L’article 6 de la CEDH a été conçu dans l’optique d’une justice équilibrée.

 

Notion cardinale du procès, la jurisprudence en la matière est vaste et accroit les exigences pour que chacun puisse avoir droit à un procès équitable.

 

Le mineur étant un sujet de droit, toute procédure le concernant doit respecter les droits fondamentaux, notamment celui de voir sa cause défendue par le défenseur de son choix.

 

Invariablement, la procédure d’assistance éducative est considérée comme atypique au regard de la place particulière de l’enfant dans la procédure.

 

Malgré son incapacité juridique, le mineur est dans cette procédure un véritable acteur et détient des droits : saisir lui-même le juge, le droit d’être entendu, choisir d’être assisté d’un avocat.

 

La procédure d’assistance éducative a été réformée par le Décret du 15 mars 2002. Cette réforme était destinée à renforcer les droits fondamentaux des familles notamment le respect de la vie privée et familiales et les droits procéduraux. L’accès au dossier par les parties tout au long de la procédure a été consacré ce qui a renforcé le principe du contradictoire.

 

Vingt ans plus tard, les exigences du procès équitable grandissant, un état des lieux des droits procéduraux du mineur dans la procédure d’assistance éducative s’impose, notamment sur la désignation ou non de l’avocat dans une procédure d’assistance éducative.

 

En ressort des droits procéduraux conditionnés par le discernement de l’enfant, entraînant un régime âpre, déséquilibré par la pratique.

 

1. Le conditionnement de droits procéduraux au discernement de l’enfant

 

La philosophie de l’assistance éducative influe sur les règles procédurales et place le juge au centre de la procédure.

 

La crise sanitaire a pu heurter certains droits procéduraux : mineur non convoqués aux audiences, reports multiples et successifs d’audiences.

 

Face à cette crise, le rôle de l’avocat du mineur dans la procédure d’assistance éducative ne cesse de croitre.

 

En effet, son indépendance face au litige des parents et des services éducatifs, sa capacité d’écoute et de rapporter la parole de l’enfant paraissent être des piliers indispensables.

 

Cependant, la désignation de l’avocat n’est pas obligatoire et le régime est loin d’être harmonisé.

 

L’article 1186 du code de procédure civile précise :

« Le mineur capable de discernement, les « parents », le tuteur ou la personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié peuvent faire choix d’un conseil ou demander au juge que le bâtonnier leur en désigne un d’office. La désignation doit intervenir dans les huit jours de la demande. Ce droit est rappelé aux intéressés lors de la première audition. »

 

Cet article participe à garantir un procès équitable en permettant au mineur d’obtenir un conseil et de voir ainsi préserver ses droits et la régularité de la procédure d’assistance éducative.

 

La rédaction ambivalente de l’article suscite de nombreux questionnements.

 

L’article 1186 du code de procédure civile vise uniquement le mineur capable de discernement.

 

Ainsi, un mineur non discernant ne peut donc pas demander seul à être assisté d’un avocat. Une potentielle désignation reste tributaire de la diligence des autres parties à la procédure.

 

C’est donc bien le discernement qui conditionne une partie des droits procéduraux.

 

Or, c’est au juge des enfants que revient la charge de déterminer le discernement de l’enfant. Il lui revient de vérifier par exemple, que le mineur ne subisse pas de pression de la part de ses représentant légaux. (Cass 1ère civ 23 novembre 2011).

 

Force est de constater que cette détermination du discernement soulève plusieurs difficultés.

 

Tout d’abord, le moment où le mineur est désigné discernant.

 

Le droit d’avoir un conseil est rappelé au moment de la première audition. Le juge des enfants statue sans avoir vu le mineur se basant sur les éléments du dossier.

 

Ensuite, la base sur laquelle un mineur est désigné discernant.

 

Bien souvent, les seuls éléments au dossier seront les rapports éducatifs, voire uniquement le signalement.

 

A partir de 13 ans, le mineur sera dans la plupart des cas déclaré discernant. Cela sera bien moins aisé, pour les 7-13 ans, le critère du discernement étant subjectif et variable, aucune sécurité juridique n’est attachée à la désignation ou non d’un avocat.

 

Des enfants non discernant sont pourtant entendus et auditionnés mais non assistés.

 

Si pour certain, le cas par cas est gage d’une justice plus proche du mineur, dans ce cas, la subjectivité du critère dessert la représentation du mineur et donc la garantie d’un procès équitable.

 

Enfin et surtout, qu’est-ce que le discernement ? Les études sont multiples sur la question.

 

Le dictionnaire LAROUSSE indique en deuxième sens qu’il s’agit de la : « Faculté d'apprécier sainement les choses ; intelligence, sens critique »

 

Un mineur ne peut-il pas être discernant sur tel ou tel question et pas sur une autre ?

 

Un mineur de 4/5 ans commence à percevoir les notions de « bien et de mal » pour autant, il ne saurait pas les qualifier et avoir de sens critiquer face à un acte. Est-ce que cela signifie qu’il n’a pas sa place en assistance éducative et qu’il ne doit pas être assisté d’un avocat ?

 

Nous ne le pensons pas.

 

Cela est d’autant plus regrettable qu’en cas de non discernement les droits procéduraux des mineurs sont peu clairs.  

 

2. Un régime applicable variable

 

L’article 375-1 du code civil précise que lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige, le juge peut lui-même procéder à la désignation d’un avocat par le biais du bâtonnier et demander la désignation d’un administrateur ad-hoc.

 

Il est vrai qu’au regard de l’article 388-2 du code civil, si le mineur n’est pas doté du discernement suffisant le juge ne peut pas désigner un avocat d’office mais doit désigner un administrateur ad hoc.

 

Il revient ensuite à cet administrateur ad hoc de faire le choix ou non d’un avocat.

 

Cette désignation est gage de bonne administration de la justice (même si cela accroit, parfois, les délais de procédure).

 

Sauf qu’en pratique, la désignation d’un administrateur ad hoc n’est pas courante.

 

La pratique reste non uniforme au sein même des tribunaux :

 

Y a-t-il désignation ou non d’un avocat pour un mineur non discernant ?

Y a-t-il désignation ou non d’un administrateur ad hoc ?

Quid lorsque les parents sont d’accord pour que leur enfant non discernant ait un avocat ? Quelle est alors la marche à suivre ?

Quid en cas de conflit sur le discernement de l’enfant ?

 

L’application du régime procédural varie au grès des conceptions des juges pour enfants.

 

L’avocat doit donc faire face à une pratique fluctuante et un régime procédural peu clair, ce qui est regrettable.

 

Priver un mineur non discernant d’un avocat atténue l’importance de la parole de l’enfant, enfant pourtant censé être au cœur de la procédure en matière d’assistance éducative.

 

Au final, n’est ce justement pas quand un mineur n’est pas capable de discernement qu’il y a le plus besoin d’un renforcement des droits procéduraux ?

 

La désignation systématique de l’avocat dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative serait gage de sécurité juridique et encadrerai la procédure.

 

Cela répondrait aux exigences de l’article 6 de la CEDH.

 

Depuis le 20 avril 2020, l’expérimentation est en place devant le Tribunal judiciaire de Nanterre et les retours démontrent que cela est positif et que le seul frein est financier.

 

L’avocat du mineur est gratuit pour ce dernier et bénéficie de l’aide juridictionnelle garantie.

 

La question du financement par l’Etat demeure donc un frein important.

 

Florie-Anne GUIDAT

Élève-avocate

 

Alrick METRAL

Président du CRIC

Spécialiste en Droit de la Famille, des Personnes et de leur Patrimoine

 

* Article paru dans le Troisième numéro de la Revue des Libertés Fondamentales du Barreau de Bordeaux (Juin 2022)