Les Cour administratives d'appel de Lyon et de Toulouse viennent de rendre deux décisions en complète opposition sur cette question.

 

Position de la Cour administrative d'appel de Lyon

Selon la Cour administrative d'appel de Lyon, une telle lettre est une mesure préparatoire qui ne peut être contestée devant le juge.

"2. En premier lieu, les courriers par lesquelles l'administration se borne à informer un administré de ce que des titres de perception seront ultérieurement émis pour la récupération de montants versés à tort au titre du fonds de solidarité précité, ont le caractère de mesures préparatoires à l'émission de ces titres. Le ministre est en conséquence fondé à soutenir que les conclusions de Mme B... dirigées contre des courriers du 2 novembre 2021 se bornant à l'informer de l'émission à venir de titres de perception et l'invitant à présenter des observations dans un délai de quinze jours, sont en conséquence irrecevables." (CAA de Lyon, 4 juillet 2024, n°23LY0284).

 

Position de la Cour administrative d'appel de Toulouse

La Cour d'appel de Toulouse adopte une position exactement contraire.

Dans cette affaire, il est question d'une lettre par laquelle l'administration expose qu'une des conditions de l'octroi d'une aide destinée aux entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 n'est pas remplie et indique que cette aide a été versée à tort.

Le juge considère que cette lettre retire une décision créatrice de droit et qu'elle est susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux. 

Le Tribunal Administratif avait jugé que ce courrier ne pouvait être attaqué, puisqu'il se limitait à annoncer l'émission d'un titre exécutoire ultérieur. La Cour n'a pas suivi cette analyse : 

"3. La décision par laquelle l'autorité administrative compétente notifie au bénéficiaire d'une décision créatrice de droits qu'elle retire cette dernière, même si elle est accompagnée ou suivie de l'émission d'un titre exécutoire, est susceptible d'un recours contentieux. La lettre du 12 mars 2021, intitulée " reprise de l'aide de 4 500 euros ", par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne a indiqué à M. B... que la vérification dont il avait fait l'objet avait révélé qu'il ne remplissait pas l'une des conditions d'éligibilité au fonds de solidarité et en a conclu qu'il avait à tort bénéficié des sommes perçues pour les mois de mars, avril et mai 2020, doit être regardée comme rapportant la décision créatrice de droits révélée par le versement de cette somme. Dans ces conditions, alors même qu'elle mentionne qu'un titre de perception sera ultérieurement émis à l'encontre de M. B... en vue de son recouvrement, cette lettre constitue une décision susceptible de recours contentieux.

4. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Toulouse, la demande de M. B... était recevable. Le jugement contesté est ainsi irrégulier et doit être annulé." (CAA de Toulouse, 12 septembre 2024, n°23TL00389).

 

Comment adapter ses pratiques pour face à cette hésitation de la jurisprudence ?

La position de la Cour administrative d'appel de Toulouse apparaît plus difficilement critiquable, en ce qu'elle est conforme à celle du Conseil d'Etat, qui a déjà jugé qu'une tellle lettre constitue une décision et doit en conséquence être motivée comme toute décision de retrait (Conseil d'Etat, 14 novembre 2018, n°411208).

Pour autant, une incertitude subsiste et administrations comme bénéficiaires doivent s'adapter.

Du côté des bénéficiaires, un recours à l'encontre de ces lettres paraît prudent, pour éviter des obstacles ultérieurs. Un recours contre le titre de recette émis ultérieurement alors que la lettre annonçant le retrait n'a pas été contestée pourrait être irrecevable. L'administration pourrait être tentée de faire valoir que le titre est émis en application d'une décision de retrait définitive pour ne pas avoir été contestée dans les délais.

Du côté des administrations, le respect d'une procédure contradictoire paraît devoir être adapté. Si la lettre annonçant le titre de perception est une décision de retrait, elle ne peut intervenir qu'après une procédure contradictoire (Code des relations entre le public et l'administration, article L121-1 ; Conseil d'État, 4 octobre 2021, n°438695 ; voir sur le blog : Subventions : le Conseil d'Etat précise les conditions procédurales de réfaction). La procédure contradictoire doit donc être mise en oeuvre avant l'envoi d'une lettre annonçant le retrait et l'émission à venir d'un titre exécutoire pour ne pas vicier la procédure.

 

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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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