Par un arrêt du 15 mai 2024 (n° 22-22893), la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’est valide l’appel d’un patient en soins psychiatriques sans consentement par hospitalisation complète, par déclaration non motivée, contre l’ordonnance d’un juge des libertés et de la détention ayant autorisé la poursuite d’une mesure d’isolement prise à son encontre.

Le patient avait été admis le 11 décembre 2019 en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète par décision du représentant de l'Etat dans le département, sur le fondement de l'article L.3213-1 du code de la santé publique, permettant pareille mesure pour les « personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ».

Après une période de programme de soins, il a été réadmis en hospitalisation complète le 20 juin 2022 et placé à l'isolement le 21 juin 2022.

Par décisions des 25 et 29 juin 2022, le juge des libertés et de la détention a autorisé la poursuite de la mesure d'isolement.

Par ordonnance du 1er juillet 2022, il a autorisé la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète.

Resaisi par le directeur d'établissement le 4 juillet 2022, il a autorisé la poursuite de la mesure d'isolement par ordonnance du 5 juillet 2022, dont le patient a fait appel par lettre du 6 juillet 2022.

Le patient s’est pourvu en cassation contre l’ordonnance du 7 juillet 2022 par laquelle le premier président d'une cour d'appel de Limoges a déclaré irrecevable son appel pour défaut de motivation de sa déclaration d’appel.

La Cour de cassation a relevé d’office le moyen pris de la violation des articles 114, 122 du code de procédure civile et R. 3211-43 du code de la santé publique.

Ce dernier prévoit que « le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel ».

L’arrêt du 15 mai 2024 relève que « cette disposition n'a pas assorti d'une sanction l'exigence de motivation de la déclaration d'appel, dérogatoire au droit commun de l'appel, et (que) ce recours peut être formé sans l'assistance de leur avocat par des personnes considérées comme atteintes de troubles mentaux ne leur permettant pas de consentir à des soins ».

Il juge que « l'absence de motivation de la déclaration d'appel n'affecte que le contenu de l'acte de saisine de la juridiction et non le mode de saisine de celle-ci et qu'elle ne prive pas la personne de son droit d'agir ».

« Elle n'est pas une cause d'irrecevabilité de l'appel », dès lors que « seule » « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée » (article 122 du code de procédure civile).

Par suite, « le vice pris du défaut de motivation ne peut (…) que relever des vices de forme ».

Or, « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public » (article 114 du code de procédure civile).

Relevant que « l'exigence de motivation ne (constitue) pas une formalité substantielle ou d'ordre public » et que « la nullité de l'acte n'est donc pas encourue en l'absence de motivation de la déclaration d'appel », la Cour de cassation a annulé l’ordonnance du 7 juillet 2022 pour avoir, en violation de ces trois dispositions, déclaré irrecevable l’appel du patient pour défaut de motivation de sa déclaration d’appel.

L’arrêt du 15 mai 2024 reprend et confirme le raisonnement analogue tenu par la Cour de cassation, en matière de poursuite de soins sans consentement, par son arrêt du 20 décembre 2023 (1ère Civ., n° 23-15847), par un moyen également relevé d’office, tiré de la violation des articles 114, 122 du code de procédure civile et R. 3211-19 du code de la santé publique.