Un locataire, importuné par les nuisances sonores de ses voisins, prévient son bailleur puis l’assigne en justice afin qu’il soit condamné à prendre les mesures propres à faire cesser les troubles anormaux de voisinage qu’il subit. Pour sa défense, le bailleur fait valoir qu’il avait fait de son mieux en envoyant 3 lettres recommandées aux auteurs du trouble. En vain. Au visa de l’article 1719 du Code civil, la Cour de cassation considère que le bailleur est responsable envers le locataire des troubles de jouissance causés par les autres occupants de l’immeuble et qu’il ne peut être exonéré de cette responsabilité qu’en cas de force majeure.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 mars 2018, 17-12.536, Inédit
Références
Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 8 mars 2018
N° de pourvoi: 17-12536
Non publié au bulletin Cassation
M. Chauvin (président), président
SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1719, 3° du code civil ;
Attendu que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué ([...], 13 octobre 2015), que M. X..., preneur à bail d'un logement appartenant à l'Office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de [...], l'a assigné en condamnation à remédier aux troubles anormaux de voisinage causés par un autre occupant de l'immeuble et à réparer son préjudice ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt relève que le défaut de jouissance paisible des lieux est caractérisé par des nuisances sonores nocturnes et des violences imputables aux occupants du logement situé au-dessus de celui donné à bail à M. X... et retient que, le bailleur ayant adressé trois lettres recommandées aux auteurs de ces troubles, ces diligences apparaissent adaptées et suffisantes, sans qu'il puisse être reproché au bailleur de ne pas avoir engagé une procédure judiciaire aléatoire de résiliation du bail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le bailleur est responsable envers le preneur des troubles de jouissance causés par les autres locataires ou occupants de l'immeuble et n'est exonéré de cette responsabilité qu'en cas de force majeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 octobre 2015 par la cour d'appel de Montpellier; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne l'Office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de [...] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'Office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de [...] et le condamne à payer à la SCP de Chaisemartin et Courjon la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Ahmed X... de ses demandes tendant à la condamnation de l'Office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de [...] à lui verser des dommages-intérêts pour manquement à ses obligations ;
AUX MOTIFS QUE, sur la responsabilité du bailleur, le bailleur a une obligation légale de principe de veiller à assurer à son locataire la jouissance paisible des lieux loués, par toutes les diligences qu'il peut raisonnablement mettre en oeuvre. L'office ACM produit des courriers adressés en recommandé aux occupants du logement de Mme A..., le 3 février 2006, le 3 avril 2009, le 19 mai 2009, dans lesquels il indique avoir été saisi de plaintes de locataires de la résidence sur le non-respect de la vie en collectivité par son fils Rémi, concernant des nuisances sonores nocturnes, rappelant à ce sujet l'importance d'un comportement de bon voisinage inscrit dans la loi et dans le contrat de bail. Le bailleur a concomitamment prévenu à chaque fois par un courrier séparé M. et Mme X... de son intervention, en demandant à être tenu informé de l'évolution de la situation. Dans l'état de la situation d'alerte seulement épisodique par les courriers d'Ahmed X..., sans être jamais conforté par d'autres plaignants dans l'environnement du logement en cause, ou des incidents particuliers qui auraient pu être portés à la connaissance du bailleur, et alors que d'autres voisins immédiats interrogés sur procès-verbal d'huissier du 3 mars 2014 indiquent qu'ils vivent là depuis 15 et 20 ans sans avoir été témoins de troubles de voisinage, les diligences effectuées par le bailleur apparaissent adaptées et suffisantes, sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir engagé à ce stade une procédure judiciaire aléatoire de résiliation du bail. Le jugement déféré a ainsi retenu à tort la responsabilité contractuelle du bailleur pour le condamner à une indemnisation de son locataire ;
ALORS QUE le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail ; qu'en l'espèce, après avoir constaté qu'était établi un défaut de jouissance paisible des lieux loués par M. Ahmed X..., excédant les inconvénients normaux du voisinage, causé par l'occupant du logement situé au- dessus du sien, la cour d'appel a pourtant considéré, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de M. Ahmed X..., que les diligences effectuées par le bailleur, qui avait adressé des courriers en recommandé aux occupants du logement de Mme A... les 3 février 2006, 3 avril 2009 et 19 mai 2009, apparaissaient adaptées et suffisantes, sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir engagé à ce stade une procédure judiciaire aléatoire de résiliation du bail ; qu'en statuant de la sorte, quand le bailleur est responsable envers le preneur des troubles de jouissance causés par les autres locataires et n'est exonéré de cette responsabilité qu'en cas de force majeure, la cour d'appel a violé l'article 1719, 3°, du code civil.
Pas de contribution, soyez le premier