L’obligation de justifier son absence en cas de maladie demeure l’une des règles les plus strictes du droit du travail. L’article L1226-1 impose au salarié d’informer son employeur dans les plus brefs délais et de transmettre un arrêt de travail valable dans un délai court. Si les textes rappellent régulièrement ce principe, ils demeurent silencieux sur les modalités concrètes de transmission. Cette absence de précision laisse une place importante aux usages et aux pratiques numériques, qui se sont imposés dans de nombreuses entreprises. Dès lors, une question essentielle se pose : l’envoi d’un arrêt de travail par mail est-il suffisant pour respecter les obligations légales?

 

L’évolution des échanges professionnels, la dématérialisation généralisée et l’usage quotidien des outils numériques conduisent de nombreux salariés à privilégier le courrier électronique. Ce réflexe, compréhensible, n’est pas dépourvu d’incertitudes juridiques, notamment lorsque l’entreprise n’a pas formalisé de procédure interne. Pour comprendre ce qui est réellement admis et ce qui demeure risqué, il convient d’analyser ce mode de transmission sous l’angle du droit positif et des pratiques prud’homales.

 


L’envoi par mail : une pratique admise mais encadrée

Aucun article du Code du travail n’impose un mode d’envoi spécifique. La loi exige uniquement que le salarié justifie son absence et adresse son arrêt de travail à l’employeur dans le délai requis. Ce silence permet d’admettre la transmission par voie électronique, dès lors que plusieurs conditions sont réunies.

 

D’une part, le mail doit parvenir à un destinataire compétent : service RH, service administratif, supérieur hiérarchique. D’autre part, le document transmis doit être le volet employeur, c’est-à-dire celui dépourvu d’informations médicales. Enfin, l’envoi doit intervenir dans le délai de quarante-huit heures, certaines conventions collectives imposant même un délai plus court.

 

La Cour de cassation a plusieurs fois rappelé que la preuve d’une information peut être apportée par tout moyen. Un courriel envoyé dans les délais, accompagné du volet employeur, constitue ainsi un mode de justification admis. Cette solution s’accorde avec les pratiques contemporaines et avec les règles applicables aux documents électroniques.

 

Pour autant, l’envoi par mail n’est pas totalement neutre. Il doit rester compatible avec les procédures mises en place par l’entreprise. Lorsqu’un règlement intérieur, une note de service ou un usage constant impose un envoi par courrier recommandé ou via un portail interne, l’employeur peut exiger le respect de cette procédure. C’est dans cette articulation entre liberté d’envoi et conformité aux règles internes que se situent les principaux risques.

 


Les avantages pratiques du mail

L’envoi par mail présente plusieurs atouts importants. Le premier est sa rapidité : le salarié peut informer immédiatement l’employeur, même lorsqu’il ne peut se déplacer ou lorsqu’un arrêt survient en dehors des horaires habituels. Dans un contexte où le délai légal est bref, ce mode de transmission facilite le respect des obligations.

 

Le second avantage réside dans la preuve. Le salarié peut conserver une copie du message envoyé, du document joint et de l’heure d’envoi. En cas de litige disciplinaire ou de contestation d’absence injustifiée, cette preuve peut jouer un rôle déterminant.

 

Enfin, le mail s’inscrit naturellement dans les organisations qui fonctionnent avec des outils numériques, des logiciels RH et des échanges dématérialisés. Il permet à l’entreprise de traiter l’arrêt plus rapidement, notamment pour ajuster l’activité ou organiser un remplacement.

 


Les risques liés à la transmission électronique

La transmission par mail comporte cependant plusieurs risques qu’il ne faut pas négliger.

 

Le premier est celui de la non-réception. Un message peut être perdu, bloqué par un filtre antispam, ou envoyé à une adresse erronée. L’employeur n’ayant pas à vérifier quotidiennement des messageries multiples, le salarié doit s’assurer du bon canal de transmission. Un mail non reçu peut entraîner une absence qualifiée d’injustifiée, avec les conséquences disciplinaires qui en découlent.

 

Le deuxième risque concerne le respect des procédures internes. Lorsque l’entreprise impose un envoi par courrier recommandé, un dépôt physique ou l’utilisation d’une plateforme RH, le salarié doit s’y conformer. Le non-respect de cette procédure peut justifier une sanction ou un refus de prise en compte de l’arrêt.

 

Un troisième risque tient à la confidentialité. L’arrêt de travail étant un document médical, il doit être transmis sans divulguer la moindre information sur la pathologie. Seul le volet employeur peut être communiqué. Le salarié doit s’abstenir de tout commentaire sur son état de santé dans le corps du mail.

 


Scanner et envoyer un arrêt : ce qu’il faut savoir

Le recours au scanner ou à une photo numérique est admis dès lors que le document est lisible et que l’employeur n’a pas interdit ce mode de transmission. Les copies numériques sont recevables en justice comme moyens de preuve, sauf contestation sur l’intégrité du fichier. Le salarié doit conserver l’original papier, lequel peut être demandé ultérieurement, notamment lors d’un contrôle de l’assurance maladie.

 


Comment procéder pour sécuriser l’envoi ?

Pour limiter les risques, il est recommandé au salarié d’adopter une démarche rigoureuse :

 

  • vérifier le délai applicable (souvent quarante-huit heures) ;

 

  • scanner correctement le volet employeur ;

 

  • envoyer le mail au bon destinataire ;

 

  • conserver une copie du message envoyé, de la pièce jointe et de l’heure d’envoi ;

 

  • effectuer un envoi complémentaire (courrier recommandé ou dépôt) dans les situations sensibles.

 

En cas de doute ou de procédure disciplinaire en cours, il est prudent de privilégier un envoi postal sécurisé.

 


Que faire en cas de contestation ?

Lorsqu’un employeur considère que l’arrêt n’a pas été transmis dans les règles, le salarié doit produire toutes les preuves de son envoi. Si l’employeur persiste et engage une procédure disciplinaire, il est possible de solliciter l’intervention du service RH ou, lorsque la situation l’exige, l’accompagnement d’un avocat en droit du travail. Celui-ci pourra analyser la régularité de la procédure et engager un recours devant le conseil de prud’hommes.

 


En résumé

La transmission d’un arrêt de travail par mail est admise, mais elle suppose rigueur et prudence. Ce mode d’envoi peut sécuriser le salarié à condition de respecter le délai, la confidentialité et les exigences internes de l’entreprise. À défaut, les conséquences peuvent être sérieuses. Une démarche organisée et la conservation systématique des preuves constituent la meilleure protection en cas de désaccord avec l’employeur.