Après report du fait de cette année 2020 si particulière, la réforme du divorce issue de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 va entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2021 et sera applicable à toutes les procédures engagées à compter de cette date.
Notons et c’est important qu’en ce qui concerne les procédures dans lesquelles des requêtes ont été déposées avant le 01/01/2021, c’est l’ancienne procédure qui continuera à s’appliquer.
En grande partie procédurale, cette réforme veut, en quelque sorte faire rentrer la procédure de divorce dans le rang de la procédure civile, réformée de façon conséquente en 2019.
Les deux points phares de cette réforme du divorce sont sans aucun doute la disparition de l’ordonnance de non conciliation obligatoire et la modification de la durée du divorce pour altération définitive du lien conjugal. C’est ce second point qui fait l’objet du présent article, tant l’annonce est différente de la réalité procédurale.
L’annonce, mais nous verrons qu’il faut aller plus loin, est que le délai pour que le divorce soit prononcé pour altération définitive du lien conjugal est réduit à un an au lieu des deux nécessaires précédemment. Cela parait simple à première lecture mais les règles de computation du délai et de la procédure applicable ont été modifiées de telle façon qu’il s’agit en réalité d’un changement bien plus profond qu’une simple modification temporelle.
Rappelons que le divorce pour altération définitive du lien conjugal a été créé par la réforme de 2004 et qu’il fut au début perçu par certains comme une véritable répudiation de l’un des époux ,par l’autre.
En effet, si sous l’égide de la loi précédente, qui datait de 1975, il était déjà possible pour un époux d’obtenir le divorce en cas de séparation longue, les conséquences étaient assez punitives pour le demandeur. Outre qu’il fallait justifier de 6 ans de séparation, le divorce était rendu aux torts du demandeur qui voyait de surcroît subsister le devoir de secours à vie. Par ailleurs, son conjoint pouvait tenter de s’opposer au divorce en faisant valoir l’exceptionnelle dureté.
Cette forme de divorce était de fait peu courante, d’autant que depuis la réforme de la prestation compensatoire qui a fait quasiment disparaître le prononcé de prestation compensatoire sous forme de rente viagère, les conséquences financières la rendait particulièrement peu attractive.
La réforme de 2004, applicable depuis le 1er janvier 2005 a créé pour la remplacer le divorce pour altération définitive du lien conjugal, supprimant tout le volet sanction, et réduisant la durée nécessaire de séparation à 2 ans.
Chose importante, ce délai de deux ans devait impérativement être échu à la date de l’assignation en divorce. Il était donc possible pour des époux de déposer une requête en divorce avant la fin du délai fixé mais il devait ensuite attendre pour assigner.
Dans la pratique, il était assez fréquents que les époux attendent l’ONC pour se séparer physiquement afin que les mesures provisoires soient fixées. Du coup, dans nombre de dossiers, on laissait passer le temps nécessaire à atteindre les deux ans afin d’assigner en divorce pour altération définitive, parfois in extremis des 30 mois de validité de l’ONC. Cette période d’attente, sans échanges procéduraux, permettaient aux époux d’avoir une vision assez précises de leurs relations parentales et de leurs situations financières et parfois même, le temps aidant, favorisait une issue amiable.
La réforme de 2020, qui ne sera applicable qu’aux procédures engagées à compter du 1er janvier prochain, réduit à un an la durée du délai de séparation nécessaire au prononcé du divorce.
Mais, et c’est là toute la subtilité de la réforme, il faut à la réduction annoncée, relier les modifications procédurales spécifiques pour bien comprendre pourquoi la portée est bien plus importante.
Aux termes des nouvelles règles procédurales (articles 1106 et suivants du Code de procédure civile), le demandeur n’a pas l’obligation d’indiquer dans son assignation en divorce le fondement juridique sur lequel il s’appuie (il a même l’interdiction de le faire si c’est pour faute). Il peut donc à son choix, préciser ou non qu’il demande le divorce pour altération du lien conjugal.
Si dans l’assignation le fondement juridique du divorce n’est pas indiqué, il devra alors être précisé ultérieurement, dans les premières conclusions du demandeur.
En application de l’article 238 du Code civil, selon que le demandeur aura fait l’un ou l’autre choix, la date à laquelle s’appréciera la durée d’un an sera différente.
Si dans l’assignation, le divorce est fondée sur l’altération définitive du lien conjugal alors il sera impératif que le délai d’un an soit déjà écoulé.
Si l’assignation ne comprend pas le fondement juridique du divorce, c’est à la date à laquelle statuera le juge que le délai sera computé.
Dans un cas, la durée sera donc appréciée à la date de la demande en divorce et dans l’autre à celle de la décision de divorce. On voit dès lors une différence fondamentale, surtout lorsque l’on connaît la réalité temporelle de nos tribunaux, puisque selon le cas la durée de la procédure elle-même sera ou non comprise dans la computation du délai.
Mais les modifications procédurales ne s’arrêtent pas là puisque la loi nouvelle prévoit en outre que le juge devra, pour rendre sa décision attendre que le délai d’un an soit écoulé (article 1126-1 du Code de procédure civile). Notez que c’est une obligation pour le juge et qu’il ne s’agit pas de la clôture des débat ou des plaidoiries mais bien de la date à laquelle il statuera.
Autrement dit, le défendeur n’aura aucun moyen de contester le délai d’un an lorsque le fondement du divorce par altération définitive du lien conjugal aura été soulevé pour la première fois dans les conclusions du demandeur et le divorce sera nécessairement prononcé puisque le juge aura l’obligation d’attendre la fin du délai d’un an pour statuer.
La loi nouvelle a donc créé un divorce de droit.
Si l’on ajoute à cela les réalités voire les dysfonctionnements de nos juridictions, il est probable qu’en réalité, le juge n’aura même jamais à attendre.
Il nous appartiendra comme avocat, et comme nous le faisons déjà pour les divorces par consentement mutuel de faire en sorte que les demandes soient cohérentes avec les difficultés réelles prévisibles de la vie de chacun une fois séparés pour éviter des retours procéduraux multiples.
Quelques conséquences humaines seront en outre à gérer dans nos cabinets mais c’est un autre sujet, dont notre législateur plus comptable que Thémis, ne tient aucun compte.
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