Dans un jugement définitif du 30 juin 2025, le Conseil de prud’hommes de Paris (section encadrement chambre 2) juge que la prise d’acte d’une journaliste pigiste rédactrice en chef adjoint produit les effets d’un licenciement sans cause.

Le Conseil de prud’hommes rejette la demande de CNEWS de renvoi de l’affaire en bureau de conciliation car la prise d’acte justifie que l’affaire soit entendue en bureau de jugement.

Le Conseil de prud’hommes de Paris juge qu'en application de l'article L 1242-12 du Code du travail, la relation liant Mme. X à la SESI est un contrat à durée indéterminée à effet du Ier novembre 2016 jusqu'au 6 février 2025.

Enfin, le Conseil de prud’hommes juge que la prise d’acte de la journaliste produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision est définitive, les parties n’ayant pas interjeté appel du jugement.

1) FAITS CONSTANTS

Mme. X est journaliste professionnelle et a exercé des piges de manière discontinue au bénéfice de la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION D'UN SERVICE D'INFORMATION (SESI), filiale du groupe CANAL +, exploitant la chaîne CNEWS autrefois dénommée ITélé, du 1 er novembre 2016 au Ier mai 2024.

Un contrat était rédigé pour chaque pige. La rémunération brute de la pige au moment des faits était de 236,67 euros.

La convention collective applicable est celle des journalistes professionnels (IDCC 1480).

Le 6 février 2025, Mme. X notifie à son employeur la prise d'acte de la relation contractuelle en raison des fautes commises par celui-ci,

2) MOTIVATIONS ET JUGEMENT DU CONSEIL 

Dans un jugement du 30 juin 2025, le Conseil de prud’hommes de Paris, après en avoir délibéré, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort :

DIT que le contrat liant la SNC SOCIETE D'EXPLOITATION D'UN SERVICE D 'INFORMATION à MME.B est un contrat à durée indéterminée.

DIT que la demande de reconnaissance de la prise d'acte aux torts de l'employeur est recevable en bureau de jugement direct.

DIT que la prise d'acte de MME.B est aux torts de l'employeur.

FIXE le salaire de MME.B à la somme de 727,22 euros bruts.

CONDAMNE la SNC SOCIETE D'EXPLOITATION D'UN SERVICE D'INFORMATION à verser à MME.B les sommes suivantes :

 

  • 6763, 14 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 01/05/24 au 06/02/25 - 676,31 euros au titre des congés payés afférents
  • 2094,39 euros à titre de rappel de salaire sur la prime d'ancienneté
  • 1454,44 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
  • 145,44 euros au titre des congés payés afférents
  • 6014,11 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

 

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement.

RAPPELLE qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du Code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 727,22 euros bruts.

  • 2900 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre de la prise d'acte avec pour effet un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.

  • 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

ORDONNE la remise par la SNC SOCIETE D'EXPLOITATION D'UN SERVICE D'INFORMATION à MME.X d'une attestation France Travail et un solde de tout compte intégrant le présent jugement.

DÉBOUTE MME.B du surplus de ses demandes.

DÉBOUTE la SNC SOCIETE D'EXPLOITATION D'IN SERVICE D'INFORMATION de se demandes reconventionnelles.

CONDAMNE la SNC SOCIETE D'EXPLOITATION D'UN SERVICE D'INFORMATION aux dépens.

Vu les articles suivants du Code de Procédure Civile :

Article 5 : "Le Juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. "

Article 6 : "A l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder. tt

Article 9 : "Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. "

Article 472 : "Le Juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. "

Article 12 : "Le Juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes illégaux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat. "

Vu l'article 5 du Code civil : " Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. "

2.1) Sur la demande in limine litis de la SESI de renvoi de l'affaire en bureau de conciliation

a) En droit

Vu l'article L 1451-1 du Code du travail : " Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l'affaire est directement portée devant lé bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.

Vu l'article L 1245-2 du Code du travail : " Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.

b) En l'espèce

Mme. X demande à ce que sa relation contractuelle avec la SESI soit reconnue comme un contrat de travail à durée indéterminée.

Dans les attestations Pôle Emploi / France Travail, l'employeur a mentionné la fin de contrat à durée déterminée comme motif de rupture.

Il s'en suit que l'employeur considérait les contrats de pige comme des contrats à durée déterminée et que Mme. X réclame bien leur requalification en contrat à durée indéterminée.

En outre, elle demande au Conseil la qualification de la rupture du contrat de travail à son initiative en raison de manquements qu’elle estime graves et qu'elle reproche à son employeur.

Le Conseil juge qu'il n'y a pas lieu, en application des articles L 1451-1 et L 1245-2 du Code du travail précités de renvoyer l'affaire devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation et que l'affaire peut être plaidée, entendue et jugée dans toutes ses demandes devant le présent Bureau de Jugement.

En conséquence

Le Conseil déboute la SESI de sa demande de renvoi de l'affaire devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation.

2.2) Sur la demande de constatation d'emploi de manière régulière et continue en contrat à durée indéterminée du 1er novembre 2016 jusqu'au 6 février 2025

2.2.1) En droit

a) Sur la présomption de salariat applicable aux pigistes réguliers

 

Vu l'article 7111-3 du Code du travail : Est Journaliste Professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Le correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger % est un journaliste professionnel s 'il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa.

Vu l'article 7112-1 du Code du travail : " Toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumé être un contrat de travail.

Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties. "

Sur la qualification du contrat

 

Vu l'article L 1242-1 du Code du travail : " Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Vu l'article L 1242-2 du Code du travail " Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :  

1°Remplacement d'un salarié en cas

  1. D'absence ;
  2. De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;
  3. De suspension de son contrat de travail ;
  4. De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s'il existe ,
  5. D'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

3°Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l'employeur ,

Vu l'article D 1242-1 du Code du travail " En application du 3 0 de l'article L. 1242-2, les secteurs d'activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants :

…/…

8°L'information, les activités d'enquête et de sondage

…/…

Vu l'article L 1242-12 du Code du travail " Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Il comporte notamment :

1°Le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu au titre des

1°, 4° et 5° de l'article L. 1242-2

2°La date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu 'il comporte un terme précis

3°La durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu'il ne comporte pas de terme précis

4°La désignation du poste de travail en précisant, le cas échéant, si celui-ci figure sur la liste des postes de travail présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés prévue à l'article L. 4154-2, la désignation de l'emploi occupé ou, lorsque le contrat est conclu pour assurer un complément de formation professionnelle au salarié au titre du 2° de l'article L. 1242-3, la désignation de la nature des activités auxquelles participe le salarié dans l'entreprise ;

5°L'intitulé de la convention collective applicable ;

6°La durée de la période d'essai éventuellement prévue ;

7°Le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris les primes et accessoires de salaire s'il en existe ;

8°Le nom et l'adresse de la caisse de retraite complémentaire ainsi que, le cas échéant, ceux de l'organisme de prévoyance.

2.2.2) En l'espèce

Mme. X est titulaire de la carte de presse.

Pour chaque mois dans lequel des piges étaient effectuées, Mme. X recevait un bulletin de paie de salariée et à chaque fin de période d'exécution, une attestation Pôle Emploi / France Travail lui était remise faisant apparaître sans ambiguïté sa qualité de salariée et le motif de rupture 'f fin de CDD t'.

Il en résulte que pour l'employeur, Mme. X avait bien la qualité de salariée durant l'exécution des piges, appliquant ainsi la présomption simple mentionnée à l'article L 7112-1 du Code du travail.

L'employeur réfute la présomption en arguant que Mme. X n'a ni activité régulière au sein de la SESI ni qu'elle tire de la SESI le principal de ses ressources.

Le Conseil, à la lecture de l'article L 71 1 1-3 du Code du travail, dit que si le cumul de l'activité régulière au sein d'une même société et le principal des ressources tiré de cette société est une condition suffisante pour reconnaître la qualité de salarié, ce cumul n'est en revanche pas une condition nécessaire, l'activité régulière et le principal des ressources pouvant relever de plusieurs sociétés,

Or par le profil " Linkedln " de Mme. X versé au dossier par l'employeur, il apparaît que cette dernière travaille pour France Télévisions depuis 2020, M6 depuis avril 2018, La Revue W depuis janvier 2019, RTL depuis février 2024. Pour le Conseil, il n'y a aucun doute que Mme. X exerce de manière régulière en en tirant l'essentiel de ses revenus de la profession de journaliste pigiste.

Au surplus, Mme. X a effectué sa première pige pour la SESI en novembre 2016.Elle a effectué 20 piges en 2016, 84 en 2017, 81 en 2018, 89 en 2019, 52 en 2020, 83 en 2021, 44 en 2022, 37 en 2023, de sorte qu'il est établi que la SESI a eu régulièrement recours à ses services.

Le Conseil dit que la présomption visée à l'article L 7112-1 du Code du travail ne peut être réfutée.

L'employeur fait valoir que Mme. X n'avait aucun lien de subordination. Le Conseil constate qu'elle devait remplir sa mission à des heures et journées précises, qu'il n'est pas concevable que son travail ne soit soumis à aucun contrôle ou accord avant diffusion des émissions par la chaîne, quand bien même elle avait les fonctions de Directrice de Rédaction qu'elle participait à des conférences de rédaction. Le Conseil dit que cet argument est inopérant.

Il résulte du 3° de l'article L 1242-2 du Code du travail et du 8° de l'article D 1242-1 du même code, que la SESI peut recourir à des contrats de travail à durée déterminée dits d'usage.

Les contrats versés au dossier mentionnent en en-tête "contrat de pige".

L'objet du contrat est libellé comme suit "Au nom et pour le compte de la société SESI, je vous propose de participer la production mentionnée ci-dessus selon les conditions particulières ci-dessous et les conditions générales figurant au verso du présent exemplaire."

Ni le contrat lui-même ni les " conditions générales d'engagement des journalistes pigistes ponctuels" ne mentionnent le motif de recours au contrat à durée déterminée, que ce soit le remplacement d'un salarié absent, accroissement temporaire d'activité ou le contrat à durée déterminée d'usage, les autres motifs de recours ne pouvant s'appliquer à l'espèce.

Le Conseil dit que le contrat ne respecte pas les dispositions de l'article L 1242-12 du Code du travail en ce qu'il ne précise pas l'un des motifs de recours visés à l'article L 1242-2 du Code du travail.

Lors des débats, l'employeur a prétendu qu'il était nécessaire de remplacer des journalistes absents (maladie, congés…), mais le Conseil constate que le motif de recours " remplacement d'un salarié absent " ainsi que les noms du ou des salariés remplacés ne sont pas mentionnés sur le contrat. De même, le motif du contrat d'usage qui aurait pu être invoqué n'est pas mentionné.

Il ne peut s'agir non plus d'accroissement temporaire d'activité, puisqu'il s'agit de produire des émissions incluses dans les temps d'antenne qui sont globalement constants.

En conséquence

Le Conseil juge qu'en application de l'article L 1242-12 du Code du travail, la relation liant Mme. X à la SESI est un contrat à durée indéterminée à effet du Ier novembre 2016 jusqu'au 6 février 2025.

2.3) Sur la demande de juger gue la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du 6 février de Mme X aux torts exclusifs de la société SESI est justifiée et produit les effets d'un licenciement nu subsidiairement sans cas réelle et sérieuse et la demande de dommages et intérêts à tir principal pour licenciement nul et à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

a) En droit

Vu l'article 1224 du Code civil : " La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice ".

Vu l'article 1226 du Code civil : " Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. "

La loi ne prévoit pas de conditions particulières à la prise d'acte de rupture d'un contrat de travail.

Tout salarié en CDI peut prendre acte de la rupture du contrat de travail s'il reproche à l'employeur des manquements graves à ses obligations contractuelles de nature à empêcher la poursuite immédiate du contrat de travail, tels que le non-paiement du salaire (prime, heures supplémentaires), le harcèlement ou la discrimination.

La prise d'acte est possible à tout moment, sauf durant la période d'essai. Elle prend effet à la date à laquelle le salarié en a pris acte.

Si le juge dit que les manquements reprochés par le salarié sont graves et empêchent la poursuite du contrat de travail, il qualifiera la prise d'acte aux torts de l'employeur avec les effets suivant l'espèce d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

Quand les manquements reprochés à son employeur par le salarié ne sont pas établis ou pas de nature à justifier la prise d'acte, car non suffisamment graves, celle-ci produit les effets d'une démission du salarié.

En cas de doute sur la réalité des faits invoqués par le salarié, la rupture s'analyse en une démission.

Sur le harcèlement moral et institutionnel

Vu l'article LI 152-1 du Code du travail : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. "

Vu l'article L I154-1 du Code du travail : " Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L II52-1 à L II52-3 et L II53-1 à L I153-4, le candidat à l'emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ".

Suivant la décision 1102001-455 DC S 89 du 12 janvier 2002 du Conseil Constitutionnel :

" Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse instaurées, ne sauraient dispenser celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle la décision prise à son égard constituerait une discrimination... ou procèderait d'un harcèlement moral ou sexuel au travail"

Qu'ainsi la partie défenderesse sera mise en mesure de s'expliquer sur les agissements qui lui sont reprochés et de prouver que sa décision est motivée ... par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement...

Vu l'article LI 152-3 du Code du travail. Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles LII 52-1 et LI 152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul. "

b)En l'espèce

Comme le Conseil en a jugé, Mme. X était salariée en contrat à durée indéterminée ce qui lui ouvre le droit à une prise d'acte de la rupture.

Mme. X estime que l'employeur a commis à son égard les manquements graves suivants :

  • harcèlement moral et institutionnel
  • réduction du nombre de piges puis absence totale de fourniture de travail
  • non-paiement d'heures complémentaires et travail dissimulé
  • exécution de mauvaise foi du contrat de travail

 

Mme. X invoque un harcèlement moral institutionnel. Ce harcèlement moral institutionnel n'est pas défini par le Code du travail ou un autre code de droit civil. Si ce harcèlement existait, il ne dispense pas Mme. X d'apporter des éléments sur les faits qu'elle a personnellement subis au soutien de sa prétention de voir juger sa prise d'acte aux torts de l'employeur avec les effets d'un licenciement nul. Mme. X dénonce les agissements répétés de harcèlement moral à son encontre et à celle des autres pigistes suivants :

  • une charge de travail excessive caractérisée par la coordination de multiples équipes en interne et en externe, gestion d'urgences et d'événements imprévus
  • stress et pression continue : responsabilités critiques pour garantir la qualité et la fiabilité de l'information diffusée en direct
  • défaut de soutien ou de moyens, difficultés à gérer l'ensemble des responsabilités sans assistance suffisante ou avec des moyens limités -absence de pauses
  • sous-effectif chronique obligeant les journalistes à assumer un volume de travail anormalement élevé -comportement violents et dénigrants de M. T et Mme C.

 

Sur la charge excessive caractérisée par la coordination de multiples équipes en interne et en externe, gestion d'urgences et d'événements imprévus, le Conseil estime que cela est inhérent aux fonctions de la salariée de même que sur le stress et la pression continue dont allègue la salariée, le Conseil estime qu'il est normal que Mme. X soit exposée à des responsabilités critiques pour garantir la qualité et la fiabilité des émissions.

Sur le défaut de soutien ou de moyens, Mme. X ne fournit aucun élément propre à le démontrer. L'absence de pauses n'est pas démontrée non plus.

Sur le sous-effectif chronique, il s'agit d'une simple allégation de Mme. X sans aucune démonstration.

Les comportements violents et dénigrants de M. B et Mme C sont des faits pouvant laisser présumer un harcèlement moral, Pour autant la preuve que prétend apporter Mme. X consiste en un Article de Médiapart relatant les propos d'un pigiste qui dénonce des faits relatés par un journaliste de CNews (anciennement Itélé) sans en apporter aucune preuve, de telle sorte que le Conseil ne peut retenir que ces faits sont constitués.

 

Le fait que Mme. X s'en soit ouverte à M. N, Directeur général ne peut valoir preuve du comportement de M. B et Mme C.

 

Mme. X produit un extrait du Procès-verbal de la réunion du CHSCT du 12 mars 2019 qu'elle dit évoquer un rapport d'enquête sur des faits de harcèlement, mais cet extrait ne dit rien sur les conclusions de l'enquête, sur des faits datant de plus de 5 ans avant la prise d'acte de Mme. X.

Le Conseil constate par ailleurs que cet extrait, comme l'indique l'employeur, fait partie du point VII de l'ordre du jour intitulé " Point à date de la réorganisation Édition et ne concernait pas la restitution d'un rapport d'enquête sur des faits présumés de harcèlement moral.

Il en résulte que le Conseil dit que le harcèlement moral allégué par Mme. X n'est pas constitué et qu'elle sera déboutée de sa demande de qualification de la prise d'acte aux torts de l'employeur avec les effets d'un licenciement nul, les autres manquements invoqués n'entrant pas dans le champ de la nullité de la rupture.

b1) Sur la réduction du nombre de piges puis l'absence de fourniture de travail

Il résulte des pièces versées aux débats que :

  • Les " contrats de pige " produits démontrent clairement que le nombre de piges a diminué significativement sur les 5 premiers mois de l'année 2024, La moyenne annuelle des piges était de 42 pour les années 2022 et 18 piges en moyenne annuelle 2024 calculée sur 4 mois ou 14,4 calculée sur 5 mois. Afin d'éliminer un éventuel phénomène de saisonnalité, le Conseil constate que Mme. X a effectué 27 piges du Ier janvier 2022 au 31 mai 2022 et 22 piges du Ier janvier 2023 au 31 mai 2023 et 6 piges du Ier janvier 2024 au Ier mai 2024. Il y a donc une baisse très significative du nombre de piges en 2024 par rapport aux deux années précédentes. - à compter du Ier mai, Mme. X n'a plus effectué de pige.
  • Elle a sollicité à ce sujet son employeur à plusieurs reprises, les 15 juin 2024, le 8 août 2024, le 6 septembre 2024 et le 30 septembre 2024.
  • Le 7 janvier 2024, Mme. X mettait en demeure la SESI de lui fournir du travail.

 

Cette mise en demeure est restée sans effet puisqu'aucune pige n'a été proposée par le SESI à Mme. X.

L'employeur fait valoir que la prise d'acte de Mme. X le 6 février 2025 est tardive par rapport à la dernière pige du Ier mai 2024. Le Conseil dit que cet argument n'est pas recevable dans le cas d'espèce où la prestation de travail était discontinue et par le fait que Mme. X s'est inquiétée de l'absence de pige le 15 juin 2024, soit un mois et demi après la dernière pige.

Le Conseil dit que si l'employeur n'a pas à proposer un nombre constant de piges d'un exercice à l’autre, il n'est pas contestable qu'il a cessé de fournir du travail à Mme. X à compter du 1er mai 2024. Le manquement de l'employeur à fournir du travail à Mme. X est constitué et il est suffisamment grave pour qualifier la prise d'acte aux torts de l'employeur avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

b2)Sur le non-paiement des heures complémentaires et le travail dissimulé

Mme. X, si elle a fait part à ses supérieurs d'un volume réel de travail sous-estimé, n'a jamais réclamé le paiement d'heures complémentaires, n'a pas mis la SESI en demeure de les lui régler, de sorte qu'elle ne peut alléguer cet éventuel manquement pour justifier une prise d'acte aux torts de I 'employeur. Quant au travail dissimulé, Mme. X n'apporte aucun élément propre à prouver l'intention de l'employeur de ne pas rémunérer les heures complémentaires.

b3)Sur l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur

 

Mme. X allègue de la mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail par la SESI en reprenant les griefs déjà mentionnés. Cela ne relève donc pas d'une faute distincte.

II en résulte que l'employeur a commis un manquement grave à ses obligations en ne fournissant plus de travail à Mme. X depuis le 1er mai 2024, malgré les sollicitations et mise en demeure de cette dernière.
 

En conséquence

Le Conseil juge que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée par Mme. X est intervenue aux torts exclusifs de l'employeur avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2.4) Sur le salaire de référence

a) En droit

Vu l'article R 1234-4 du Code du travail " Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié .

1°Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;

2°Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion. "

 

Si une disposition conventionnelle est plus favorable au salarié que la loi, elle s'applique.

b)En l'espèce

L'article 44 de la convention collective nationale des journalistes stipule : " L 'indemnité de licenciement sera calculée pour les journalistes professionnels employés à plein temps ou temps partiel sur le dernier salaire perçu ou, pour les journalistes salariés ne percevant pas un salaire mensuel régulier, sur la base de 1/12 des salaires perçus au cours des 12 mois précédant le licenciement ou de 1/24 des salaires perçus au cours des 24 derniers mois précédant le licenciement au choix du salarié. Cette somme sera augmentée de 1/12 pour tenir compte du 13e mois conventionnel défini à l'article 25. Lorsque l'ancienneté du journaliste professionnel dans l'entreprise sera inférieure à I an, l'indemnité de licenciement sera calculée sur la moyenne des salaires perçus pendant cette période. "

Cette disposition conventionnelle peut s'avérer plus favorable que la loi, si la moyenne des salaires des 24 derniers mois est plus favorable au salarié que les montants prévus par l'article R 1234-4 du Code du travail, ce qui est le cas en l'espèce.

Mme. X prétend que la période de 24 mois ne doit pas inclure l'année 2024 qui a vu une baisse significative du nombre de piges, La SESI, soutient avec raison que l'employeur n'a pas à garantir un nombre annuel de piges et retient que la période de douze mois doit être prise entre le 1er juin 2023 et le 31 mai 2024 et que la période de 24 mois doit être prise entre le Ier juin 2022 et le 31 mai 2024. Le Conseil dit que la prise d'acte du 6 février 2025 ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le calcul proposé par l'employeur est plus favorable que si celui-ci avait retenu la période de 12 mois du 1er février 2024 au 31 janvier 2025 et la période de 24 mois du Ier février 2023 au 31 janvier 2025, en décomptant à partir de la date de la prise d'acte.

Le Conseil retient le calcul de l'employeur.

En conséquence

Le Conseil fixe le salaire mensuel brut de référence de Mme. X à sept-cent vingt-sept euros et vingt-deux cents (727,22€).

2.5) Sur la demande de rappel de salaires sur la prime d'ancienneté non versée

 

a)En l'espèce

L'article 23 de la CCN des journalistes versé aux débats dispose que : " Les barèmes minima des traitements se trouvent majorés d'une prime d'ancienneté calculée de la façon suivante :

 

Ancienneté dans la profession en qualité de journaliste professionnel.

  • 3 % pour 5 années d'exercice
  • 6 % pour 10 années d'exercice
  • 9 %pour 15 années d'exercice ;
  • I I % pour 20 années d'exercice.

 

Ancienneté dans l'entreprise en qualité de journaliste professionnel.

  • 2 % pour 5 années de présence ;
  • 4 % pour 10 années de présence ;
  • 6 % pour 15 années de présence ;
  • 9 % pour 20 années de présence.

 

Sera considéré comme temps de présence dans l'entreprise, pour le calcul de l'ancienneté, le temps passé dans les différents établissements de l'entreprise

Le Conseil constate que les deux parties établissent leurs calculs non sur un minima conventionnel qui n’a pas été fixé contractuellement, ni mentionné sur les bulletins de paie, mais sur une moyenne -des salaires effectivement perçus pour la période triennale précédant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail et considère en conséquence qu'elles sont d'accord pour ce mode de calcul. De même aucune des deux parties n'établit de calcul différencié au titre de l'ancienneté respective de chacune des trois années.

Compte tenu de l'ancienneté, Mme. X réclame dans ses écritures 6% du salaire moyen au titre de l'ancienneté dans la profession et 2% au titre de l'ancienneté dans la SESI, appliqués à un salaire mensuel moyen de 921,11 G, alors que le Conseil l'a fixé à 727,22 €.

L'employeur soutient que la prime d'ancienneté est déjà incluse avant 2024 dans la rémunération, car ce n'est qu'à partir de 2024 qu'il est devenu obligatoire suite à un accord collectif de mentionner distinctement sur le bulletin de paie. Pour autant il n'en apporte pas de démonstration probante, Il fait en outre valoir qu'il ne faudrait à titre extraordinaire si le Conseil jugeait que cette prime était due, ne la verser que sur les mois travaillés. Le Conseil dit qu'à partir du moment où l'employeur lui-même établit le calcul sur un salaire moyen calculé sur vingt-quatre mois, il pratiquerait un double abattement avec ce mode de calcul en n’accordant la prime d'ancienneté que sur les mois travaillés.

Il en résulte que le Conseil juge que le montant de prime d'ancienneté à verser à Mme. X pour les 36 derniers mois précédant la prise d'acte est de 727,22 euros par mois multipliés par 8% multiplié par 36 mois, soit 2094,39 euros.

En conséquence

Le Conseil condamne la SESI à verser à Mme. X la somme de deux mille quatre-vingt-quatorze euros et trente-neuf cents (2.094,39 €) bruts au titre du rappel de prime d'ancienneté.

2.6) Sur la demande de rappel de salaires entre mai 2024 et février 2025

a) En droit

L'employeur qui de façon fautive ne fournit pas le travail correspondant au salaire fixé contractuellement est tenu de verser ce salaire au salarié.

b)En l'espèce

Le Conseil a établi que l'employeur avait commis un manquement grave qualifiant la prise d'acte de la rupture à ses torts exclusifs avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mme. X doit donc être rémunérée pour la période du 2 mai 2024 au 6 février 2025.

 

Mme. X demande une somme correspondant au salaire mensuel brut de référence qu'elle a calculé à 921.11 € sur la base des 24 mois des années 2022 et 2023 multiplié par les 9.3 mois s'étant écoulée entre sa dernière pige et le 6 février 2025. Le Conseil valide la durée à rémunérer mais a fixé le salaire brut mensuel moyen de référence à 727,22 €.

II en résulte que le Conseil évalue le rappel de salaire à 727,22 € par mois x 9.3 mois soit 6763, 14 € bruts, assorti de 676,31 € bruts de congés payés y afférents.

En conséquence

Le Conseil condamne la SESI à verser à Mme. X les sommes brutes de six mille sept-cent soixante-trois euros et quatorze cents (6763, 14 €) à titre de rappel de salaires entre mai 2024 et février 2025 et de six cent soixante-seize euros et trente-et-un cents (676,13 €) au titre des congés payés y afférents.

2.7) Sur la demande de dommages et intérêts à titre principal pour licenciement nul et à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

a) En droit

Vu l’article L1235-3-1: * L'article L 1235-3 (barème) n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L 1152-3 et L 1153-4

 

Vu l'article L 1235-3 du Code du travail : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

 

Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous."

 

Pour une ancienneté de 8 à 9 ans dans une entreprise d’au moins 11 salariés, l’indemnité est comprise entre 3 et 8 mois de salaire brut de référence.

b) En l’espèce

Le Conseil a jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par Mme. X a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non d'un licenciement nul.

Mme. X réclame au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse l'indemnité maximale prévue à l’article L. 1235-3 précité. Pour autant elle ne démontre pas de préjudice économique ou professionnel de nature à justifier le montant maximal. Le Conseil constate qu'elle exerce toujours la profession de journaliste pigiste dans plusieurs médias comme en témoigne son profil sur le réseau social LinkedIn.

Compte tenu des circonstances et de la faute commise par l'employeur en lui fournissant pas de travail, le Conseil estime le préjudice à la somme de 2900 euros nets soit environ 4 mois de salaire.

En conséquence

Le Conseil condamne la SESI à verser à Mme. X la somme nette de deux mille neuf cents euros (2900,00 €) à titre de dommages et intérêts pour prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2.8) Sur les demandes d'indemnité conventionnelle de licenciement. l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents

Le Conseil a jugé que la prise d'acte prend les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a donc droit à percevoir l'indemnité conventionnelle de licenciement et à une indemnité compensatrice de préavis assortie des congés payés y afférents.

L'indemnité conventionnelle est de I mois minimum par année ou fraction d'année. Mme. X compte 8 ans et 3 mois et 9 jours d'ancienneté, soit 8,27 ans.

Elle réclame 8,27 mois à multiplier par 921,11 € qu'elle dit être son salaire mensuel brut de référence. Or le Conseil a jugé que le salaire mensuel brut de référence s'établit à 727,22 euros et valorise l'indemnité conventionnelle de licenciement à 8,27 x 727, 22 = 6.014,11 euros.

En ce qui concerne le préavis, la CCN des journalistes dans son article 46 fixe la durée du préavis à 2 mois pour une ancienneté d'au moins deux ans. L'indemnité de préavis à verser à Mme. X est donc de 2 x 727,22 = 1454,44 euros bruts et les congés payés y afférents se montent à 145,44 euros bruts.

En conséquence

Le Conseil condamne la SESI à verser à Mme. X les sommes suivantes :

  • Six mille quatorze euros et onze cents (6.014,11 €) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
  • Mille quatre-cent cinquante-quatre euros et quarante-quatre cents (1.454,44 €) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et cent quarante-cinq euros et quarante-quatre cents (145,44 €) bruts à titre de congés payés y afférents.

2.9) Sur la demande de paiement des heures complémentaires et congés payés y afférents

a) En droit

Vu l'article L3171-4 du Code du travail : " En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Les heures complémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée nominale du contrat à temps partiel dans les limités fixées par le contrat et ne peuvent conduire à atteindre la durée de 35 heures par semaine pour un temps complet ou une durée conventionnellement inférieure.

b)En l'espèce

Mme. X indique avoir travaillé au-delà des horaires prévus pour pouvoir boucler les émissions dont elle avait la charge. Elle en a fait part par courriel à ses supérieurs. Elle produit le témoignage d'autres journalistes indiquant qu'il s'agissait d'une pratique répandue au sein de la SESI.

L'employeur indique que la rémunération à la pige est forfaitaire, ce qui exclut la notion et le paiement d'heures complémentaires.

 

Mme. X n'apporte aucun élément permettant au Conseil d'apprécier le volume de ces heures dont elle estime le montant " à parfaire " à 5000,00 euros. Le Conseil ne pourra faire droit à cette demande.

En conséquence

Le Conseil déboute Mme. X de sa demande de paiement d'heures complémentaires et des congés payés y afférents.

2.10) Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé

a)En droit

Vu l'article L8221-5 du Code du travail : " Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur.

  • Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche.
  • Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier' un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps travail conclu en application du titre Il du livre Ier de la troisième partie "

Vu l'article L8223-l du Code du travail : " En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. "

b)En l'espèce

Mme. X a alerté son employeur qu'elle était obligée d'effectuer des heures complémentaires pour mener à bien sa mission et produit des témoignages attestant qu'il s'agissait d'une pratique répandue au sein de la SESI.

Cependant, les contrats de pige ne mentionnaient aucune durée du travail et fixaient une rémunération forfaitaire. Il en résulte que si Mme. X a effectué des heures complémentaires, il n'y avait pas de la part de l'employeur d'intention de les dissimuler.

En conséquence

Le Conseil déboute Mme. X de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

2.11) Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise de foi du contrat de travail par la SESI

En droit

Vu l'article 1240 du Code civil " Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Vu l'article L 1222-1 du Code du travail : " Le contrat de travail est exécuté de bonne foi. "

Vu l'article 1135 du Code civil : " Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature

Les griefs et le préjudice doivent être distincts de ceux invoqués pour la demande d'indemnisation de la rupture abusive du contrat de travail.

En l'espèce

Mme. X caractérise l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur par les griefs dont elle a allégué pour motiver sa prise d'acte aux torts de l'employeur. Le Conseil a indemnisé cette prise d'acte aux torts de l'employeur avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en octroyant des dommages et intérêts, de sorte qu'allouer des dommages et intérêts pour exécution déloyale reviendrait à indemniser deux fois le même préjudice.

Mme. X ne pourra prospérer dans cette demande.

En conséquence

Le Conseil déboute Mme. X de sa demande de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail par la SESI.

2.12) Sur la demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

En l'espèce et en conséquence

Mme. X ayant prospéré dans sa demande de voir sa prise d’acte reconnue aux torts de l'employeur avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le Conseil condamne la SESI à verser la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

2.13) Sur les demandes d'ordonner la remise d'une attestation France Travail et un solde de tout compte conformes au présent jugement sous astreinte

Sur la remise des documents

En l'espèce et en conséquence

Compte tenu du présent jugement, le Conseil ordonne la remise par la SESI à Mme. X d'une attestation France Travail et un solde de tout compte intégrant le présent jugement sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur l'astreinte

En droit

Vu l'article L 131-1 du Code des procédures civiles d'exécution : " Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.

Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.

En l'espèce et en conséquence

Le Conseil estime qu'il n'y a pas lieu à prononcer une astreinte dès à présent.

Le Conseil renvoie donc la demanderesse à saisir le juge de l'exécution compétent qui pourra être utilement saisi en cas d'inexécution par le défendeur des obligations mises à sa charge par le présent jugement.

2.14) Sur la demande d'ordonner la régularisation des cotisations sociales sur les sommes susvisées auprès des organismes sociaux

Le Conseil n'estime pas nécessaire d'ordonner spécifiquement la régularisation des cotisations sociales, dans la mesure où lorsqu'il versera les condamnations à payer des sommes brutes, l'employeur s'acquittera des cotisations afférentes.

Le Conseil renvoie donc la demanderesse à saisir le juge de l'exécution compétent qui pourra être utilement saisi en cas d'inexécution par le défendeur des obligations mises à sa charge par le présent jugement.

2.15) Sur les intérêts légaux et leur capitalisation

En droit

Vu l'article 1231-6 du Code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

Vu l'article 1.231-7 du Code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. '

Vu l'article 1343-2 du Code civil : “Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.”

Le juge ne peut ordonner la capitalisation des intérêts qu'à compter de la demande qui en est faite et ne peut rétroagir avant cette demande.

Elle ne peut être demandée pour les intérêts à venir que dès lors qu'une année entière de capitalisation sera écoulée.

En l'espèce et en conséquence

Le Conseil dit et juge que les condamnations à dommages et intérêts porteront intérêts au taux légal en application de l'article 1231-7 du Code civil à de la mise à disposition du présent jugement et que les condamnations portant sur des rappels de salaires porteront intérêt à compter de la convocation de la défenderesse devant le bureau de jugement.

2.16) Sur l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du Code de Procédure Civile

En droit

Vu l'article R1454-28 du Code du travail : " À moins que la loi ou le règlement n'en dispose autrement, les décisions du conseil de prud'hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud'hommes peut ordonner l'exécution provisoire de ses décisions. Sont de droit exécutoire à titre provisoire, notamment :

1°Le jugement qui n 'est susceptible d'appel que par suite d'une demande reconventionnelle ;

2°Le Jugement qui ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer ,

3°Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° l'article R 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois.

En l'espèce et en conséquence

La présente décision est exécutoire dans les conditions de l'article R 1454-28 du code du travail.

Le Conseil juge suffisantes pour le cas d'espèce les dispositions spécifiques prévues audit articles disposant que seules les condamnations mentionnées au 2° alinéa de l'art R 1454-14 sont exécutoires de droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

2.17) Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts ou non-respect de Ia procédure prud'homale

En l'espèce

Le Conseil ayant jugé que l'affaire pouvait être portée directement devant le Bureau de Jugement, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande.

2.18) Sur la demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

En l'espèce et en conséquence, compte tenu du présent jugement, le Conseil déboute la SESI de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. 

2.19) Sur la clause de remboursement par l’employeur des indemnités de chômage

a)En droit

Vu l'article L 1235-4 du Code du travail : “Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 (licenciement sans cause réelle et sérieuse) et L. 1235-11 (licenciement nul), le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

b)En l'espèce et en conséquence

En application de l'Art. L 1235-4 du Code du travail, le Conseil ordonne le paiement par le défendeur, aux organismes intéressés, du remboursement des allocations de chômage versées au demandeur dans la limite fixée par le Conseil à six mois d'allocations, sur justification des allocations versées au demandeur par cet organisme.

2.20) Sur les dépens

Compte tenu du présent jugement, le Conseil condamne la SESI aux entiers dépens éventuels de l'instance.

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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