Procédure d'appel et procès équitable

 

Cour de cassation - Chambre civile 2

  • N° de pourvoi : 22-15.408
  • ECLI:FR:CCASS:2024:C200460
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Annulation

Audience publique du jeudi 23 mai 2024

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 01 mars 2022

Avocat(s)

Me Bouthors

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mai 2024




Annulation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 460 F-D

Pourvoi n° C 22-15.408





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 MAI 2024

M. [H] [J] [U], domicilié c/ M. [L] [H], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-15.408 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige l'opposant au procureur général près la Cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, service civil, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01, défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de M. [J] [U], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présentes, Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2022), M. [J] [U] a relevé appel, le 3 mai 2020, du jugement d'un tribunal judiciaire ayant dit qu'il n'est pas français.

Examen du moyen

Sur le moyen d'annulation, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. [J] [U] fait grief à l'arrêt de constater la caducité de la déclaration d'appel faute pour l'appelant de formellement solliciter « l'infirmation » ou « l'annulation » du jugement entrepris dans le dispositif de ses conclusions d'appel alors « que la règle prétorienne nouvelle, déduite de la combinaison des articles 542 et 954 du code de procédure civile, suivant laquelle la déclaration d'appel est caduque quand le dispositif des conclusions de l'appelant ne contient pas formellement une demande d'infirmation ou d'annulation du jugement entrepris (2 ème Civ. 17 septembre 2020, n° 18-23.626) n'est pas applicable aux instances introduites par une déclaration d'appel antérieure au prononcé de l'arrêt de revirement précité du 17 septembre 2020 ; qu'en constatant en l'espèce la caducité de l'appel faute pour les conclusions de l'appelant déposées le 30 juillet 2020 de s'être conformées aux exigences nouvelles de rédaction du dispositif des conclusions d'appel, la cour a fait une application rétroactive de la règle nouvelle de procédure issue de l'interprétation des articles 542 et 954 du code de procédure civile, en violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile :

3. L'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954.

4. Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel.

5. À défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement.

6. Ainsi, l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies (2 e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 20-15.766, publié).

7. Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2 e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

8. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt, après avoir relevé que la déclaration d'appel a été remise le 3 mai 2020, retient que les conclusions de M. [J] [U], notifiées le 30 juillet 2020, comportent un dispositif ne concluant pas à l'infirmation totale ou partielle du jugement déféré et qu'à défaut pour l'objet du litige d'être, dès lors, déterminé, la caducité de la déclaration d'appel doit être constatée.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 3 mai 2020, l'application de cette règle de procédure aboutissant à priver M. [J] [U] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200460

Publié par ALBERT CASTON à 17:46  

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