Les règles applicables aux procédures d’appel, telles qu’issues du code de procédure civile, et celles applicables aux procédures collectives, figurant désormais au code de commerce (notamment aux articles L. 661-1 et suivants et aux articles R. 661-1 et suivants), s’interpénètrent.
Les unes n’excluent pas les autres et, pour appréhender les recours à mener devant les juridictions d’appel, le professionnel doit maîtriser les unes sans oublier les autres.
Aux termes de deux décisions rendues le même jour, mises en évidence sur son site internet aussitôt, la Cour de cassation vient à rappeler ces fondamentaux.
Ainsi, selon un arrêt n°49 du 12 janvier 2016 (pourvoi n°13-24.058), la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a exclu expressément la caution des parties autorisées à s’immiscer, par voie d’intervention volontaire, dans le cadre d’une procédure d’appel d’une décision arrêtant le plan de cession du débiteur.
Ensuite, par un arrêt n°50 du 12 janvier 2016 (pourvoi n°14-18.936), la même quatrième chambre de la Cour de cassation a précisé la voie de recours existant à l’encontre des recours formés à l’encontre des décisions rendues sur opposition contre une ordonnance du juge commissaire statuant sur une requête en relevé de forclusion.
La portée de ces deux décisions sera analysée successivement.
Quid de l’intervention principale de la caution dans l’instance d’appel formée à l’encontre de la décision arrêtant le plan du débiteur principal ?
En matière de procédures collectives, les textes spécifiques applicables – désormais intégrés au code de commerce - ont non seulement encadré l’exercice des voies de recours (voir notamment l’article L. 661-1 du code de commerce), mais plus encore ont limité les parties pouvant accéder à la matière litigieuse et au procès (voir notamment l’article L. 661-6 du code de commerce).
Les voies de recours sont ainsi parfois fermées aux parties, qui ne peuvent alors que tenter de passer par la voie escarpée de l’appel nullité.
Plus spécifiquement, en matière de plan de cession, les dispositions de l’article L. 661-6 III du code de commerce énoncent :
« III- Ne sont susceptibles que d'un appel de la part soit du débiteur, soit du ministère public, soit du cessionnaire ou du cocontractant mentionné à l'article L. 642-7 les jugements qui arrêtent ou rejettent le plan de cession de l'entreprise. Le cessionnaire ne peut interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession que si ce dernier lui impose des charges autres que les engagements qu'il a souscrits au cours de la préparation du plan. Le cocontractant mentionné à l'article L. 642-7 ne peut interjeter appel que de la partie du jugement qui emporte cession du contrat.
IV.- Ne sont susceptibles que d'un appel de la part du ministère public ou du cessionnaire, dans les limites mentionnées à l'alinéa précédent, les jugements modifiant le plan de cession.
V.- Ne sont susceptibles que d'un appel de la part du débiteur, de l'administrateur, du liquidateur, du cessionnaire et du ministère public les jugements statuant sur la résolution du plan de cession »
La tentation est cependant grande pour certains plaideurs exclus des voies de recours de vouloir contourner ces limitations.
Ainsi, dans le cadre d’un plan de cession d’actifs, le gérant d’une entreprise cédée a imaginé saisir la Cour d’un appel de la décision arrêtant ledit plan, puis, en outre, intervenir à l’instance mais en qualité de caution.
La Cour d’Appel de Rennes a rejeté son appel, tout comme son intervention volontaire.
Dans le cadre d’un pourvoi-nullité fondé sur un excès de pouvoir commis par la Cour d’Appel, dès lors que le pourvoi était fermé par simple lecture de l’article L. 661-3, la Cour de cassation valide l’irrecevabilité opposée par la Cour d’Appel et juge que la juridiction d’appel n’a pas excédé ses pouvoirs.
La chambre commerciale de la Cour de cassation précise ainsi :
« La caution (…) n’a pas qualité pour interjeter appel du jugement qui arrête le plan de cession du débiteur principal.
Il y a là une application littérale des dispositions du code de commerce sur l’appel en pareille matière.
Mais, plus spécifiquement, la Cour de cassation ajoute que cette caution :
« n’a pas davantage de prétention à faire valoir lors de l’arrêté de ce plan »
La juridiction suprême paralyse là l’intervention volontaire, moyen astucieux que le plaideur avait trouvé pour insérer une contestation sur l’arrêté du plan de cession en esquivant les limitations textuelles précédemment évoquées.
Elle use, implicitement, de l’article 554 du code de procédure civile qui énonce que l’intervention volontaire en cause d’appel nécessite un intérêt pour agir.
Enfin, l’appelant ne doit pas oublier que la forme de l’appel d’une décision statuant en matière de plan de cession est imposée.
Dès lors que l’appel est possible, la procédure à jour fixe visée aux articles 917 et suivants du code de procédure civile s’impose aux parties. Ainsi la requête et les pièces doivent être déposées au greffe dans les huit jours de l’appel, même si la jurisprudence se montre souple en cas de défaut de respect dans la forme.
La voie de recours à l’encontre de la décision du juge commissaire statuant sur une requête en relevé de forclusion
Sous l’empire des lois consécutives applicables aux procédures collectives, le régime des voies de recours en matière de relevé de forclusion a grandement varié puisque si la Loi du 25 janvier 1985 interdisait l’appel et autorisait seulement une forme d’« opposition » devant le Tribunal de la faillite, la Loi du 10 juin 1994 a ensuite ouvert aux parties l’appel à l’encontre de ces décisions statuant sur le relevé de forclusion (article L 621-46 al. 3 ancien du code de commerce) et la Loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 a à nouveau modifié les voies de recours en revenant à la première solution, sans être retouchée par les décrets et ordonnances postérieurs (et notamment pas par l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008).
L’article R. 624-7 du code de commerce prévoit seulement que le recours contre les décisions du juge commissaire statuant sur l’admission des créances est formé devant la Cour d’appel. Ce texte doit s’interpréter restrictivement et ne peut donc être étendu aux décisions relatives aux relevés de forclusion.
Ainsi, la partie concernée doit-elle d’abord former un premier recours, devant le Tribunal de la faillite, à l’encontre de l’ordonnance du juge commissaire statuant sur une requête en relevé de forclusion et ce, dans un délai de dix jours (article R 621-21 du code de commerce).
Ce n’est que la décision rendue alors par ce Tribunal qui sera susceptible d’appel, si toutefois cette décision tranche tout ou partie du principal et ce, dans le même délai de dix jours, lequel court à compter de la notification valable de la décision avec mention des voie et délai de recours.
Mais l’appel est-il recevable quelle que soit le montant de la créance objet du relevé de forclusion ou cette créance doit-elle dépasser le taux du ressort de la Cour d’appel fixé à 4.000,00 € ?
La demande en relevé de forclusion peut d’abord s’analyser comme une demande indéterminée, comme le retiennent d’ailleurs certains auteurs. Selon cette interprétation, l’appel sera donc recevable et ce, quelle que soit le montant de la créance discutée par respect des dispositions de l’article 40 du code de procédure civile.
La demande en relevé de forclusion peut aussi s’apprécier en fonction de son support même, à savoir la créance dont l’admission au passif du débiteur failli est requise, et donc le quantum de celle-ci. Le franchissement du taux du ressort par la créance dont l’admission est requise serait alors à prendre en considération pour connaître de l’ouverture de l’appel ou de la nécessité, sinon, de se pourvoir en cassation.
Au demeurant, la Cour de cassation elle-même a déjà jugé que lorsque la demande porte sur une chose dont la valeur est inférieure au taux du ressort, la décision n’est pas susceptible d’appel (Cass. Soc. 14 mai 1984 Bull. V n°333 pourvoi n°82-41989). Selon cette jurisprudence, il appartient d’apprécier le taux du ressort en fonction des éléments de la demande qui permettent d’en déterminer son montant. Le juge doit donc s’efforcer de rendre à la demande son identité pour apprécier du recours.
La décision n°50 du 12 janvier 2016 (pourvoi n°14-18.936) a la vertu de la clarté. En effet, la quatrième chambre s’offre la première branche de l’alternative et retient :
« Aucun texte n’interdit ou ne limite l’appel contre les jugements statuant sur le recours formé contre les décisions du juge commissaire accueillant ou rejetant une requête en relevé de forclusion, même si la valeur de la créance en cause n’excède pas le taux de compétence en dernier ressort du tribunal de la procédure collective, »
Puis, de manière solennelle, ajoute le principe de droit processuel suivant :
« la demande en relevé de forclusion, qui n’est pas une demande d’admission de la créance, étant indéterminée »
La Cour de cassation vient donc fixer, pour un temps du moins, le principe applicable, lequel a au moins l’avantage de la simplicité. Il n’y a pas lieu de s’intéresser au quantum de la créance pour apprécier la recevabilité de l’appel du jugement du tribunal de la faillite statuant sur le recours formé à l’encontre de l’ordonnance du juge commissaire statuant sur une requête en relevé de forclusion.
Par Maître Alexis Devauchelle
Avocat au Barreau d’Orléans, spécialiste de l’appel
12 rue de la République
45000 Orléans
Tel 02.38.78.19.85 / fax 02.38.78.19.86
Pas de contribution, soyez le premier