Contexte

La Cour de cassation a rendu un arrêt important le 7 février 2024 concernant le rôle et les pouvoirs du curateur.

Dans cette affaire, un curateur avait engagé des dépenses significatives pour des services de santé à domicile au nom du majeur protégé, sans son consentement.

Ce curateur était également tuteur de l'épouse. Le couple avait manifesté le désir de rester ensemble à domicile.

Après le décès un des enfants a saisi un tribunal pour voir condamner le curateur à lui payer une certaine somme en réparation du préjudice résultant des fautes commises dans la gestion de la situation de son père.

Décision de la Cour

La Cour de cassation a rappelé que le rôle du curateur est d'assister la personne protégée, et non de la substituer dans ses décisions, notamment pour des actes importants comme l'engagement de dépenses significatives :

  • " C'est à tort que la cour d'appel a retenu que M. [P], en sa qualité de curateur de [W] [E], avait pu valablement conclure seul, au nom de celui-ci, un mandat avec l'association portant sur le recrutement et le remplacement d'auxiliaires de vie ainsi que la gestion des contrats de travail, alors qu'il résulte des articles 467 et 472 du code civil que le curateur a pour mission d'assister le majeur protégé et que ses pouvoirs de représentation dans la curatelle renforcée sont limités à la perception des revenus, et au paiement des dépenses.
  • Toutefois, après avoir relevé que, selon Mme [E], cette faute du curateur de [W] [E] aurait généré des dépenses excessives, la cour d'appel a encore retenu, d'une part, que la décision prise par M. [P], également tuteur de Mme [K] [E], de solliciter l'association pour fournir aux majeurs protégés des auxiliaires de vie et un appui à la gestion administrative de leur intervention, était indispensable pour permettre le maintien des époux ensemble à leur domicile, conformément au choix très clairement exprimé par [W] [E], et, d'autre part, qu'en dépit de l'évolution des coûts tenant à l'aggravation de leur état de santé, de leur perte d'autonomie et de la nécessité de majorer les temps de présence à leurs côtés, le coût global de l'intervention de l'association, sur les dix-sept mois de sa durée, n'avait rien d'exorbitant.
  • Ayant ainsi fait ressortir l'absence de préjudice en lien avec la faute alléguée, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision".

Points clés pour les curateurs

  • Assistance, pas substitution : Le curateur doit aider la personne protégée à prendre des décisions, mais ne peut pas prendre ces décisions à sa place, sauf dans les cas où la loi l'autorise expressément.
  • Consentement éclairé : Le curateur doit s'assurer que la personne protégée comprend les conséquences de ses décisions et qu'elle y consent librement.
  • Intérêt de la personne protégée : Le curateur doit toujours agir dans l'intérêt de la personne protégée, en tenant compte de ses souhaits et de ses besoins.
  • Respect des limites légales : Le curateur doit respecter les limites de ses pouvoirs fixées par la loi et la décision de justice qui l'a nommé.

Conséquences pour les personnes protégées

Cette décision rappelle que les personnes sous curatelle renforcée conservent leur droit de décider de leur propre vie, même si elles ont besoin d'assistance. Elles peuvent contester les décisions du curateur si elles estiment que celui-ci a outrepassé ses pouvoirs.

Conclusion

Cet arrêt de la Cour de cassation est un rappel important du rôle crucial du curateur dans la protection des personnes vulnérables, mais aussi de la nécessité de respecter leur autonomie et leur dignité. Il souligne l'importance d'un dialogue constant entre le curateur et la personne protégée pour prendre des décisions éclairées et conformes à ses intérêts.


Claudia CANINI

Avocat – Droit de la protection des majeurs

www.canini-avocat.com


Sources : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 février 2024, 21-24.864,