La fraude bancaire connaît une progression constante en France. Phishing, faux conseillers bancaires, virements frauduleux, spoofing, usurpations d’identité ou paiements non autorisés touchent désormais un public large, particuliers comme professionnels. Si le cadre juridique offre une protection renforcée aux victimes, appuyée par les décisions jurisprudentielles, la pratique montre pourtant que les établissements bancaires opposent systématiquement un refus de remboursement, fondé sur une interprétation très discutable des textes applicables.
Cette situation révèle un décalage persistant entre les obligations légales pesant sur les banques et leur mise en œuvre concrète.

 

Le principe du remboursement des opérations non autorisées.

Le Code monétaire et financier, aux dispositions des articles L133-18 et suivants, consacre un principe clair : toute opération de paiement non autorisée doit être remboursée par le prestataire de services de paiement. Cette règle est issue tant du droit interne que de la directive européenne DSP2, dont la philosophie est de faire peser une obligation de prise en charge par les banques et d’aider les victimes de fraude bancaire afin de continuer à rendre attractifs les moyens de paiement et opérations en ligne et qui impose donc aux établissements bancaires des obligations renforcées en matière de sécurité des moyens de paiement.

Les banques sont ainsi tenues de mettre en place des dispositifs d’authentification forte pour les opérations sensibles, d’assurer une surveillance effective des transactions et de détecter les opérations atypiques ou incohérentes au regard du profil du client. Ce qui, clairement, n’est pas toujours appliqué.

Le refus de remboursement n’est admis par le Code monétaire et financier que dans des hypothèses strictement limitées. Il appartient à la banque de démontrer soit une fraude intentionnelle du client, soit une négligence grave de sa part. À défaut, le remboursement est de droit.

L’invocation abusive de la notion de négligence grave.

Dans la pratique, les établissements bancaires invoquent donc quasiment toujours la négligence grave pour justifier leur refus de remboursement. Cette notion est mobilisée dans des situations variées : réponse à un message de phishing, communication d’informations à un tiers se présentant comme un conseiller bancaire, ou validation d’une opération sous l’effet d’une pression psychologique.

Or, la jurisprudence est constante : une simple imprudence ou une erreur ponctuelle ne saurait suffire à caractériser une négligence grave. Celle-ci suppose un comportement manifestement fautif, apprécié strictement par les juridictions.

La Cour de cassation rappelle régulièrement que la charge de la preuve pèse exclusivement sur la banque et que cette preuve doit reposer sur des éléments objectifs et techniques.

En l’absence de démonstration précise, le refus de remboursement apparaît juridiquement fragile, voire infondé.

Des fraudes aux schémas désormais identifiés.

Les mécanismes de fraude bancaire sont aujourd’hui bien connus même s’ils continuent toutefois sans cesse d’évoluer et de changer de visage. Ils prennent notamment la forme de courriels ou de sms imitant l’identité de l’établissement bancaire, d’appels téléphoniques usurpant le numéro officiel de la banque, de virements validés sous contrainte ou manipulation, ou encore d’usurpations d’identité conduisant à l’ouverture de comptes ou à la souscription de crédits.

Dans un grand nombre de dossiers, les opérations litigieuses présentent pourtant des anomalies évidentes : montants inhabituels, bénéficiaires inconnus, fréquence anormale des transactions. Ces éléments auraient dû conduire la banque à renforcer ses contrôles ou à bloquer l’opération.

Quoi qu’il en soit, il se trouve que, quel que soit le dossier, quels que soient les faits et le contexte de la fraude, la Banque, sans prendre le temps d’analyser le dossier au cas par cas, refuse bien souvent catégoriquement d’indemniser.

Une responsabilité bancaire de plus en plus reconnue par les juridictions.

Les juridictions civiles sanctionnent de plus en plus les établissements bancaires qui n’ont pas respecté leurs obligations de vigilance et de sécurité. Sont notamment mis en cause les manquements à la détection des opérations manifestement atypiques, l’absence d’authentification forte conforme aux exigences de la DSP2 ou encore la validation de transactions incohérentes avec le comportement habituel du client.

Le défaut de réaction rapide après le signalement d’une fraude est également analysé comme un manquement susceptible d’engager la responsabilité de la banque.

Le contentieux, un levier pour rétablir l’équilibre contractuel.

Face à un refus de remboursement, de nombreux clients renoncent à toute contestation, estimant la position bancaire définitive. C’est ce que cherche d’ailleurs la banque, afin d’écrémer les dossiers de litiges.

Pourtant, l’analyse juridique des dossiers révèle fréquemment des défaillances dans les dispositifs de sécurité ou une absence de preuve caractérisant une négligence grave.

Le contentieux permet alors de rééquilibrer une relation contractuelle marquée par une asymétrie technique et informationnelle, l’établissement bancaire disposant de moyens largement supérieurs à ceux du client.

Une évolution jurisprudentielle favorable aux victimes.

Les décisions récentes témoignent d’une évolution notable de l’approche judiciaire. Les juges examinent désormais de manière approfondie le comportement de la banque, ses procédures internes et les conditions concrètes de validation des opérations litigieuses, sans se satisfaire d’arguments génériques.

Cette exigence accrue contribue à renforcer la protection des clients, bénéfique et surtout indispensable pour sécuriser le monde bancaire, et à rappeler que la prévention et la gestion de la fraude bancaire relèvent avant tout de la responsabilité des établissements financiers.

Le refus de remboursement opposé par les banques à la suite d’une fraude bancaire n’est donc pas nécessairement, par principe, légitime. Le cadre légal impose aux établissements des obligations strictes de sécurité et de vigilance, dont le non-respect engage leur responsabilité.

Dans un contexte de sophistication croissante des fraudes, l’examen critique des décisions bancaires apparaît essentiel pour garantir l’effectivité des droits des victimes et le respect du droit des moyens de paiement.

Virginie Audinot, Avocat
Barreau de Paris
Audinot Avocat
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