Régime du droit de préemption commercial
Le droit de préemption commercial permet à une commune (ou l'intercommunalité en cas de délégation) d'exercer le droit de préemption dans le périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité délimité par délibération.
Dans le périmètre délimité, la commune bénéficie d'un droit de priorité pour acheter un bail commercial, un fonds de commerce, un fonds artisanal ou un terrain pouvant accueillir des commerces qui est vendu.
Avant tout projet de cession, le vendeur (ou son conseil) doit se renseigner auprès de la mairie pour savoir s'il existe un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité.
Si le bien objet de la cession est dans le périmètre de sauvegarde, le cédant doit adresser au maire une déclaration d'intention d'aliéner, en 4 exemplaires, soit par lettre recommandée avec avis de réception, soit par dépôt en mairie contre récépissé.
Déclaration d'intention d'aliéner, contenu et mentions obligatoires
Cette déclaration est établie selon un formulaire CERFA (Cerfa n° 13644*02) et doit indiquer les informations suivantes :
- Prix et conditions de la cession envisagée,
- Activité de l'acquéreur pressenti,
- Nombre de salariés du cédant et nature de leur contrat de travail,
- Chiffre d'affaires réalisé par le cédant,
- Le bail commercial.
"Cette déclaration précise le prix, l'activité de l'acquéreur pressenti, le nombre de salariés du cédant, la nature de leur contrat de travail et les conditions de la cession. Elle comporte également le bail commercial, le cas échéant, et précise le chiffre d'affaires lorsque la cession porte sur un bail commercial ou un fonds artisanal ou commercial." (Code de l'urbanisme, article L214-1).
Le silence gardé pendant deux mois sur une déclaration vaut renonciation à exercer le droit de préemption (Code de l'urbanisme, article L213-2). Ce délai peut être prorogé par une demande de complément de l'administration en cas de déclaration incomplète (même article).
La Commune ne peut prétende à une déclaration incomplète en raison d'un bail verbal ou de l'absence de rencontre avec l'acquéreur
Pour autant, la prorogation ne peut intervenir si le dossier en complet. En particulier, pour l'administration ne peut faire valoir que le dossier est incomplet au motif qu'il ne lui a pas été possible de rencontrer l'acquéreur pressenti ou d'obtenir un bail à son nom ou encore que le dossier ne comporte qu'un ancien bail, dès lors que le cédant indique à la déclaration qu'il n'y a pas de bail écrit :
"3. Il résulte de ces dispositions que le titulaire du droit de préemption dispose, pour exercer ce droit, d'un délai de deux mois qui court à compter de la réception de la déclaration préalable. Ces dispositions visent notamment à ce que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption sachent de façon certaine et dans de brefs délais s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation envisagée. Dans l'hypothèse d'une déclaration incomplète, le titulaire du droit de préemption peut adresser au propriétaire une demande de précisions complémentaires, qui proroge le délai de deux mois. En revanche, lorsqu'il a décidé de renoncer à exercer le droit de préemption, que ce soit par l'effet de l'expiration du délai de deux mois, le cas échéant prorogé, ou par une décision explicite prise avant l'expiration de ce délai, il se trouve dessaisi et ne peut, par la suite, retirer cette décision ni, par voie de conséquence, légalement exercer son droit de préemption.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la déclaration préalable du 1er novembre 2021 comprenait l'ensemble des informations prévues par l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme, à savoir : le prix de la cession, l'activité de l'acquéreur pressenti, le nombre de salariés du cédant, la nature de leur contrat de travail et les conditions de la cession. Elle comportait également le bail commercial et précisait le chiffre d'affaires. Par ailleurs, si la commune fait valoir que la déclaration préalable serait entachée d'une erreur substantielle affectant la consistance du bien, son prix ou les conditions de son aliénation, il ressort des pièces du dossier que la déclaration préalable indiquait que la cession portait sur un fonds de commerce et comprenait, à ce titre, la cession d'un droit à bail, que l'identité du bailleur était également indiquée et que, dès lors que le déclarant joignait à la déclaration préalable un bail commercial au nom d'un précédant exploitant, l'affirmation du cédant quant à l'absence de bail écrit ne pouvait être mal interprétée. En outre, les erreurs de plume quant à l'indication de la partie 5 du formulaire, la signature de certaines des copies de la déclaration et la révélation ultérieure de l'omission du prix de cession des marchandises n'étaient pas de nature à induire les services de la commune en erreur sur la consistance de la cession envisagée. En outre, aucune disposition de ce même article L. 241-1 n'autorise l'autorité dotée de pouvoir de préemption à demander une rencontre avec l'acquéreur pressenti, un bail à son nom, non plus qu'aucune des informations complémentaires demandées par le courrier du 22 novembre. Il en résulte que la déclaration préalable du 1er novembre 2021 étant complète, la demande de précision du 22 novembre 2021 n'a pas eu pour effet de proroger le délai d'exercice du droit de préemption qui a expiré le 4 janvier 2022. Par suite, la SARL " Marché d'Istambul " est fondée à soutenir que la décision de préemption, en date du 15 décembre 2021, qui lui a été notifiée le 7 janvier 2022 postérieurement à l'expiration des délais prévus par l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme est, pour ce motif, entachée d'illégalité." (Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise, 9 octobre 2024, n°2203639).
Le Tribunal précise que l'administration ne tient pas de la loi le pouvoir d'exiger une rencontre ou des documents qui ne sont pas visés par l'article L214-1 du Code de l'urbanisme. Il rappelle utilement que la copie d'un bail écrit n'est pa systèmatiquement requise, par exemple en période de tacite prolongation du bail commercial (Code de commerce, article L145-9) ou dans l'hypothèse d'un bail verbal, parfaitement valable reconnu par le jurisprudence (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 28 mai 2020, 19-10.056, Publié au bulletin).
La décision de préemption est donc annulée car tardive, la prolongation du délai pour préempter par la demande d'information complémentaire n'étant pas valable.
Précautions en cas de préemption
Recourir au droit de prémption est donc complexe et nécessite une évaluation préalable fine, tant pour s'assurer de la complétude et de l'exactitude de la déclaration d'intention d'aliéner que pour mesurer l'opportunité d'une demande de prolongation et sa validité.
Le cabinet est à votre écoute :
- Pour vous accompagner dans la procédure de préemption ;
- Pour vous aider à prévenir, mesurer, réduire et éviter les risques induits dans le cadre de vos opérations immobilières ;
- Plus globalement, sécuriser juridiquement vos projets immobilier et/ou de construction en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques et fiscaux ;
- Le cas échéant, défendre de vos intérêts devant les juridictions.
Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
goulven.leny@avocat.fr - 06 59 96 93 12 - glenyavocat.bzh
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