Pourquoi la distinction est importante ?

Le contrat de bail obéit à un cadre juridique propre. Le statut du bail commercial ou du bail professionnel prévoient des règles impératives, souvent protectrices des intérêts du locataire : durée minimale du bail, droit au renouvellement, encadrement de l’évolution du loyer, faculté de céder ou sous-louer, constitution d’un fonds de commerce, etc.

Rien de cela n’est applicable aux contrats de prestation de service, marqués par une forte liberté contractuelle.

 

Comment choisir ?

Les différents régimes présentent chacun leur intérêt et leur cas d’usage. Un professionnel n’a pas toujours intérêt à conclure un bail.

Quelques avantages du contrat de prestation de service :

  • Forte flexibilité sur la durée ;
  • Forte flexibilité sur les conditions de départ (préavis pouvant être très réduit) ;
  • Reporte des responsabilités sur le gestionnaire, notamment au niveau de l’entretien et des travaux ;
  • Possibilité de négocier un contrat sur mesure eu égard à la forte liberté contractuelle.

 

Quel est l’enjeu ?

L’enjeu principal est de sécuriser la rédaction du contrat, pour éviter une requalification, dans un sens ou dans un autre, qui mettrait en échec ce qu’ont prévues les parties.

Il y a également un enjeu pour l’exploitant du coworking, qui, s’il est locataire, ne peut sous-louer (via un bail) qu’avec l’accord de son propre bailleur et ne peut pratiquer une marge sauf à risquer qu’elle soit appréhendée par le bailleur.

Il y a enfin un enjeu fiscal (catégorie d’imposition, application de la TVA, etc.).

 

Quels critères de distinction ? 

Selon la Cour de cassation, un contrat de prestation de service implique que le “loyer” versé rémunère indissociablement tant la mise à disposition des locaux que des prestations de service spécifiques recherchées par les clients, telles que la mise à disposition de bureaux équipés, que les autres prestations fournies comme l'entretien, l'accueil, la sécurité, l'assurance et l’internet.

"10. Pour retenir la qualification de sous-location et faire droit à la demande de réajustement de loyers, l'arrêt relève que les contrats de mise à disposition d'un bureau aux entreprises mentionnent précisément le numéro de bureau ainsi que sa surface, qu'ils prévoient une contrepartie financière fixée notamment en fonction de la superficie du bureau et pas seulement par la prestation de services, que les entreprises ont un accès permanent à leur bureau, qu'elles s'engagent à le maintenir dans un bon état d'entretien et en assurent la fermeture et que la durée des contrats est fixée à un mois mais renouvelable par tacite reconduction. 11. Il en déduit que la prestation essentielle du contrat est la mise à disposition de bureaux à des tiers, de manière exclusive et sans limitation dans le temps, dès lors que les prestations fournies comme l'entretien, l'accueil, la sécurité, l'assurance et la wifi ne sont qu'accessoires à la fourniture de bureaux équipés. 12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la redevance fixée globalement rémunérait indissociablement tant la mise à disposition de bureaux équipés que les prestations de service spécifiques recherchées par les clients, la cour d'appel, par des motifs impropres à caractériser des contrats de sous-location au sens de l'article L. 145-31 du code de commerce, a violé les textes susvisés." (Cour de cassation, 27 juin 2024, n°22-22.823)

Ce courant jurisprudentiel semble relativement stable, puisqu’il est appuyé sur des décisions anciennes dans le même sens :

"les limitations à la jouissance des lieux dans le temps, les nombreuses prestations relatives à l'équipement et à l'entretien des locaux assurées par la société Les Ateliers de Danse, ainsi que le contrôle de l'accueil et de la sécurité conservés par cette dernière démontraient que le contrat passé avec l'Ifedem ne pouvait se réduire à une sous-location" (Cour de Cassation, 13 février 2002, n°00-17.994)

"ayant relevé que M. X... bénéficiait de la mise à disposition d'un bassin de piscine partagé avec d'autres utilisateurs et selon des horaires modifiables à tout moment, la cour d'appel, qui a retenu qu'en l'absence d'une libre disposition à usage exclusif de ce local, la convention signée entre les parties ne pouvait être qualifiée de bail, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision" (Cour de Cassation, 11 janvier 2006, n°04-19.736)

"La société 3 A Séminaires n'invoque aucune circonstance de la signature ni aucun autre élément contenu dans la convention propre à démontrer l'existence de la fraude alléguée ; La première convention signée le 26 août 1997 entre l'association Racing Club de France et M. ... pour une durée de un an concède à celui-ci le droit exclusif d'exploiter le point de restauration situé à Paris 7ème 5 rue d'Eblé dans les locaux dont Racing Club est locataire ; il y est prévu que l'exploitant prendra les locaux meublés et équipés et que Racing Club assurera tous les travaux d'entretien et de renouvellement des installations et équipements (peintures, moquettes, installations sanitaires..), que l'exploitant ne peut céder tout ou partie de ses droits et devra respecter les horaires d'ouverture et de fermeture, décidés par le comité du Racing Club de France, sauf dérogation spéciale et ne pourra faire aucune publicité de quelque nature que ce soit, sans accord préalable du Racing Club de France, précision faite dans la convention que la licence de boissons de quatrième catégorie appartient à la sci propriétaire des locaux qui la concède à l'exploitant pour les besoins de l'exploitation. De telles clauses concernant les conditions d'exploitation et les obligations des parties ne sont pas caractéristiques d'un bail commercial ; Il y est enfin stipulé que la convention ne relève pas de la législation des baux commerciaux

[...] Il s'ensuit que l'existence d'une fraude aux droits de la société 3A Séminaires de nature à faire échec à la prescription de l'article L 145-60 du code de commerce n'est pas établie et que l'action de la société 3 A Séminaires en requalification en bail commercial de la convention signée avec l'association Racing Club de France le 1er septembre 2004 était prescrite à la date de l'assignation introductive d'instance du 30 avril 2013." (Cour d’appel de Paris, 13 novembre 2013, n°11/18546)

 

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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

goulven.leny@avocat.fr - 06 59 96 93 12 - glenyavocat.bzh