Le nouveau divorce par consentement mutuel, entré en vigueur au 1er janvier 2017, fait beaucoup parler de lui. L’objet aujourd’hui est de voir ce qu’il en est pour les personnes qui vont avoir besoin le cas échéant de le faire appliquer dans un pays étranger.
Divorce sans juge, plus rapide, moins cher, plus simple (???!!!) autant de qualificatifs erronés sur ce divorce qui n’a pas fini de faire couler de l’encre et d’ouvrir la porte à des contentieux tant la loi est mal ficelée, mal pensée et pour tout dire incohérente.
J’ai déjà mis en ligne mes premières remarques sur ce même site. L’objet de l’article d’aujourd’hui est de s’interroger sur les conséquences de cette réforme pour les couples pour lesquels un élément d’extranéité existe ou est envisageable. Autrement dit, pour tous ceux qui voudraient divorcer par le biais de cette nouvelle formule et qui auront la nécessité à un moment ou un autre, de faire reconnaître ou appliquer ce divorce et ses clauses à l’étranger.
En effet à une époque où de plus en plus de couples sont binationaux ou vivent une partie de leur existence à l’étranger, la question n’est plus.
Tout d’abord s’agissant d’un divorce, les textes internationaux de la matière s’appliquent à commencer par Rome III, qui permet de déterminer la loi applicable et Bruxelles II bis qui fixe le pays compétent pour le divorce, les conventions de la Haye concernant le régime matrimonial (14/03/1978), la responsabilité parentale (19/10/1996) et le protocole de la Haye du 23/11/2007 concernant les obligations alimentaires... Cette liste étant loin d’être exhaustive. S’appliquent bien entendu également toutes les conventions bilatérales spécifiques.
Or, pour la plupart de ces textes, seuls le jugement ou l’acte authentique sont prévus.
Malheureusement, notre législateur ne semble pas avoir pris la mesure des difficultés que va créer dans ce cadre le nouveau divorce.
Voyons tout d’abord le divorce lui-même.
Un couple divorce en France sous l’égide de ce nouveau consentement mutuel par un acte d’avocat enregistré par un notaire qui lui donne la force exécutoire (c’est la définition).
Dans un certain nombre de pays, le divorce ne peut être que judiciaire. Dans ces conditions, les autorités turques vont probablement poser problème lorsqu’il conviendra de faire valider le divorce dans ce pays par exemple pour des binationaux.
Dans beaucoup d’autres, notamment en Europe, il faut soit un jugement, soit un acte authentique. Notre nouveau divorce n’étant ni l’un, ni l’autre, il faut s’attendre aussi à des difficultés avec ces pays.
Et pour la « procédure »
Quoique ce mot soit impropre, il faudra appliquer le texte tel qu’il est prévu. Ainsi, l’avocat doit envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception à son client et l’acte ne peut être signé que 15 jours après la réception de ce courrier. Le notaire a le devoir de vérifier que les formalités sont conformes. D’une part, les courriers RAR envoyés à l’étranger prennent bien plus de temps qu’en France, sans compter le temps de retour de l’AR lui-même, ce qui rallongera d’autant le temps nécessaire. Pour les pays qui ne retournent pas les AR, qui ne délivrent pas les recommandés ou encore qui mettent un temps infini à le faire, il faudra donc envisager le RAR électronique, à condition bien entendu que ce soit techniquement possible pour le client...
L’acte de divorce portera à la fois sur le divorce lui-même mais aussi sur des éléments financiers (prestation compensatoire, pension alimentaires) et concernant les enfants.
En Europe
La notion de responsabilité parentale en droit européen recouvre, pour simplifier : la résidence, le droit de visite et d’hébergement, l’autorité parentale, la résidence alternée... Pour faire appliquer les accords prévus par le divorce concernant la responsabilité parentale dans un autre pays européen, il faut pouvoir présenter le certificat article 39 prévu à la convention dite Bruxelles II bis, qui reprend les termes des accords. La nouvelle loi a bien prévu que le notaire sera habilité à faire ce certificat. Seul bémol, pour l’instant le texte de ce certificat n’a pas encore été modifié de sorte qu’en pratique il n’est pas possible d’en délivrer un pour ce nouveau divorce puisqu’il n’entre pas dans le cadre du formulaire existant qui est, rappelons-le, multilingue et identique dans les divers pays européens signataires...
Ce que l’on appelle en droit européen les obligations alimentaires correspond en France aux pensions alimentaires et à la prestation compensatoire. Ces éléments financiers sont particulièrement souvent au cœur des contentieux des couples divorcés. Or, le législateur a totalement omis le versant européen du sujet de sorte qu’il sera virtuellement impossible en l’état de faire appliquer en Europe les clauses concernant les pensions alimentaires et les prestations compensatoires.
Dans les autres pays du monde, hors Europe
Pour faire appliquer un acte dans un autre pays, il faut, sauf accord international spécifique, qu’il soit validé dans ce pays. Il existe pour cela dans la plupart des pays des procédures qui permettent de le faire soit via une apostille faite en France pour certains actes, soit par une procédure à faire sur place de type exequatur. Ce n’est qu’une fois cette « validation » opérée que l’acte est exécutoire dans le pays étranger.
Dans la mesure où actuellement l’apostille ne semble pas possible pour ce divorce, qui n’entre pas dans le cadre prévu et ou de nombreux pays (comme indiqué ci-dessus) ne sauraient accepter un acte sous seing privé comme acte exécutoire, il y a fort à penser que les difficultés rencontrées seraient majeures.
Alors que faire ?
Si vous êtes binational, renseignez-vous avant toute chose sur les facultés de reconnaissance et d’exécution de ce nouveau divorce dans votre second pays de nationalité. De même, si vous ou votre conjoint vivez à l’étranger. Vous pourrez ainsi choisir en toute connaissance de cause la forme de divorce qui vous est appropriée. Si vous envisagez de partir vivre à l’étranger et que vous ignorez encore le pays, si vous êtes expatrié et que vous changez régulièrement de pays, abstenez-vous d’utiliser cette forme de divorce.
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