L’année 2022 a été marquée par un épisode de sécheresse historique car particulièrement long et intense.

Par l’effet du réchauffement climatique, ces phénomènes devraient se produire à nouveau.

Les dégâts tendant à s’accélérer dans leur ampleur et leurs conséquences, ils ont fait exploser la sinistralité de la garantie « catastrophe naturelle » des contrats d’assurance habitation.

Selon les chiffres donnés par France Assureurs, depuis 2016, la sécheresse représente 60 % de la sinistralité de la garantie « catastrophe naturelle » tandis qu’elle était de 37 % de 1989 à 2015.

Pour limiter cette sinistralité, certains assureurs tentent d’opposer des refus d'indemnisation abusifs car fondés sur des motifs injustifiés.

Le présent article a pour objet de présenter l’état de la jurisprudence rendue en la matière.

 

I. SECHERESSE ET GARANTIE « CATASTROPHE NATURELLE » DU CONTRAT D’ASSURANCE HABITATION.

A. Comment la sécheresse provoque-t-elle des désordres structurels ?

Les maisons endommagées par la sécheresse sont celles dont les fondations sont ancrées dans un sol dont la consistance et le volume se modifient en fonction de sa teneur en eau.

Il s’agit de sols dits sensibles aux variations hydriques tel que l’argile, laquelle est sujette au phénomène de RGA (retrait-gonflement des argiles).

Par ce phénomène, le terrain argileux se rétracte en période de sécheresse (c’est le « retrait » : le sol devient sec et cassant) puis il gonfle lorsqu’il se réhydrate par les pluies (c’est le « gonflement » : le sol est alors souple et malléable).

Le phénomène de RGA occasionne des enfoncements non uniformes du sol autrement dénommés « mouvements de terrain différentiels ».

Les fondations des maisons ancrées dans le sol argileux subissent ces enfoncements non uniformes, ce qui les déstabilise et provoque des désordres importants en superstructure :

-          fissurations,

-          distorsion des portes et fenêtres,

-          tassement de dallage,

-          rupture de canalisations,

-          etc.

 

Certains désordres anciens peuvent également s’aggraver par un nouvel épisode de sécheresse.

 

B. La garantie « catastrophe naturelle » de l’assurance habitation.

  • Qui décide de faire reconnaitre un épisode de sécheresse en catastrophe naturelle ?

 L’article L.125-1 alinéa du Code des Assurances alinéa 3 définit en ces termes les effets des catastrophes naturelles :

« Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel ou également, pour les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, la succession anormale d'événements de sécheresse d'ampleur significative, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. »

 Ainsi, en considération des dommages survenus sur les maisons de sa commune à la suite d’un épisode de sécheresse, c’est le maire qui prend l’initiative d’une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour le phénomène de « mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols » en transmettant au préfet une demande comportant un certain nombre de renseignements et notamment, le type de biens endommagés qui lui ont été déclarés.

Le préfet constitue un dossier et saisi une commission interministérielle (composée des représentants des ministères de l’intérieur, outre-mer, économie et finances, écologie / développement durable /énergie), laquelle rend – ou non – un arrêté interministériel constatant l'état de catastrophe naturelle.

L’arrêté interministériel est ensuite publié au Journal officiel, il précise :

-          les communes reconnues en état de catastrophe naturelle,

-          les périodes pendant lesquelles les faits se sont produits.

 

  • Votre assurance habitation couvre-t-elle le risque sécheresse – catastrophe naturelle ?

Toute assurance habitation couvrant le risque incendie (la quasi-totalité) garantit les risques causés par cette catastrophe naturelle en application de l’article L.125-1 du Code des Assurances disposant :

« Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l'objet de tels contrats. »

  

  • Dans quel délai déclarer le sinistre à votre assurance habitation ?

Les dégâts causés par la sécheresse (désordres nouveaux ou aggravation de désordres anciens) doivent être déclarés à l’assureur habitation dès que l’assuré en a connaissance.

Le contrat d’assurance impose en règle générale à l’assuré de déclarer à l’assureur le sinistre affectant l’habitation dans un délai de 5 jours à compter de la date de son apparition.

Toutefois, si le sinistre est déclaré après ce délai, l’assuré ne perd pas son droit à indemnisation.

L’assureur ne peut se prévaloir du dépassement du délai contractuel que pour opposer une déchéance de garantie - toutefois - pour que cette déchéance de garantie soit valable, l’assureur doit rapporter la preuve que le retard dans la déclaration de l’assuré lui a causé un préjudice (article L.113-2 4° du Code des Assurances).

L’assuré dispose en réalité d’un délai de 5 ans pour déclarer le sinistre sécheresse à son assurance habitation, « à compter de l’évènement qui y donne naissance », c’est-à-dire, à compter de l’apparition des désordres et/ou de l’arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle (article L.114-1 du Code des Assurances).

 

II. LES MOTIFS ABUSIFS DE REFUS D'INDEMNISATION OPPOSÉS PAR CERTAINS ASSUREURS

1. L’usage abusif de la notion de « cause déterminante ».

L’article L. 125-1 alinéa 3 du Code des Assurances dispose que :

« Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel ou également, pour les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, la succession anormale d'événements de sécheresse d'ampleur significative, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. »

En se fondant sur ce critère de « cause déterminante » les assureurs tentent de soutenir qu’ils n’ont pas vocation à indemniser les conséquences de la sécheresse au prétexte que les dommages ont été causes par :

-          des circulations d’eau sur le terrain,

-          la succion opérée par la couronne végétale de la maison, et notamment, des arbres de grande hauteur connus pour capter une quantité d’eau importante,

-          les défauts structurels préexistants de la maison,

-         ou encore, la vétusté ou le défaut d’entretien de la maison.

La Cour de Cassation, appelée à se prononcer à de nombreuses reprises sur ce sujet, retient qu’il n’est nullement nécessaire que la sècheresse soit la seule cause ou la cause exclusive des dommages.

La Cour de Cassation considère qu’il est nécessaire - et suffisant- qu’il soit établi que la sécheresse a été la cause déterminante des désordres en application du texte précité.

Il a ainsi été jugé que l'existence d'un défaut affectant les fondations de l’immeuble n’exclut pas la garantie de l’assureur pourvu que la catastrophe naturelle reste la cause déterminante du sinistre :

«  … que les mouvements successifs du bâtiment, par alternance de dessication et hydratation, ont progressivement fragilisé l'immeuble ; que les fissures considérées dans l'instance sont bien apparues par l'effet de la sécheresse, catastrophe naturelle objet de l'arrêté du 8 juillet 2003, celle-ci ayant aggravé les fissurations qui préexistaient ; qu'il est ainsi établi que cette sécheresse est bien la cause déterminante du sinistre, même si l'expert a relevé l'existence d'un défaut de conception de la construction affectant les fondations, l'immeuble n'ayant pas été affecté par ce défaut avant la sécheresse de 2002 et c'est l'effet de celle-ci qui a provoqué le sinistre, qui sans cet événement ne se serait pas produit …; »

Cass. 2e civ., 4 nov. 2010, n°09-71.677

Il serait en effet parfaitement injustifié qu’un assureur refuse d’indemniser les désordres causés par une sécheresse reconnue catastrophe naturelle au motif que le type de fondation mis en œuvre était inadapté tandis :

-    que ce type de fondation a été mis en œuvre à une époque où le risque de la sécheresse n’était ni connu ni parfois même imaginé (notamment, aux XIXème et même XXème siècle),

-    que la maison a résisté durant des décennies, jusqu’au sinistre sècheresse, preuve que les fondations même inadaptées ne peuvent être la cause déterminante des désordres

 

2. Contester un refus d’indemnisation par une mission de diagnostic géotechnique G5 et à défaut, une mission d’expertise judiciaire.

  • Dans la large majorité des cas, les facteurs listés ci-avant – utilisés à mauvais escient par l’assureur habitation pour opposer un refus d’indemnisation - ne sont que l’une des conséquences de la sécheresse ou un facteur uniquement aggravant des effets de la sécheresse sur le terrain d’assise des fondations.

Il convient d’ajouter par ailleurs que le défaut d’entretien ne permet nullement à l’assureur de refuser sa garantie, la Cour de Cassation ayant invalidé ce type d’exclusion de garantie, non formelle et limitée dans leur objet :

« …la clause excluant la garantie de l'assureur de la copropriété en cas de défaut d'entretien ou de réparation caractérisé et connu de l'assuré ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées et qu'elle ne peut ainsi recevoir application en raison de son imprécision… »

 Cass. 2e civ., 6 oct. 2011, n° 10-10.001, n° 1644 F - P + B : RGDA 2012, p. 327

Cass. 3e civ., 26 sept. 2012, n° 11-19117

Cass. civ. 2, 15-01-2015, n° 13-19.405, F-D

 

  • Pour contester le refus d’indemnisation qu’opposerait votre assureur habitation, il conviendra de faire réaliser une mission de diagnostic géotechnique G5 par un géotechnicien, lequel vérifiera, notamment, la composition du sol d'assise des fondations de votre maison, lui permettant de donner son avis sur le facteur principal de l’apparition des désordres structurels observés sur votre maison.

 

Cette mission de diagnostic géotechnique G5 permet d'apporter la preuve à votre assureur habitation :

-    D’une part, que la maison a subi des désordres causés par un mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et la réhydratation des sols (RGA),

-      D’autre part, que les conséquences de la sensibilité des argiles aux variations hydriques n’ont été qu’aggravées lors de leur dessication en période de sécheresse par, notamment, des facteurs tels que l’effet de la succion opérée par les racines des arbres à proximité de la zone d’influence géotechnique.

Si ce rapport de mission G5 ne suffisait pas à convaincre votre assurance habitation de mobiliser la garantie « catastrophe naturelle » de votre contrat, alors il conviendrait de faire désigner un Expert Judiciaire – Expert du Tribunal Judiciaire, impartial et indépendant, lequel sera chargé de donner son avis sur la cause déterminante des désordres structurels affectant votre maison.

 

Le Cabinet Sylvie MARCILLY se tient à votre disposition pour étudier les réponses apportées par votre assureur multirisque habitation à vos déclarations de sinistre « catastrophe naturelle – sécheresse ».