Il est constant que :
« Ce poste comprend les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d’un habitat en adéquation avec ce handicap après la consolidation. Il inclut non seulement l’aménagement du domicile préexistant mais éventuellement le surcoût financier engendré, soit par l’acquisition d’un domicile mieux adapté, soit par la location d’un logement plus grand. Il intègre les frais nécessaires pour que la victime handicapée puisse disposer d’un autre lieu de vie extérieur à son logement habituel de type foyer ou maison médicalisée. Il comprend aussi les frais de déménagement et d’emménagement »[1].
Aussi, la victime est-elle en droit de solliciter la prise en charge des dépenses nécessaires pour lui permettre de bénéficier d’un habitat adapté à son handicap.
Madame X membre de la Communauté des Gens du voyage, n’a cessé de parcourir les routes de France au volant de sa caravane, où elle habitait et travaillait entourée de sa famille et de ses proches depuis son enfance.
Dans le cadre de son rapport d’expertise judiciaire, le Docteur Y a relevé que Madame X était désormais dans l’impossibilité de conduire sa caravane-habitation, du fait de la perte totale de son acuité visuelle au niveau de l’œil droit.
Cette situation la contraint à se sédentariser, ce qui est contraire à son mode de vie et ce dont elle souffre.
C’est ainsi qu’aux termes d’un jugement en date du 11 juin 2020[2], le Tribunal Administratif de PARIS a très justement relevé que :
« Il résulte de l’instruction que, du fait de la perte de vision de son œil droit, Mme BOULANGER ne peut plus conduire sa caravane, qui constituait son habitation principale, et doit désormais se reloger dans un logement sédentaire ».
Néanmoins, en limitant à la somme de 42.000 € l'indemnisation de ce poste de préjudice, le Tribunal n'a manifestement pas pris la mesure de l'ampleur du préjudice subi par Madame X et de l'impact que représente la sédentarisation forcée à laquelle elle a été contrainte.
La Cour Administrative d’appel de Paris est donc saisie du litige actuellement pendant.
Aussi n’est-il pas contestable que la sédentarisation de Madame X est en relation directe et certaine avec les faits litigieux, pour avoir été rendu nécessaire en raison de son handicap et au mode de vie qu’il lui impose.
Elle a toujours vécu en caravane, d'abord avec ses parents, puis avec son conjoint et ses enfants. Ce dernier est élagueur et la famille se déplaçait dans toute la France.
Aussi, Madame X n’avait que très peu de dépenses liées à son logement : l’essence ou les éventuels frais d’entretien, tout au plus.
Deux mois après l'accident médical, le couple s'est séparé, Madame X restant seule avec ses trois enfants.
Elle vit actuellement dans une maison dont elle règle les charges courantes : loyer, eau, électricité, impôts.
Or, le coût de la vie en caravane est très inférieur à celui de la vie en maison.
Plus encore, le prix d’achat d’un bien immobilier se révèle sans commune mesure avec celui d’une caravane.
Dès lors, la somme de 42 000 € telle qu’allouée par le Tribunal ne permet absolument pas à la victime de bénéficier d’un logement adapté à son handicap.
En tout état de cause, et au-delà de ces considérations, Madame X entend solliciter la prise en charge des dépenses nécessaires pour lui permettre de bénéficier d’un habitat adapté à son handicap, conformément à la jurisprudence habituelle :
En ce sens, voir par exemple :
- Civ. 2, 3 mars 2016, n° 15-16271 : censure de l’arrêt de cour d’appel qui a limité l’indemnisation aux seuls coûts d’aménagement de l’habitation acquise.
« Attendu que, pour limiter l'indemnisation de M. X... et le débouter de sa demande tendant à voir condamner l'assureur à lui payer le prix du bien dont il a fait l'acquisition, l'arrêt énonce que la victime d'un accident de la circulation ayant entraîné la survenance d'un handicap nécessitant un aménagement de son logement est en droit de réclamer l'indemnisation des frais de logement aménagé, lesquels incluent non seulement l'aménagement du domicile, mais aussi le surcoût découlant de l'acquisition d'un domicile mieux adapté au handicap, permettant par exemple l'usage d'un fauteuil roulant, comme en l'espèce ; que dans l'hypothèse de l'acquisition d'un logement par la victime, dont le principe n'est pas discutable, il convient de déterminer la part du coût d'acquisition du logement en relation de causalité avec l'accident, dans la mesure où, nonobstant l'accident, la victime aurait dû exposer des frais pour se loger ; qu'en application du principe de la réparation intégrale du préjudice, l'indemnisation de la victime est donc limitée aux frais d'aménagement spécial du logement en fonction des besoins de la victime pour qu'elle puisse y mener une vie normale sans ressentir de gêne ; qu'en l'espèce, l'indemnisation de M. X... au titre des frais de logement doit donc être limitée à la somme de 30 281, 39 euros correspondant aux divers aménagements nécessaires à l'adaptation du logement dont il a fait l'acquisition ;
Qu'en limitant ainsi l'indemnisation de M. X... au seul coût des aménagements de son habitation, alors qu'elle constatait que, du fait des séquelles de l'accident, la nécessité de l'acquisition par la victime d'un logement adapté n'était pas discutable, ce dont il résultait qu'une telle acquisition était une conséquence de l'accident, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le principe susvisé ; »
- Civ. 2, 18 mai 2017, n° 16-15912, D. 2017.2227 : raisonnement approuvé par la Cour de cassation quant à l’indemnisation au titre des frais d’acquisition d’un terrain et de la construction d’un logement adapté.
« Mais attendu qu'ayant relevé que M. A..., qui était âgé de 26 ans au jour de l'accident, résidait au domicile de ses parents, lequel est devenu inadapté aux besoins de son handicap, que l'importance de ce handicap et l'usage permanent d'un fauteuil roulant justifient, selon le rapport d'expertise, des aménagements du logement suffisamment lourds pour qu'ils soient incompatibles avec le caractère provisoire d'une location, que le changement de lieu de vie n'est donc pas un choix purement personnel mais a été provoqué par les séquelles de l'accident, qu'il n'est d'ailleurs pas démontré que le coût financier de l'acquisition d'un immeuble déjà construit et de ses travaux d'adaptation soit inférieur à l'option prise par la victime de faire construire en tenant compte des contraintes matérielles de son handicap, que les frais que M. A... a dû engager pour acquérir un terrain et faire construire un logement adapté à son handicap sont directement imputables aux séquelles provoquées par l'accident, la cour d'appel en a exactement déduit que la victime devait être indemnisée des frais d'acquisition d'un logement adapté » ;
Force est ainsi de constater que les frais d’acquisition d’un bien adapté au handicap entrent dans les frais de logement et sont indemnisables en tant que tels.
En l’espèce, Madame X justifie avoir acquis un bien immobilier d’une valeur de 240 000 € en janvier 2020.
Il y a lieu d’attendre la décision de la cour administrative qui ne manquera pas d’intérêt.
A suivre.
Maître Vincent RAFFIN, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit médical et dommages corporels, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges.
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[1] Nomenclature Dintilhac
[2] TA PARIS N°1920727/6-3
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