L’annulation d’une délibération d’assemblée générale de copropriété : cadre juridique et mise en œuvre pratique
Introduction
L’assemblée générale des copropriétaires est l’organe souverain de la copropriété, chargé de prendre les décisions concernant la gestion, l’entretien et les travaux relatifs aux parties communes. Toutefois, les décisions adoptées peuvent parfois être entachées d’irrégularités, rendant nécessaire leur annulation par le juge. La législation encadre strictement cette possibilité, notamment à travers l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965. L’objectif de cet article est de détailler les conditions, procédures et conséquences de l’annulation d’une délibération d’assemblée générale, tout en fournissant des exemples pratiques et des références jurisprudentielles utiles.
I. Fondement légal de l’annulation
A.Article 42 de la loi du 10 juillet 1965
En vertu de l’’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 : « Les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de forclusion, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. » Ce fondement légal institue un délai strict de recours pour toute contestation, et conditionne l’intérêt à agir.
B. Titulaires de l’action
Seuls peuvent introduire une action en annulation : - les copropriétaires opposants (ayant voté contre la résolution) ; - les copropriétaires défaillants (absents ou non représentés) ; - à condition qu’ils aient été régulièrement convoqués à l’assemblée.
II. Causes d’annulation d’une délibération
A. Irrégularités de convocation
L’irrégularité de la convocation constitue un motif classique d’annulation : - Convocation non envoyée dans les délais (art. 9 du décret du 17 mars 1967) ; - Absence de documents obligatoires (ex. devis pour travaux, état des charges, etc.) ; - Défaut de mention des résolutions à l’ordre du jour. Exemple pratique : Un copropriétaire n’a pas reçu la convocation dans le délai de 21 jours avant l’AG (art. 9 du décret de 1967) → risque d’annulation (Cass. 3e civ., 25 octobre 2000, n°98-20.939).
B. Défaut de majorité requise
L’article 25 et suivants de la loi de 1965 imposent des quorums spécifiques selon l’objet de la décision. Une erreur sur la majorité applicable entraîne l’annulation. Exemple : Adoption de travaux lourds à la majorité simple de l'article 24 au lieu de la majorité absolue de l’article 25 Cela engendre une éventuelle annulation (Cass. 3e civ., 14 nov. 2007, n°06-19.489).
C. Vice de consentement ou dol
Si la décision a été obtenue par réticence dolosive ou fausse information, elle peut être annulée pour vice du consentement (art. 1137 C. civ.). Exemple : Le syndic dissimule frauduleusement une augmentation prévisible de charges liées aux travaux votes. Cela engendre une annulation pour dol (Cass. 3e civ., 6 oct. 2010, n°09-70.507).
D. Atteinte à l’ordre public ou à une disposition impérative
Certaines décisions sont nulles de plein droit si elles contreviennent à une norme impérative (ex. décision portant atteinte à la destination de l’immeuble sans l’unanimité). Exemple : Autorisation d’installer une activité commerciale dans un immeuble à usage exclusivement d’habitation donc la nullité de la résolution est encourue (Cass. 3e civ., 6 févr. 2008, n°07-10.054).
III. Procédure d’annulation
A. Juridiction compétente
Le tribunal judiciaire du ressort de l’immeuble est compétent, conformément à l’article R.211-4 du Code de l’organisation judiciaire.
B. Délai de recours
- Deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée (par le syndic) ; - Ce délai est de forclusion : il n’est pas susceptible d’interruption ou de suspension, sauf cas très limités.
C. Partie défenderesse : le syndicat des copropriétaires
La demande est dirigée contre le syndicat des copropriétaires, représenté par le syndic. Le syndic ne peut pas être poursuivi personnellement sauf faute manifeste dans l'exécution de sa mission.
D. Preuve à rapporter
Le demandeur doit démontrer l’irrégularité affectant la délibération, en produisant notamment : - la convocation, - le procès-verbal, - des échanges ou documents manquants, - des attestations.
IV. Conséquences de l’annulation
A. Effets rétroactifs
L’annulation a un effet rétroactif : la décision est réputée n’avoir jamais existé. Exemple : Si des travaux ont été réalisés sur la base d’une décision annulée, des contentieux annexes peuvent en découler (restitution des fonds verses, responsabilité du syndic, etc.).
B. Effets limités aux copropriétaires demandeurs ?
Selon la Jurisprudence constante, l’annulation produit effet à l’égard de tous les copropriétaires, et non seulement des demandeurs (Cass. 3e civ., 30 avril 2003, n°01-13.303).
V. Recommandations pratiques
A. Pour les copropriétaires
- Vérifier systématiquement la régularité de la convocation et de l’ordre du jour ; - Réagir rapidement après réception du procès-verbal ; - Se faire assister d’un avocat en amont en cas de doute sur la légalité de la décision.
B. Pour les syndics
- S’assurer du respect strict des règles formelles de convocation ; - Anticiper les majorités requises selon l’objet de la résolution ; - Conserver toutes les preuves de notification.
Conclusion
L’action en annulation d’une délibération d’assemblée de copropriété est un instrument essentiel de protection des droits des copropriétaires. Elle permet de faire échec à des décisions irrégulières ou abusives, mais suppose une réactivité rigoureuse et une connaissance technique précise du droit de la copropriété.
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