« Le jeu c’est le travail de l’enfant, c’est son métier, c’est sa vie » selon Pauline Kergomard, pédagogue. 
En France l’âge minimum pour travailler est fixé à 16 ans. Le travail des enfants de moins de 16 ans est interdit.
Néanmoins, il existe des dérogations dans certaines catégories professionnelles, comme les secteurs du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel, de la radiophonie, des compétitions de jeux vidéo, du mannequinat, et, des enregistrements audiovisuels dont le sujet principal est un enfant de moins de 16 ans en vue d’une diffusion à titre lucratif sur un service de plateforme de partage de vidéos. 
Les jeunes travailleurs ne sont pas des salariés comme les autres, y compris dans ces secteurs dérogatoires, dont il existe une règlementation encadrant, avec minutie, le recrutement des mineurs de moins de seize ans et leurs conditions de travail [1].

1- L’autorisation individuelle requise pour recruter un enfant dans un spectacle, une entreprise de cinéma, de radio, de télévision, une entreprise ou une association de compétition de jeux vidéo.

Tout employeur doit déposer au préalable une demande d’autorisation auprès du préfet du siège de l’entreprise ou du préfet de Paris, si l’entreprise est étrangère, s’il souhaite recruter ou produire un enfant de moins de seize ans pour un spectacle ou une production déterminée, dans une entreprise de cinéma, de radiophonie, de télévision ou d’enregistrement sonore, ou dans une entreprise ou association ayant pour objet la participation à des compétitions de jeux vidéo au sens de l’article L321-8 du Code de la sécurité intérieure, pour la réalisation des enregistrements audiovisuels dont le sujet principal est un enfant de moins de 16 ans en vue d’une diffusion à titre lucratif sur un service de plateforme en ligne [2].

L’employeur, autre que l’agence de mannequins agréée, doit également déposer une demande d’autorisation, lorsqu’il souhaite sélectionner, engager, employer ou produire un enfant âgé de moins de seize ans pour exercer une activité de mannequin au sens de l’article L7123-2 [3].

Il y a lieu de relever que si l’autorisation écrite des représentants légaux de l’enfant est requise pour la demande d’autorisation individuelle, le recrutement du mineur de treize ans, en vue d’exercer les activités susmentionnées, est, en plus, subordonné à son avis favorable écrit [4].

Ainsi, la demande d’autorisation individuelle est instruite par le directeur départemental chargé de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités [5].

Une commission, chargée de l’instruction de la demande, rend un avis au préfet, après avoir apprécié, d’une part, si l’enfant est en mesure d’assurer le travail qui lui est proposé, compte tenu de son âge, de l’obligation scolaire à laquelle il est soumis et de son état de santé. Et d’autre part, si les conditions de travail de l’enfant sont satisfaisantes (difficultés et moralité de l’activité, horaires de travail, rythme des activités notamment en soirée ou au cours de la même semaine, rémunération, congés et temps de repos, hygiène et sécurité, sauvegarde de sa santé et de sa moralité etc.) [6].

L’autorisation individuelle peut être retirée à tout moment par le préfet.

2- Le recrutement d’un enfant mannequin.

L’autorisation individuelle n’est pas requise si l’enfant est engagé par une agence de mannequins, détentrice d’une licence, et qui a obtenu un agrément, lui permettant d’employer des enfants [7].

Un examen médical de l’enfant est obligatoire et a pour objectif d’apprécier si l’enfant est en mesure d’assurer une activité de mannequin sans compromettre sa santé ou son développement [8]. L’examen médical doit être renouvelé périodiquement. Si le médecin rend un avis négatif, l’agrément ne peut être délivré ou renouvelé.

L’agrément ou son renouvellement ne peut être accordé que lorsque les garanties assurées aux enfants quant à leur sécurité physique et psychique sont suffisantes, comme le précise l’article R7124-11 du Code du travail.

A ce titre, et dans le cadre de l’instruction de la demande, le préfet peut demander à l’employeur la délivrance du bulletin n°2 du casier judiciaire. Et aucun agrément ne peut être accordé ou renouvelé s’il apparaît qu’un dirigeant, associé ou gérant de l’agence a fait l’objet d’une condamnation figurant sur ce bulletin [9].

En cas d’urgence, le préfet peut suspendre l’agrément, lorsque la santé ou la moralité de l’enfant employé par l’agence sont immédiatement et gravement sont mises en cause [10]. Le préfet peut suspendre l’agrément pour une durée maximale d’un mois.

A l’issue d’une instruction et après que l’employeur ait été en mesure de présenter ses observations, la commission départementale spécialisée propose au préfet, soit de retirer l’agrément, soit de lever la suspension, si les mesures prises par l’agence de mannequin, sont jugées suffisantes pour supprimer les risques encourus par l’enfant et à éviter leur renouvellement.

3. Le recrutement d’un enfant youtubeur salarié.

La loi n°2020-1266 du 19 octobre 2020 encadre la réalisation et la mise en ligne sur des plateformes de partage de vidéos ayant pour sujet principal un enfant de moins de 16 ans.

Le Code du travail, modifié par la loi du 19 octobre 2020, règlemente le régime d’autorisation administrative préalable, lorsque les conditions de réalisation et de mise en ligne relèvent d’une activité professionnelle et ont pour objectif la réalisation d’un profit.

En effet, l’alinéa 5 de l’article L7124-1 du Code du travail dispose, au sujet de l’interdiction de recruter un enfant de moins de seize ans sans autorisation individuelle préalable :

« (…) 5° Par un employeur dont l’activité consiste à réaliser des enregistrements audiovisuels dont le sujet principal est un enfant de moins de seize ans, en vue d’une diffusion à titre lucratif sur un service de plateforme en ligne au sens du i de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/ CE (règlement sur les services numériques) ».

Ainsi, dans ce cas de figure, l’enfant de moins de seize ans est salarié, dès lors qu’il est le sujet principal des vidéos qui seront diffusées dans un but lucratif. Et la personne qui réalise et met en ligne ces vidéos, a la qualité d’employeur.

Avant le commencement de l’exécution de son activité professionnelle, l’employeur a l’obligation de demander l’autorisation au préfet, qui prend la forme d’un agrément [11].

A l’instar des agences de mannequins agréées, il existe les mêmes règlementations au sujet d’une part, de l’examen médical obligatoire et préalable avant de recruter un enfant de moins de seize ans, destiné à protéger sa santé ou son développement [12]. Et d’autre part, des pouvoirs de l’autorité administrative, de suspendre ou de retirer l’agrément, si la sécurité physique et psychique de l’enfant ne sont pas suffisamment garanties [13].

La seconde partie de l’alinéa 5 de l’article L7124-1 du Code du travail prévoit qu’ :

« En cas d’obtention de l’autorisation mentionnée au 5° du présent article, l’autorité administrative délivre aux représentants légaux une information relative à la protection des droits de l’enfant dans le cadre de la réalisation de ces vidéos, qui porte notamment sur les conséquences, sur la vie privée de l’enfant, de la diffusion de son image sur une plateforme en ligne mentionnée au même 5°. Cette information porte également sur les obligations financières qui leur incombent, en application de l’article L7124-25 ».

En effet, dans le cadre de la protection de la vie privée de l’enfant, la loi du 19 octobre 2020 prévoit la possibilité pour l’enfant de demander directement, l’effacement de ses données à caractère personnel sans le consentement des titulaires de l’autorité parentale. En l’absence de réponse de la plateforme, il existe la possibilité de saisir la CNIL.

4- Les conditions de travail et la rémunération des enfants.

Compte tenu de la spécificité de l’activité, il existe des dispositions spécifiques relatives à la durée du travail pour les enfants mannequins, précisés aux articles R7124-27 à R7124-30 du Code du travail.

Pour les enfants exerçant dans les autres domaines d’activités, ce sont les dispositions applicables aux jeunes travailleurs, telles qu’elles figurent aux articles L3161-2 et suivants du Code du travail.

Quant à la rémunération, une part de la rémunération perçue par l’enfant, dont le montant est fixé par la commission lors de la décision d’autorisation préalable ou d’agrément, peut être laissée à la disposition de ses représentants légaux. 
Le surplus, constituant le pécule est versé par l’employeur à la caisse des dépôts et consignations, qui gère ce pécule, jusqu’à la majorité de l’enfant ou son émancipation [14].

5- Les interdictions et les sanctions pénales destinées à protéger l’enfant.

Le Code du travail prévoit des mesures aux articles L7124-13 à L7124-20 destinées à protéger les enfants, parmi lesquelles, il est interdit :

  • De publier au sujet des enfants recrutés ou produits dans les activités susvisées par tous moyens, commentaires, informations ou renseignements autres que ceux concernant leur création artistique,
  • De faire de la publicité abusive tendant à attirer des enfants vers des professions artistiques dont elle souligne le caractère lucratif,
  • A l’exception des agences de mannequins, de faire de la publicité écrite tendant à proposer à des enfants de moins de seize ans une activité de mannequin sans être titulaire d’une licence et d’un agrément.

La violation de ces interdictions est punie de 6 000 euros d’amende et en cas de récidive de deux ans d’emprisonnement.

Par ailleurs, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 euros, le non-respect des règles portant sur :

  • Les activités interdites aux enfants de moins de seize ans [15],
  • Le recrutement d’un enfant de moins de seize ans sans autorisation individuelle préalable ou sans avoir préalablement recueilli son avis favorable écrit [16],
  • La durée du travail et le repos de l’enfant [17].

Conclusions : en somme, les dispositions actuelles du Code du travail ont le mérite de protéger, de manière adéquate, les intérêts des enfants, y compris pour la nouvelle activité de youtubeur, qui est loin d’être un jeu pour l’enfant.

Dalila MADJID, Avocate au Barreau de Paris

Notes de l'article: 

[1] Code du trav. art. R7124-1 à R7124-38.

[2] Art. L7124-1 et R7124-1 du Code du travail.

[3] Art. R7124-1 du Code du travail.

[4] Art. L7124-2 du Code du travail.

[5] Art. R7124-4 du Code du travail.

[6] Art. R7124-5 du Code du travail.

[7] Art. L7124-4 du Code du travail.

[8] Art. R7124-9 du Code du travail.

[9] R7124-11 du Code du travail.

[10] Art. R7124-12 du Code du travail.

[11] Art. R7124-19 du Code du travail.

[12] Art. R7124-19-1 du Code du travail.

[13] Art. R7124-19-3 du Code du travail.

[14] Art. L7124-10 du Code du travail.

[15] Art. L7124-30 et L7124-31 du Code du travail.

[16] Art. L7124-22 et L7124-23 du Code du travail.

[17] Art. L7124-24 du Code du travail