Lorsqu'un proche devient vulnérable, la tentation est grande de vouloir le protéger au maximum. La curatelle renforcée, où un curateur perçoit les revenus et règle les dépenses de la personne, peut sembler la solution la plus sécurisante. Pourtant, la Cour de cassation a récemment rappelé, dans deux décisions importantes, que cette mesure lourde ne peut pas être prononcée à la légère.
L'éclairage de la justice en deux temps
Deux arrêts récents illustrent parfaitement cette exigence de justification précise :
-
Pour maintenir une mesure : Dans une première affaire, la justice a rappelé que pour refuser de mettre fin à une curatelle, le juge ne peut pas se baser sur une évaluation ancienne. Il doit vérifier, au jour où il prend sa décision, que la personne a toujours besoin d'être protégée et expliquer pourquoi.
-
Pour instaurer une mesure renforcée : Dans la seconde affaire, une Cour d'appel avait mis en place une curatelle renforcée pour une mère de famille. La Cour de cassation a annulé cette décision pour une raison simple : les juges n'avaient pas pris la peine de rechercher si cette personne était réellement incapable de gérer son budget au quotidien. Ils s'étaient contentés de motifs généraux sur son état de santé, ce qui n'est pas suffisant.
Le principe clé : une inaptitude budgétaire doit être prouvée
L'enseignement principal de ces décisions est clair : pour imposer une curatelle renforcée, il ne suffit pas de constater qu'une personne est "vulnérable". Le juge doit vérifier concrètement si elle est inapte à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale.
-
La curatelle dite simple est la mesure la plus légère et doit être prononcée en priorité : Si une personne a seulement besoin d'être assistée pour les actes importants (vendre un bien, faire une donation...), mais qu'elle peut gérer son budget, une curatelle simple doit être privilégiée.
-
La curatelle renfone peut être prononcée que si la curatelle simple n'est pas suffisamment protectrice : Elle est réservée aux situations où il est prouvé que la gestion financière personnelle est devenue impossible.
Au-delà du principe : les questions qui se posent en pratique
Si le principe est désormais bien établi, son application soulève de nombreuses questions complexes sur le terrain :
-
Comment prouver concrètement cette "inaptitude" à gérer un budget ? De simples relevés de compte sont-ils suffisants ?
-
Que faire si la personne fait des dépenses que sa famille juge "anormales" (cadeaux excessifs, dons...), mais qu'elle estime être de son plein droit ? Où se situe la limite ?
-
Quel est le poids réel du certificat médical dans cette évaluation ? Comment le contester s'il vous semble incomplet ou qu'il ne se prononce pas sur la gestion budgétaire ?
-
Si vous êtes en désaccord avec la demande d'un autre membre de la famille, comment argumenter pour une mesure moins contraignante et plus respectueuse de l'autonomie de votre proche ?
Naviguer dans ces "zones grises" est un exercice délicat. Le rôle de l'avocat est de vous aider à rassembler les bons éléments de preuve et à présenter au juge un argumentaire juridique solide, qui soit le plus conforme possible à la situation réelle et à l'intérêt de la personne à protéger.
La mise en place d'une mesure de protection est un acte lourd de conséquences. Un conseil en amont peut vous aider à évaluer si les conditions d'une curatelle renforcée sont réellement réunies et à défendre la solution la plus juste et la plus proportionnée.
Claudia CANINI
Avocat - Droit des majeurs protégés
#Curatelle renforcée #Curatelle simple #Tutelle #Mesure de protection juridique #Altération des facultés personnelles #Inaptitude à la gestion budgétaire #Perception et utilisation des revenus #Besoin d'assistance continue #Maintien de la mesure de protection #Demande de mainlevée #Décision du juge des tutelles #Motivation de la décision judiciaire #Droits des personnes protégées
Pas de contribution, soyez le premier