Quand le droit patrimonial de la famille s'exerce dans un département rural, cela amène régulièrement à s'interroger sur la transmission des exploitations agricoles et, bien souvent, sur l'anticipation de la succession de l'exploitant.
Dans un arrêt du 26 mars 2025 (n°22-23.937), la première chambre civile de la Cour de cassation a opéré un revirement de sa jurisprudence dans une affaire concernant la vente, à un prix avantageux, de terres agricoles par un père à son fils et à sa belle-fille, ce dernier étant par ailleurs locataire des parcelles en question.
Au décès du père, la fille entendait faire requalifier cette vente en donation, afin qu'elle soit rapportée à la succession, au motif que le prix avait été minoré, en tenant compte de moins-value constituée par le bail rural grevant les parcelles.
La question était donc de savoir si la minoration du prix de vente, tenant compte de l'occupation des terres par l'acheteur, preneur à bail et héritier présomptif du vendeur, devait être perçue comme l'élément matériel d'une libéralité, conformément à l'article 843 du Code civil.
En la matière, la jurisprudence était jusqu'alors encline à considérer que les terres devaient être évaluées comme étant "libres de droit", sans considération du bail rural en cours d'exécution. (Civ. 1re, 21 oct. 2015, n° 14-24.926 F-P+B)
La Cour de cassation revient ici sur sa jurisprudence et considère que "l'existence de l'élément matériel d'une libéralité rapportable pouvant résulter de la minoration du prix de vente de terres agricoles à un héritier présomptif doit s'apprécier au regard de la valeur réelle des terres au jour de leur vente, considération prise de l'existence d'un bail, peu important que celui-ci ait été consenti à cet héritier."
Dès lors, en matière successorale, il faudra retenir une valeur des terres agricoles minorée au regard du bail rural, et ce même si l'acquéreur n'est autre que le preneur, héritier présomptif du vendeur.
Une évaluation minorée du fait du bail en cours au jour de la vente ne pourra donc être considérée, à elle seule, comme étant le marqueur d'une libéralité rapportable à la succession du vendeur.
Le débat se portera alors sur cette fameuse évaluation. Tient-elle uniquement compte du bail en cours ou minore-t-elle davantage encore les terres agricoles ?
Dans cette seconde hypothèse, la question de l'élément matériel d'une libéralité pourrait de nouveau surgir, le juge du fond disposant d'un pouvoir d'appréciation souverain sur ce point.
Le cabinet se tient à votre disposition pour vous assister dans le cadre de la transmission de votre patrimoine, professionnel comme privé, à vos proches.
Pas de contribution, soyez le premier