Il est acquis que la mise en échec de l’indemnité de fin de contrat de l’agent commercial est une mission difficile, si ce n’est impossible. En effet, aux termes de l’article L.134-12 du code de commerce[1] – disposition reconnue d’ordre public – cette indemnité est de droit, dès lors que la « cessation des relations » est à l’initiative du mandant et ne peut être imputée à l’agent (faute grave, cession par l’agent).
Cette indemnité de droit s’applique quel que soit le type de contrat – contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée – et quelle que soit la « cessation » du contrat à durée déterminée (non-renouvellement à l’issue du terme ou rupture durant l’exécution du contrat).
Le montant de cette indemnité compensatrice s’élève en France, dans la majorité des cas et souvent indépendamment même de la durée effective du mandat de représentation confié à l’agent (parfois de quelques mois seulement) à deux années de commissions brutes.
Autant dire que cette indemnité compensatrice « de droit acquis » fait peser un risque financier non négligeable sur le mandant qui – en dehors du cas où il peut rapporter la preuve de la faute grave de l’agent (notion appréciée de manière restrictive par les tribunaux) – ne peut s’y soustraire.
L’arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2015[2] (qui s’inscrit en droite ligne d’un précédent arrêt de 2001[3]) est d’un intérêt certain pour tous les mandants, français ou étrangers, liés à des agents commerciaux exerçant en France.
Dans cette affaire, deux sociétés étaient liées par un contrat d’agence commerciale comportant une période d’essai de 8 mois. Au bout de 6 mois de relation, le mandant a résilié le contrat et l’agent commercial l’a assigné en paiement de l’indemnité de cessation de contrat.
Sans surprise, la Cour d’appel a octroyé à l’agent commercial le montant de 123.307,48 euros au titre de l’indemnité de fin de contrat, en retenant que « les articles L.134-12 et L.134-13 du code de commerce, d’ordre public, prévoient le versement d’une indemnité lors de la rupture du contrat d’agent commercial et les cas dans lesquels cette réparation n’est pas due, de sorte qu’à supposer que la stipulation d’une période d’essai dans un tel contrat ne soit pas en elle-même illicite, celle-ci ne peut avoir pour effet de priver l’agent commercial de son droit à indemnité ».
En cassant cet arrêt au visa des articles 1134 et 1184 du Code civil, la Cour de cassation offre aux mandants une possibilité supplémentaire de résiliation sans indemnité ; en effet, en énonçant que « (…) le statut des agents commerciaux, qui suppose pour son application que la convention soit définitivement conclue, n’interdit pas une période d’essai », la Haute juridiction confirme la licéité de la période d’essai dans les contrats d’agence commerciale.
Au lieu de conclure, de prime abord, un contrat à durée déterminée dont la cessation entraînera systématiquement le versement d’une indemnité compensatrice, le mandant a tout intérêt à conclure un contrat incluant une période d’essai pendant laquelle il pourra évaluer, sans risque ni indemnité, l’efficacité de l’agent commercial.
Il conviendra toutefois de rester vigilant sur la formalisation de la clause de période d’essai (tant s’agissant de sa durée que des conditions de sa rupture) laquelle ne devra pas paraître être utilisée aux seules fins de contourner le statut protecteur de l’agent, ce qui pourrait être assimilé à une fraude à la loi.
par Sarah Temple-Boyer
Avocat
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