Force est immédiatement de constater que la solution diffère en fonction de l’identité du débiteur de l’indemnisation : fonds de garantie (ONIAM, FGTI, FGAO…) ou compagnie d’assurance de la personne responsable du dommage.

 

En matière de contentieux médical, les jurisprudences judiciaire et administrative sont également radicalement opposées [situation au demeurant plus que dommageable et génératrice de fortes inégalités entre les victimes…].

 

A ce titre, personne n’ignore la solution dégagée par le Conseil d’Etat, dans un arrêt en date du 23 septembre 2013, et dont il résulte que :

 

« La prestation de compensation du handicap, servie par le département de la Loire à M. B...en application de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, a notamment pour objet de couvrir les frais d'assistance par tierce personne ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 245-7 du même code, cette prestation ne peut donner lieu à remboursement en cas de retour à meilleure fortune du bénéficiaire ; que, dès lors, c'est à juste titre que la cour administrative d'appel de Lyon, pour évaluer la somme allouée à M. B...au titre des frais d'assistance par tierce personne échus au 7 avril 2011, a déduit les sommes déjà versées à celui-ci par le département de la Loire au titre de cette prestation de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne ».[1]

 

Aussi, le Conseil d’Etat considère-t-il que la PCH doit être déduite du montant de l’indemnité allouée à la victime du dommage dont un établissement public hospitalier est responsable.

 

Toutefois, il sera immédiatement rappelé que la Cour de cassation ne partage pas l’analyse de la Haute Juridiction Administrative sur ce point, pour des raisons plus que louables et légitimes.

 

Et pour cause, la PCH n'a aucun caractère obligatoire pour la victime qui n'est pas tenue d'en demander le renouvellement.

 

En outre, son montant est fixé par référence aux ressources de la victime pour une période déterminée et elle peut être suspendue ou interrompue à tout moment.

 

Mais surtout, la PCH, régie par les articles L. 245-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, est allouée par le département et n'ouvre pas droit à un recours subrogatoire au sens des dispositions de la loi « Badinter ». 

 

Selon la Haute Juridiction civile, la PCH ne figure pas parmi les prestations soumises à recours visées par la loi Badinter et n'a donc pas à être déduite de l’indemnisation versée au titre d’un préjudice corporel.

 

La Première chambre civile de la Cour de cassation a ainsi refusé l'imputation de la PCH sur l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique, au motif qu'elle ne donnait pas lieu, en application des articles 29 et 33 de la loi du 5 juillet 1985, à recours subrogatoire du département contre la personne tenue à réparation.

 

Elle a ainsi jugé que :

 

« Attendu que, dès lors que la prestation de compensation du handicap à laquelle Bernard Y...pouvait prétendre ne donnait pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation, de sorte qu'elle n'avait pas à être imputée sur l'indemnité réparant l'atteinte à son intégrité physique, l'arrêt n'encourt pas le grief du moyen ». [2]

 

La Deuxième chambre civile de la Cour de cassation lui a emboîté le pas en jugeant que :

 

Attendu que, pour évaluer le préjudice concernant l'assistance par tierce personne, l'arrêt énonce que si les sommes versées par le RSI Languedoc-Roussillon au titre de la « majoration tierce personne » doivent être déduites, il y a lieu tout autant de déduire celles versées par le conseil général du Gard au titre de la prestation de compensation du handicap qui revêt un caractère indemnitaire ; qu'il s'évince des dispositions des articles L. 245-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, que la prestation de compensation du handicap doit être déduite du montant versé à la victime au titre de l'assistance par une tierce personne, en ce qu'elle a le même objet, au sens de l'article L. 245-4 du code précité et qu'au demeurant, en application de l'article L. 245-7, alinéa 3, du même code, les sommes versées au titre de cette prestation ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune ;

 

Mais attendu que si c'est à tort que la cour d'appel se détermine ainsi et comptabilise dans une rubrique intitulée débours tiers payeur les sommes versées au titre de la prestation de compensation du handicap, alors qu'il résulte des articles 29 et 33 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 que seules doivent être imputées sur l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime les prestations versées par des tiers payeurs qui ouvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation et que la prestation de compensation du handicap non mentionnée par le premier de ces textes ne donne pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation, le moyen est inopérant, dès lors que la prise en compte de la prestation de compensation du handicap n'a eu, en l'espèce, aucune influence sur le montant des indemnités que les tiers responsables et leurs assureurs ont été condamnés à verser à la victime en raison du droit de préférence de la victime sur la dette du tiers responsable ». [3]

 

A son tour, la Chambre Criminelle de la Cour de cassation a rappelé que seules étaient déductibles les prestations ouvrant droit à l’existence d’une action récursoire contre le responsable du dommage :

 

« Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait une exacte application des textes visés au moyen, dès lors que si la prestation de compensation du handicap définie aux articles L. 245-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction issue de la loi du 11 février 2005 constitue une prestation indemnitaire, il résulte des articles L. 421-1 du code des assurances et R. 421-13 du même code définissant les obligations du FGAO que la déduction des versements effectués par des tiers payeurs est subordonnée à l'existence d'une action récursoire contre le responsable du dommage ». [4]

 

Le raisonnement des juridictions civiles, fondé sur l’existence ou l’absence d’un recours subrogatoire des tiers payeurs à l’encontre de la personne responsable du dommage, se comprend aisément.

 

En l’absence d’un tel recours, si l’on impute le montant des prestations sur la dette de la personne responsable, sa dette envers la victime s’en trouve allégée, sans être exposée au recours subrogatoire du tiers payeur.

 

La solution est néanmoins différente dans les litiges mettant en cause la solidarité nationale, en présence de l’ONIAM notamment, puisque l’on sait que ce dernier n’agit qu’en qualité de payeur et non de responsable du dommage.

 

Plus précisément, l’article L.1142-17 du Code de la santé publique précise que l’ONIAM indemnise la victime « déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, et plus généralement des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ».

 

A ce titre, la jurisprudence tant administrative que judiciaire considère que la prestation de compensation du handicap doit être déduite des indemnités allouées par l’ONIAM au titre de l’assistance par tierce-personne.

 

Récemment, la Cour Administrative d’Appel de Versailles a jugé que :

 

« Il sera fait une exacte appréciation de l'aide par une tierce personne en mettant à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 263 736 euros, dont il y a lieu de déduire le cas échéant la prestation de compensation du handicap si l'intéressé en a bénéficié ». [5]

 

La Cour de cassation a également pu juger que les sommes versées au titre de la PCH par le département devaient venir en déduction des sommes dues à la victime par l'ONIAM au titre du poste de frais d'assistance par tierce personne.

 

Néanmoins, elle est venue poser un certain nombre de limites à cette déductibilité pour l’avenir.

 

Par un arrêt du 4 septembre 2024, elle apporte un éclairage important concernant les modalités de déduction de la PCH face aux indemnités versées par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale.

 

En effet, elle a jugé de manière pragmatique que la prestation de compensation du handicap ne se déduit pas de la tierce personne future capitalisée :

 

« 5. Selon l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, doivent être déduites de l'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, les prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ainsi que les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice.  

6. La PCH, régie par les articles L. 245-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, est allouée par le département et n'ouvre pas droit à un recours subrogatoire. Elle peut être affectée à des charges liées à un besoin d'aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux. Si elle est allouée sans condition de ressources, son montant est fixé, pour une période déterminée, par référence aux ressources de la victime. Elle peut être suspendue ou interrompue lorsqu'il est établi, au regard du plan personnalisé de compensation, que son bénéficiaire ne l'a pas consacrée à la compensation des charges pour lesquelles elle lui a été attribuée. 7. La Cour de cassation en a déduit que la PCH a le caractère d'une prestation indemnitaire, dès lors qu'elle n'est pas attribuée sous condition de ressources, et que, fixée en fonction des besoins individualisés de la victime d'un handicap, elle répare certains postes de préjudices indemnisables (2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n° 12-23.731, Bull. II, n° 40) de sorte que les sommes versées au titre de la PCH par le département viennent en déduction des sommes dues à la victime par l'ONIAM au titre du poste de frais d'assistance par tierce personne. 8. Le respect du principe de la réparation intégrale implique, en conséquence, que tant la PCH déjà perçue que celle à percevoir soit déduite des sommes allouées à la victime. La Cour de cassation a donc imposé au juge de rechercher si le handicap de la victime conduit au maintien du versement de la PCH pour l'avenir (1re Civ., 8 février 2017, pourvoi n° 16-12.489; 1re Civ., 5 avril 2018, pourvoi n° 17-10.657) et de fixer le montant de la rente due par l'ONIAM, qui ne peut agir en restitution des sommes qu'il aurait versées indûment à une victime, en prévoyant la déduction de la PCH qui serait allouée (1re Civ., 14 décembre 2016, pourvoi n° 15-28.060). 9. Cependant, la déduction par le juge de la PCH au-delà de la date à laquelle elle a été allouée se heurte à des difficultés de mise en œuvre. 10. En premier lieu, la PCH n'a aucun caractère obligatoire pour la victime qui n'est pas tenue d'en demander le renouvellement, son montant est fixé par référence aux ressources de la victime pour une période déterminée et elle peut être suspendue ou interrompue pour les motifs précités. La Cour de cassation a donc jugé, dans le cas d'une indemnisation versée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), que le juge ne peut déduire la PCH de l'indemnisation due au titre de l'assistance par une tierce personne pour l'avenir, au-delà de la date à laquelle elle a été allouée, en tenant compte de la possibilité donnée à celui-ci, en application de l'article 706-10 du code de procédure pénale, de demander le remboursement total ou partiel de l'indemnité allouée à la victime, obtenant, postérieurement au paiement, du chef du même préjudice, une des prestations ou indemnités visées à l'article 706-9 du même code (2e Civ. , 17 janvier 2019, pourvoi n° 17-24.083, publié). 11. En deuxième lieu, les juges du fond apprécient si la réparation du préjudice de la victime doit prendre la forme d'un capital ou d'une rente. 12. En troisième lieu, la victime ne doit pas se trouver pour l'avenir contrainte de produire régulièrement des justificatifs relatifs à la perception ou non d'une prestation et, le cas échéant, à son montant. La Cour de cassation a ainsi jugé que le versement d'une rente au titre de l'assistance par une tierce personne ne peut être subordonnée à la production annuelle, par la victime, auprès du FGTI, d'une attestation justifiant qu'elle ne perçoit pas la PCH (2e Civ., 21 septembre 2023, pourvoi n° 21-25.187, publié). 13. C'est dès lors à bon droit qu'après avoir déduit du montant du capital alloué au titre de l'assistance par une tierce personne celui de la PCH déjà accordée, la cour d'appel a retenu que cette prestation ne pouvait être déduite au-delà de la période pour laquelle elle a été attribuée à la victime et qui a pris fin le 31 juillet 2024 ». [6]

 

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Maître Vincent RAFFIN, Avocat Associé au sein du cabinet BRG Avocats [Nantes-Paris], et responsable du Département droit médical et dommages corporels, vous conseille, vous assiste et vous accompagne avec son équipe de collaborateurs et de médecins-conseils sur toute la France, en métropole comme en outre-mer.

 

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[1] CE 23 septembre 2013 n°350799 – « Centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne »

[2] Cass. 1re civ. 19 mars 2015, n° 14-12.792

[3] Cass. 2e civ. 2 juillet 2015, n° 14-19.797

[4] Cass. Crim. 1er septembre 2015 n°14-82.251

[5] CAA Versailles 4 février 2025 n°22VE02728

[6] Cass. Civ. 1, 4 septembre 2024 n°23-11.723