Contractualisation du règlement de Lotissement

A propos Cour Cass 3èmeciv. 21/03/2019 Pourv. n° 18-11424 : Bull. civ. III

Les faits :

Par arrêté préfectoral du 16/03/1977, est autorisé sur une colline dominant Bandol un lotissement de 87 lots d’environ 1.000 m2chacun.

Un arrêté signé par le Maire de Bandol le 27 avril 2004, autorise la restructuration des lots 16, 17 et 18 en deux nouveaux lots 88 et 89.

Le lotissement est couvert par un règlement et par un cahier des charges.

Le règlement autorise une SHON de 270 m2et une emprise au sol de 165 m2.Son article 9 énonce qu’« il ne peut être édifié sur chaque lot qu’une seule construction principale comportant un seul logement. Chaque construction doit s’inscrire à l’intérieur des zones d’implantation figurant sur le plan de masse du lotissement (voir annexe IV du règlement). Ce plan a pour but de définir à l’intérieur de chaque lot une zone d’implantation, avec obligation de construire sur un alignement donné ou angle d’implantation figurant sur le plan (…). La surface développée de plancher autorisé sur chaque lot est indiquée en annexe I. Elle est calculée sur la base des surfaces cumulées de plancher comptées hors œuvre ».

En2004, Monsieur M. devient propriétaire du lot 88 issu de la restructuration des lots 16 à 18. Par l’effet des prescriptions du règlement du lotissement, ce lot est affecté d’une SHON de 270 m2pour une surface d’emprise au sol de 165 m2.

Le 14/09/2006, Monsieur M. obtient la délivrance d’un permis de construirel’autorisant à étendre le bâtiment existant. Son implantation :

  • excède de 1,77 mètres la zone d’implantation prévue dans le plan de masse visé par le règlement du lotissement ;
  • dépasse de 146,63 m2la SHON autorisée par ce dernier
  • et, enfin, excède de 67,46 m2la surface d’emprise au sol prévue par ledit règlement.

Procédure :

Les voisins de Monsieur M. – Messieurs O. et U. – contestent la conformité de la construction achevée aux prescriptions du règlement du lotissement.

Ils assignent Monsieur M. en démolition de l’extension et en indemnisation, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle.

Selon eux, les dispositions du règlement du lotissement ont été contractualisées, comme en témoigne le procès-verbal de l’Assemblée générale de l’ASL du 24/10/1987 décidant du maintien de ses règles, ainsi que l’adoption par la majorité qualifiée des colotis d’un cahier des charges complémentaire dont les clauses ont, par la suite, amendé les règles du règlement maintenu.

Seulement, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (arrêts du 10/09/2015 et 30/11/2017, ce dernier rendu sur renvoi après cassation) juge que les dispositions du règlement du lotissement n’ont pas été contractualisées.

Si les demandes de Messieurs O. et U. « ne peuvent prospérer sur le fondement de la responsabilité contractuelle » et qu’à ce titre l’action en démolition de l’extension est rejetée, les juges d’appel ont tout de même condamné Monsieur M. à verser 20.000 euros au titre des dommages-intérêt devant réparer les troubles anormaux de voisinagegénérés par l’extension.

La 3èmechambre civile de la Cour de cassation :

Relève, qu’effectivement, les colotis ont empêché la caducité automatique du règlement du lotissement, en se prévalant de la procédure de l’al. 2 de l’art. L. 442-9 exigeant le vote de la majorité qualifiée de l’art. L. 442-10 pour le maintien de ses règles.

Autrement dit, alors même que par l’effet des termes de l’al. 1erde l’art. L. 442-9 – lotissement autorisé depuis plus de 10 ans + territoire communal couvert par un PLU – le règlement était amené à disparaitre, les colotis ont volontairement et expressément décidé de le conserver.

Mais la pérennisation du règlement du lotissement n’en fait pas ipso facto un document contractuel :

« Mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que, en exerçant la faculté que leur donne l’art. L. 442-9 du Code de l’urbanisme de maintenir le règlement du lotissement pour échapper à sa caducité automatique, les colotis ne manifestent pas leur volonté de contractualiser les règles qu’il contient ». 

Conformément à sa jurisprudence, la 3èmechambre civile conditionne la contractualisation à l’expression « d’une volonté non-équivoque des colotis de contractualiser le règlement du lotissement ou certaines de ses dispositions ».

Sachant que le législateur précise que « la seule reproduction ou mention d’un document d’urbanisme ou d’un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel » (art. L. 115-1 du Code de l’urbanisme).

En l’espèce, la clause de l’acte de vente signé par Monsieur M. le 25/12/2004 par laquelle il « reconnaissait avoir pris connaissance de tous les documents du lotissement et être tenu d’en exécuter toutes les stipulations, charges et conditions en tant qu’elles s’appliquaient au bien vendu » ne saurait suffire « à caractériser une volonté non-équivoque des colotis de contractualiser le règlement du lotissement ou certaines de ses dispositions ».

La contractualisation suppose donc un acte par lequel les colotis établissent, aux majorités exigées par le Code de l’urbanisme, vouloir que telle ou telle clause du règlement – voir le règlement en entier – vaille cahier des charges et, à ce titre, soit une clause contractuelle à portée réelle.

Pour finir, il est utile de rappeler que :

  • non seulementla procédure de l’al. 2 de l’art. L. 442-9 permettant le maintien des règlements de lotissement a été abrogée par la loi ALUR du 24/03/2014,
  • maisque le nouvel al. 2 de l’art. L. 442-9 prévoit que « lorsqu’une majorité de colotis a demandé le maintien [des règles du règlement du lotissement], elles cessent de s’appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un PLU dès l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 ALUR».

Ce qui signifie que depuis le 28 mars 2014, le règlement du lotissement de Bandol est devenu caduc par la volonté expresse du législateur.