Dans le cadre des procédures contentieuse, l’ONIAM, face à un rapport qui lui est défavorable, conteste ce rapport et sollicite une contre expertise..
L’Office considère en effet que le rapport d’expertise établi dans le cadre de la procédure amiable devant la CCI ne lui serait pas opposable, de sorte que la juridiction ne saurait entrer en voie de condamnation à son encontre sur la base de ce rapport, même à titre provisionnel.
Cette analyse appelle plusieurs séries d’observations.
Tout d’abord, l’ONIAM a tout le loisir de participer à ces opérations d’expertise s’il le souhaite dès lors que la CCI l’informe d’une telle expertise conformément aux dispositions de l’article L.1142-12 du code de la santé publique.
Ensuite, la jurisprudence la plus constante à la fois de la Cour de Cassation et du Conseil d’État juge régulièrement qu’un rapport d’expertise amiable constitue un document de preuve parfaitement recevable au même titre qu’un rapport d’expertise judiciaire.
L’ONIAM ne peut d’autant moins l’ignorer qu’il était parti à ces litiges ayant donné lieu à ces solutions jurisprudentielles !
C’est ainsi par exemple la Cour Administrative d’appel de Marseille qui juge que :
« Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports initial et complémentaire des experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, que M. A... a été victime, […] ; que le taux du déficit fonctionnel permanent étant évalué à 30 %, les dommages subis par M. A... résultant de cette infection ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale en application des dispositions précitées de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ; »[1]
L’ONIAM avait même formé un pourvoi contre cet arrêt, pourvoi rejeté le Conseil d’Etat validant le raisonnement de la Cour Administrative d’Appel :
« Considérant, d’une part, qu’il ressort du rapport des experts désignés par la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, auquel s’est référé le juge des référés, que les graves complications dont M. A...a été victime à la suite de la transplantation dont il a bénéficié le 21 novembre 2012, qui ont entraîné un taux de déficit fonctionnel permanent évalué à 30 %, […], le juge des référés de la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’en en déduisant que l’existence de l’obligation à la charge de l’ONIAM présentait le caractère non sérieusement contestable exigé par les dispositions de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, il n’a entaché son ordonnance d’aucune erreur de qualification juridique. »[2]
Aussi, l’argumentation développée par l’ONIAM ne résiste-t-elle décidément pas à l’examen[3].
Ce n’est d’ailleurs là qu’une application jurisprudentielle en cette matière qui n’est que la déclinaison de la jurisprudence plus générale et la plus constante à la fois du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation, lesquels jugent régulièrement qu’un rapport d’expertise amiable constitue un document de preuve parfaitement recevable et ce, même s’il n’a pas été établi de manière non contradictoire.
C’est ainsi que la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation a déjà eu l’occasion de juger à plusieurs reprises, au visa de l’article 16 du Code de Procédure Civile, que :
« Tout rapport amiable peut valoir à titre de preuve, dès lors qu’il est soumis à la libre discussion des parties. »[4]
C’est encore, la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation qui a repris la même formule et sanctionne le Juge qui refuse d’examiner un rapport d’expertise amiable soumis aux débats contradictoire[5].
De même, la 3ème Chambre Civile abonde en ce sens.[6]
De même, le Conseil d’Etat a jugé qu’une Cour Administrative d’Appel pouvait refuser de prescrire une expertise judiciaire dès lors qu’une expertise amiable avait déjà été diligentée. [7]
C’est en outre la Cour Administrative d’Appel de Lyon qui considère que le Tribunal Administratif peut « retenir à titre d’information » un rapport d’expertise amiable qui a pu être discuté dans le cadre de la procédure juridictionnelle. [8]
Il s’en évince donc qu’un rapport d’expertise amiable est parfaitement recevable à partir du moment où il est versé aux débats en temps utile et soumis à la libre discussion des parties.
Rien ne fait donc obstacle à ce qu’une juridiction se fonde sur les constatations d’une expertise amiable, et encore moins lorsqu’il s’agit d’une expertise diligentée par la CCI dont on connaît les garanties.
Ainsi, et à l’instar de la Cour Administrative d’appel de Bordeaux, les juges n’hésitent d’ailleurs pas à se baser sur les conclusions d’un tel rapport.
Ainsi par exemple, dans une affaire jugée par la Cour administrative d’appel de Bordeaux, l’ONIAM sollicitait une expertise judiciaire en faisant valoir que l’expertise diligentée par la CCI ne lui était pas opposable dans la mesure où il n’avait pas été appelé à présenter ses observations à l’occasion de celle-ci.
Sa demande a été rejetée par la Cour Administrative d’Appel au motif que :
« La circonstance que l’ONIAM n’a pas été appelé à assister aux opérations d’expertise prescrites par la commission régionale d’indemnisation des accidents médicaux, qui avait été saisie par les époux X, d’une demande de règlement amiable…, ne fait pas obstacle à ce que les rapports des experts désignés par cette commission qui ont été communiqués à l’ONIAM et ont pu être discutés par ce dernier dans le cadre de la procédure juridictionnelle soient retenus à titre d’élément d’information ; que la Cour disposant , du fait de l’ensemble des données recueillies par l’instruction, de tous les éléments d’information nécessaires à la solution du litige, il n’y pas lieu d’ordonner une expertise »[9].
La Cour d’Appel de Paris poursuit le même raisonnement :
« Quant au fait que l’expertise de la CCI n’a pas été réalisée au contradictoire du Docteur A… et de l’ONIAM, il ne saurait non plus justifier à ce stade une nouvelle mesure d’instruction dès lors que tout rapport d’expertise amiable peut valoir à titre de preuve lorsqu’il est soumis à la libre discussion des parties et qu’il peut permettre à une juridiction de retenir la responsabilité d’un tiers aux opérations d’expertise s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve »[10].
C’est encore la Cour d’Appel de Versailles qui a pu juger que :
« Il est exact qu’aucune des deux expertises Ville et Milliez n’ont été contradictoires à l’égard de l’ONIAM, et n’ont qu’une valeur informative à son égard. Néanmoins, l’ONIAM a été en mesure de les discuter au cours des débats, et, outre ces deux rapports, de nombreuses pièces techniques, soit les pièces 13 à 26 des Consorts Z, ont été produites, que l’ONIAM a pu également discuter. L’ampleur des développements qu’il y consacre dans ses écritures montre d’ailleurs qu’aucun des aspects techniques du litige ne lui a échappé. En outre, l’apport d’une nouvelle expertise, uniquement sur pièce, entreprise 13 ans après les faits, est illusoire (…) Le Tribunal a dès lors justement estimé qu’une nouvelle expertise était inutile et l’ONIAM sera par ailleurs débouté de sa demande tendant à voir prononcer l’inopposabilité à son égard des rapports d’expertise Ville et Milliez ».[11]
Il en résulte qu’une telle expertise peut parfaitement constituer un moyen de preuve en justice, d’autant plus lorsque les experts désignés par la CCI ont été chargés d’une mission complète et qu’ils possédaient toutes les garanties de compétences et d’impartialité pour s’en acquitter.
Ce débat n’est d’ailleurs pas nouveau et a poussé la Cour des Comptes à prendre des recommandations explicites en la matière afin d’inviter le législateur à trancher la question de manière définitive et ce, à l’aune de la logique initiale du dispositif indemnitaire prévu par la loi KOUCHNER du 4 mars 2002 :
« La Cour formule en conséquence les recommandations suivantes :
1. restaurer la logique institutionnelle initiale du dispositif d’indemnisation amiable en recourant à la loi pour affirmer l’opposabilité des avis des CCI à l’ONIAM »[12].
Cette recommandation est d’autant plus justifiée lorsque l’on sait que l’ONIAM est pleinement informé de la mise en place de telles expertises et qu’il est même invité à y participer, et qu’il est également en mesure, en tant que membre à part entière de la CCI, de s’opposer aux conclusions expertales ou de les contester devant la Commission.
[1] CAA MARSEILLE 28/06/2016 N° 15MA02391
[2] CE 9 06 2017 N°401497 ONIAM C/ M.A…
[3] V. aussi CE 21 03 2011 N°334501 ONIAM C/ CH SAINTES
[4] Cass. 1ère Civ., 24 sept. 2002, n°01-10739 ; Cass. 1ère Civ., 11 mars 2003, n°01-011430 ; Cass. 1ère Civ. 28 janv. 2010, n°08-21743.
[5] Cass. 2ème Civ., 18 juin 2009, n°08-12671 ; Cass. 2ème Civ. 12 févr. 2004, n°02-15460.Cass 2ème Civ 4 juin 2015.
[6] Cass. 3ème Civ., 29 févr. 2012, n°10-26653 ; Cass. 3ème Civ, 13 janv. 2009, n°07-21521, Cass. 3ème Civ, 17 janv. 2012, n°11-10863.
[7] CE, 4 oct. 2010, n°332836, Juris-data n°2010-017835, Rec. CE, 2010, (tables).
[8] CAA Lyon 6ème Chambre, 5 avr., 2012, n°10LY01815, ONIAM.
[9] CAA Bordeaux 24 février 2009 N°08BX01473
[10] CA Paris 22 juin 2017 16/04095
[11] CA Versailles 7 janvier 2016 n°14/06184
[12] Rapport annuel de la Cour des Comptes sur le fonctionnement de l’ONIAM, 2017
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