Décisions commentées : Conseil des Prud’hommes de Créteil en formation de départage, 22/00629, 4 septembre 2025, n°22/00629 et n°22/00630

Dans deux décisions obtenues par le cabinet, le juge départiteur donne raison au salarié qui ont exercé leur droit de retrait et ont été licenciés pour ce motif.

L’occasion de faire un point sur l’exercice du droit de retrait.

1. L’absence de formalisme dans l’exercice du droit de retrait

Le droit de retrait est défini par l’article L. 4131-1 du Code du Travail comme suit 

« Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation. »

Le droit de retrait ne requiert aucun formalisme : il n’est pas nécessaire d’adresser un courrier recommandé à l’employeur.

En l’espèce, le fait que les salariés aient exercé leur droit de retrait se déduit des propres constatations de l’employeur.

En effet, ce dernier met en place une nouvelle consigne pour les agents de sécurité affectés à la sécurité d’un Ministère. Il demande aux agents de sécurité de réaliser une surveillance statique à l’extérieur de l’enceinte du Ministère donc sur la voie publique pour vérifier les véhicules entrant au sein du Ministère.

Deux salariés visés par cette nouvelle consigne s’y opposent en raison du danger auquel cela les expose. Cela ressort des échanges entre l’employeur et son client mais également de la lettre de licenciement qui précise bien que c’est en raison d’un refus des salariés d’exécuter la consigne, car ils estiment être en danger, que ces derniers sont convoqués à un entretien préalable au licenciement.

Le juge départiteur décide donc dans ce cas que les salariés ont effectivement exercé leur droit de retrait.

 

2. Le motif raisonnable de penser être exposé à un danger grave et imminent

Il faut rappeler que les salariés n’ont pas à démontrer la réalité de l’existence même d’un danger grave et imminent mais seulement le fait qu’ils aient eu un motif raisonnable de penser qu’ils étaient exposés à un danger grave et imminent.

En l’espèce, le juge départiteur estime que les salariés avaient effectivement un motif raisonnable de penser qu’ils étaient exposés à un danger grave et imminent.

Ce motif est caractérisé par les éléments suivants :

  • L’employeur reconnaissait lui-même que le Ministère pouvait être une cible privilégiée d’acte terroristes ou d’autres attaques violentes ;
  • La position statique imposée aux agents de sécurité en dehors de l’enceinte du Ministère sans mise à disposition d’équipement de protection supplémentaire (type gilet pare-balle) les exposait de fait à un danger ;
  • Une attaque armée avait eu lieu la vielle blessant un agent de sécurité sur un site à proximité du Ministère ;

L’ensemble de ces éléments justifient, d’après le juge, le motif légitime des salariés de penser qu’ils étaient exposés à un danger grave et imminent. En refusant l’exécution de la consigne donnée ils étaient bien dans l’exercice de leur droit de retrait d’une situation qu’ils pouvaient légitimement considérer comme dangereuse.

 

3. Les conséquences d’un licenciement prononcé en raison de l’exercice du droit de retrait

En l’espèce, les deux salariés ont été licenciés pour faute grave en raison du fait qu’ils avaient refusé d’appliquer la nouvelle consigne dans le cadre de leur exercice de droit de retrait.

Or, l’article L. 4131-3 du Code du Travail précise qu’aucune sanction ne peut être prise à l’encontre du salarié exerçant son droit de retrait. La Cour de Cassation a précisé que le licenciement prononcé en raison de l’exercice du droit de retrait est nul (Cour de Cassation, 28 janvier 2009, 07-44556, Publié au bulletin).

Le juge conclut donc que les licenciements des deux salariés sont nuls et les indemnise en conséquence.

 

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