsqu'un  acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, ils est établi sur support papier et remis au Greffe".

Le Décret du 20 mai 2016 fait donc renaître de leurs cendres les transmissions et significations par voie papier...

Le Conseil national des barreaux a toutefois engagé des discussions sur ce point avec le Ministère de la justice afin de dégager les solutions techniques qui pourraient permettre à terme d'ouvrir la communication électronique au niveau national pour l'accomplissement des actes de procédure devant l'ensemble des chambres sociales des Cours d'appel.

Enfin, quid du règlement du timbre de 225 euros?

L'on sait que le droit commun de l'appel fait en effet obligation à l'appelant comme à l'intimé de régler un droit de 225 euros (article 1635 bis P du Code générale des impôts - taxe due sous peine d'irrecevabilité d'office de l'appel ou de la défense, article 963 du Code de procédure civile).

La représentation en matière prud'homale étant désormais obligatoire devant la Chambre sociale de la Cour d'appel, ce droit est-il dû par les Parties?

Le Ministère de la justice est venu préciser ce point, en indiquant que dans la mesure où, en application des nouvelles règles procédurales en matière d'appel prud'homal, le justiciable peut être représenté par un défenseur syndical, l'article 1635 bis P n'a pas vocation à s'appliquer aux Parties à l'instance d'appel devant la Chambre sociale.

En conclusion, les grands principes à retenir de cette nouvelle procédure d'appel devant la Chambre sociale de la Cour d'appel sont :

  • représentation obligatoire (par un avocat ou un défenseur syndical,
  • pas de postulation nécessaire,
  • retour à la communication sur support papier à l'égard du défenseur syndical et lorsque l'avocat intervient devant une Cour qui n'est pas celle de son ressort,
  • pas de droit de timbre.

 

Des avancées sur ces différents sujets pointeront sûrement et il s'agit donc pour notre profession d'être vigilante sur l'évolution de ces différents aspects procéduraux.