L’essor des locations de courte durée à des fins touristiques, notamment via la Plateforme en ligne Airbnb, a fait croître les nuisances de voisinages, encore plus au sein des grandes villes comme Paris, Lyon ou Marseille.
Vous êtes copropriétaire au sein d’une résidence dans laquelle sont loués des appartements en Airbnb et les nuisances en découlant ne deviennent plus supportables ? Vous ne savez pas quoi faire ?

La Cour d’appel de Paris a récemment rendu une décision dans une affaire concernant précisément les nuisances découlant de la mise en location saisonnière d’appartements via la plateforme de location Airbnb, au sein d’une copropriété située dans le 8ème arrondissement de Paris (CA Paris, Pôle 1 - Chambre 8, 11 février 2022, n° 21/10676).

En l’espèce, c’est le Syndicat des copropriétaires qui a agi en justice, les nuisances étant subies collectivement par l’ensemble des copropriétaires, alors que les propriétaires des appartements loués avaient été mis en demeure d’avoir à faire cesser ces agissements en vain.

L’immeuble était soumis au régime de la copropriété depuis 1955.

Par acte du 3 janvier 2018, deux sociétés avaient acquis plusieurs lots au sein de la copropriété, dont certains d’entre eux ont été donnés à la location saisonnière via la Plateforme Airbnb, où ces sociétés y exerçaient donc une activité de location meublée touristique.

Ne supportant plus les nuisances diurnes et nocturnes liées à cette activité, le Syndicat des copropriétaires a assigné en référé (donc en urgence) les deux sociétés en question aux fins de voir ordonner la cessation de toute activité de location saisonnière et activité para-hôtelière sous astreinte de 1 500 euros.

Aux termes d’une ordonnance du 12 mai 2021, le Juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris a ordonné aux sociétés défenderesses de cesser pour une durée de 16 mois leurs activités de location saisonnière, exploitation para-hôtelière, prestations d’hébergement fournies dans des conditions proches de l’hôtellerie, prestations d’hébergement para hôtelière au sein des lots litigieux, le tout sous astreinte de 700 euros par jour et par infraction constatée par voie d’huissier de justice désigné selon le libre choix du Syndicat des copropriétaires, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision.

Le Juge a par ailleurs condamné les sociétés défenderesses aux entiers dépens ainsi qu’à verser au Syndicat des copropriétaires une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Ce jugement s’il paraît efficace et ferme de prime abord, ne semble toutefois pas pouvoir l’être en réalité plus de ... 16 mois à compter de l’arrêt de la mise en location. Quid après ?

La solution était-elle alors réellement adaptée et surtout pérenne ?

Toujours est-il que les sociétés défenderesses ont interjeté appel de cette décision, demandant devant la Cour d’appel, le débouté du Syndicat des copropriétaires de l’ensemble de ses demandes.

Notamment, les sociétés appelantes indiquaient que le règlement de copropriété ne contenait pas de clause de destination globale expresse empêchant une mise en location saisonnière des lots, et qu’au contraire, la destination de l’immeuble était mixte, mêlant commerces, bureaux et habitations et que le Juge des référés, en ayant jugé ainsi, avait donc statué ultra petita, c’est-à-dire sur une prétention qui ne lui était pas soumise : il avait ordonné la cession de l’activité alors même qu’il avait dans le même temps constaté que l’activité était conforme au règlement de copropriété, sanction (la cessation d’activité durant 16 mois) qui en outre ne lui avait pas été demandée par le Syndicat des copropriétaires.

Les sociétés appelantes concluaient que le Juge des référés avait dénaturé les termes pourtant clairs et précis du règlement de copropriété, avait procédé à une interprétation qu’il ne lui appartenait pas de faire, et avait prononcé une sanction disproportionnée leur interdisant toute activité alors qu’elle était conforme tant à la règlementation applicable qu’à la destination de l’immeuble.

D’accord. Mais si les termes du règlement de copropriété ne permettent pas de déclarer non conforme à la destination de l’immeuble la mise en location saisonnière des lots, les copropriétaires de la résidence devaient-ils pour autant subir les préjudices liés aux nuisances des locataires répétés ?

Non.

De son côté par ailleurs, le Syndicat des copropriétaires continuait d’affirmer quant à lui que les lots appartenant aux deux sociétés appelantes étaient à usage de bureaux et que leur mise en location meublée de courte durée à répétition occasionnaient de graves nuisances aux autres résidents de l’immeuble, tel qu’il résultait des attestations versées aux débats.

Le Syndicat des copropriétaires a encore souligné que le changement d’affectation d’un lot au regard de ce que prévoit le règlement de copropriété, est conditionné à l’autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires, ce qui n’avait pas été demandé et donc encore moins obtenu en l’espèce.

La Cour, après avoir étudié le règlement de copropriété qui lui a été soumis, a jugé qu’il résultait des termes de celui-ci que la destination de l’immeuble était bien mixte, mêlant habitation, profession libérale et commerce.

La Cour a également relevé que le règlement de copropriété n’interdit pas les locations meublées touristiques, à condition que celles-ci soient effectuées par lots entiers, ce qui est bien le cas en l’espèce.

Elle en a déduit ainsi que le règlement de copropriété n’empêchait donc pas tout changement d’affectation et qu’il ne saurait être déduit avec évidence, tel que requis en matière de référé (le juge des référés étant juge de l’évidence), que la location des lieux pour de courtes durées à des fins touristiques constituerait de facto un trouble manifestement illicite de ce seul chef.

Mais l’activité exercée au sein des locaux au regard de la destination de l’immeuble est une chose.

Les nuisances que cette activité peut créer en sont une autre.

Si l’activité de location de courte durée ne semble pouvoir être purement et simplement proscrite, il reste que celle-ci ne doit pas occasionner de nuisances anormales au quotidien à l’égard des autres copropriétaires.

La Cour rappelle alors que conformément aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, chaque propriétaire doit user et jouir librement des parties privatives (et communes d’ailleurs) sous la condition naturellement, de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.

Le règlement de copropriété rappelait également lui-même que l’occupation par chacune des copropriétaires de ses locaux ne doit pas nuire aux propriétaires des autres lots ni être gênantes notamment pour les autres copropriétaires entre autres par le bruit de la réception de nombreux clients.

En l’espèce, les différents copropriétaires de l’immeuble se plaignaient de bruits diurnes et nocturnes, de jets de déchets dans la cour, de dégradations des parties communes, notamment dans la cour et dans l’ascenseur, soulignant que la police étaient ainsi intervenue à 7 reprises et qu’une pétition avait été signée par 12 résidents de l’immeuble en juin 2020 pour protester contre les manquements récurrents des locataires des lots litigieux.

Etaient notamment versés aux débats à l’appui de ces griefs, des mains courantes déposées par la gardienne de l’immeuble, se plaignant de bruits connus, de jets d’urine dans le local poubelle, et de déchets dans la cour commune, émanant des locataires des locaux loués, des attestations des locataires de l’immeuble indiquant que le tapage nocturne récurrent émanant des locataires en meublé touristique en raison de fêtes qui y sont données, est extrêmement gênant et les empêchait de dormir, des courriers de plaintes de copropriétaires, des photographies de déchets dans les parties communes et d’urine dans le local poubelles ...

Au vu de l’ensemble de ces pièces, la Cour a bien compris ainsi que, même si la location en meublé touristique n’était pas en soi prohibée au sein de la copropriété, au vu des textes et des termes du règlement de copropriété, il n’en demeurait pas moins que les nuisances, notamment sonores, mais pas seulement, en découlant excédaient pour leur part très largement les inconvénients dits "normaux" de voisinage. La Cour a souligné par ailleurs qu’il revenait alors aux sociétés appelantes de s’assurer que les occupants de leurs appartements les occupent de manière paisible et en conformité avec les stipulations du règlement de copropriété.

Aussi, après avoir considéré que la cessation sous astreinte de l’activité de meublés exploitée dans leurs lots par les sociétés appelantes, décidée par le premier juge, était une sanction excessive et disproportionnée par rapport aux troubles anormaux de voisinage subis par les copropriétaires, la Cour a toutefois ordonné aux sociétés de faire cesser l’ensemble des troubles et nuisances sonores engendrées sous astreinte de 1 500 euros par jour, par lot et par infraction constatée par voie d’huissier ou par les services de police, outre une condamnation de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile au profit du Syndicat des copropriétaires.

De quoi, a priori, faire taire une bonne fois pour toutes les fêtards de passage ...